1 - 1079 : la primatiale des Gaules
La cathédrale Saint-Jean de Lyon est aussi connue sous le nom de primatiale Saint-Jean.
Si la cathédrale est le lieu de la cathèdre, le siège de l’évêque, la primatiale est le siège du primat des Gaules !
C’est en 1079 que le pape Grégoire VII accorde ce titre à l’archevêque de Lyon, Lyon ayant été au IIe siècle le premier évêché de Gaule, avec le célèbre saint Pothin.
Primatie vient en effet du latin prima sedes episcoporum, premier siège des évêques !
2 - 1245-1274 : deux grands conciles
1245 : un empereur excommunié
Saint-Jean, commencé en 1165, est achevé en 1245 : juste à temps pour organiser en ses murs le 13e concile œcuménique (juin-juillet 1245), présidé par le pape Innocent IV !
150 évêques y participent, pour trois sessions. Il est question de déposer l’empereur du saint Empire germanique Frédéric II.
Trop souvent, celui-ci s’est opposé à la papauté. Trop souvent, le pape l’a excommunié.
Les évêques allemands et italiens ne participent pas, craignant la colère de l’empereur.
Frédéric, convoqué, ne vient même pas ! Le concile le déclare finalement « dépouillé de tous honneurs et dignités. »
1274 : les ambassadeurs du khan à Lyon !
Le successeur d’Innocent IV, Grégoire X, choisit Lyon pour organiser le 14e concile et ses 5 sessions (mai-juillet 1274), pour tenter de rapprocher les églises catholique et orthodoxe.
Le 7 mai 1274, on voit arriver :
- 500 évêques ;
- des milliers de dignitaires dont l’empereur byzantin Michel Paléologue et le roi Jacques Ier d’Aragon ;
- saint Thomas d’Aquin fait même le déplacement… mais il meurt en route !
Ce que l’on note, surtout, c’est la présence des ambassadeurs envoyés par le khan mongol Abaqa de l’empire Ilkhanide de Perse.
Le petit-fils du grand Gengis Khan !
16 membres sont envoyés, l'un d’entre eux se fait même baptiser.
Abaqa compte bien s’allier avec le pape et les souverains chrétiens contre le sultan d’Égypte, entre autres.
Mais le concile n’aboutit à rien...
3 - 1271 : passage du corps de saint Louis
- Le roi Louis IX meurt de dysenterie à Carthage, en Tunisie, au cours de la 8e croisade, en août 1270.
- Ses restes sont rapportés en France, et déposés un moment dans la cathédrale lyonnaise !
- Ensuite, cap sur Saint-Denis, pour l’inhumation.
Donc : le 11 novembre 1270, Philippe le Hardi fait rapatrier les restes de son père vers la France. Le voyage va être long !
Alors, pour que le corps ne pourrisse pas, on le fait bouillir.
On découpe le mort, on le fait bouillir jusqu’à ce que les chairs se détachent, détaille Philippe Charlier dans Quand la science explore l’Histoire (2019), afin de récupérer les os.
Ainsi, le moine Primat détaille :
« Les valets du roi et tous les serviteurs prirent le corps du roi et le coupèrent membre à membre et le firent cuire si longuement en eau et en vin que les os en churent tout blancs et tout nets de la chair qu’on pouvait les ôter sans employer la force. »
Voilà les restes du roi parés pour le long voyage vers Saint-Denis !
- Cap d’abord sur la Sicile, pour y déposer ses viscères à l’abbaye de Monreale chez son frère ;
- puis les Alpes, vers Lyon au début de l’année 1271 ;
- enfin, Saint-Denis, en mai 1271.
4 - 1316 : couronnement du pape Jean XXII
Il s’appelle Jacques Duèze, né en 1244 à Cahors… il devient le 196e pape de l’Église catholique sous le nom de Jean XXII, en 1316 !
L’évènement se déroule sous les voûtes de Saint-Jean à Lyon. Il a 72 ans, il est pape pendant encore 18 ans ! Il part s’installer à Avignon, dans le palais des Papes : c’est le premier à inaugurer cette tradition.
On se souvient que son élection s’est faite dans un contexte tendu, en l’ancien couvent des Jacobins de Lyon ! Son couronnement a lieu début septembre 1316.
Certains livres d’histoire rapportent que lors de son élection, il attrape la couronne pontificale, se la pose sur la tête et clame : Ego sum papa, je suis le pape !
C’est peu probable.
5 - 1562 : le sac de Lyon, des destructions toujours visibles
Regardez la façade. Toutes les niches sont vides !
En 1562, les troupes protestantes du baron des Adrets saccagent l'édifice, renversant 50 statues, détruisant les tombeaux et le jubé.
Des saccages encore visibles, donc : les niches abritant ces statues détruites sont vides, aujourd’hui !
D’ailleurs, l’un des hommes du baron, « monté au plus haut du fronton de l’église pour y abattre la statue de saint Jean qui y était placée, tomba de ce lieu élevé et mourut sur le parvis. »
6 - 1600 : mariage d'Henri IV
À peine le pape Clément VIII a-t-il cassé son mariage avec la reine Margot, qu’Henri IV était prêt pour le remariage.
On le voyait déjà fiancé avec sa maîtresse en titre, Henriette d’Entragues… elle sera reine, lui avait-il dit, si elle lui donnait un héritier !
Sauf qu’Henriette perd l’enfant, et la grosse fortune d’une certaine Marie de Médicis était plus que tentante...
Mariée par procuration à Florence, Marie débarque en France, en entrant triomphalement à Marseille, le 3 novembre 1600.
Son futur mari n’est même pas venu l’accueillir ! Ils se rencontrent pour la première fois, à Lyon, un mois plus tard.
La nuit de noces est directement expédiée le 9 décembre au soir, avant même la célébration du mariage dans la cathédrale, qui a lieu le 16…
Le diplomate Vinta se contentera d’écrire le lendemain au grand-duc che le cose erano passate finalmente benissimo, dit Michel Lefort dans La Galigai (Librinova, 2022).
Et le 16 décembre, donc, on voyait arriver :
- Henri, en habit de satin blanc brodé d’or et de soie, cape noire ;
- Marie en manteau royal de velours violet rodé de fleurs de lys dorées, parée de diamants (un collier estimé à 50000 écus) et d'une « riche couronne ».
On avait décoré la cathédrale avec luxe : l’évêque les attendait au fond de la nef sur sa haute chaise couverte de velours cramoisi...
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7 - 1660 : l’horloge astronomique actuelle
Cet incroyable objet a été installé dans la cathédrale lyonnaise en 1379.
Elle a été remaniée les siècles suivants : saccagée par les protestants puis réparée en 1598, l’horloge dans sa forme actuelle date de 1660, restaurée par un certain Guillaume Nourisson.
Le célèbre romancier anglais Charles Dickens la décrit avec humour lors de son passage à Lyon en 1845 :
« Une multitude de portes s'ouvrirent, d'innombrables petites figures en sortirent, toutes vacillantes, et rentrèrent en tressaillant par l'effet de cette incertitude de démarche qui distingue ordinairement les figures mises en mouvement par des ressorts d'horloge. »
Il fait semblant d’avoir pris l’ange Gabriel, qui « apparaît par une petite porte » et rentre « en refermant violemment sa porte », pour le diable venant tenter la Vierge !
On peut toujours voir la position de la lune, du soleil, de la terre et des étoiles, mais surtout, de remarquables automates se mettant en branle selon l’heure : un coq battant des ailes, Dieu, l’ange Gabriel...
8 - 1838 : des restaurations critiquées !
La chaire est le seul vestige des restaurations apportées par l’architecte Chenavard, accusé en 1838 d’avoir défiguré la cathédrale en la peinturlurant.
« M. Chenavard, je regrette de la dire, ne doit entrer dans les églises du Moyen Age que comme fidèle pour prier, mais jamais comme constructeur », écrit Joseph Bard dans Statistique générale des basiliques et du culte dans la ville de Lyon.
Journal général de l'Instruction publique (vol 8) explique : un rapport de novembre 1838, fait au ministre de l’Instruction publique, rapporte que l’architecte a, « par un badigeonnage inutile et disgracieux, altéré la beauté de la cathédrale de Lyon. »
Allons bon ! Voilà autre chose...
On lui demande de s’expliquer. Voilà ce qu’il raconte.
- L'intérieur de la cathédrale est en mauvais état, notamment au niveau des murs ;
- Le préfet et le ministre des cultes mandatent donc un architecte, un peintre, un sculpteur, qui décident qu’il faut badigeonner l’église. Pourquoi ? La voûte était « crevée », un peu partout, avec de larges fissures, qu’il fallait reboucher au plus vite.
- Chenavard remarque que la cathédrale se compose de deux parties de style et d‘époque différents, l’une en blanc, l’autre en pierre grise, avec une nef en pierre jaunâtre.
- Il décide, « pour continuer ce parti pris », de recouvrir de blanc une moitié de l’église pour s’harmoniser avec, et d’une autre teinte plus terne la nef. Mais le résultat est... moche !
C'est le célèbre architecte Tony Desjardins qui se charge de la suite de la restauration, dès 1845.
Sources
- Maurice Colinon. Guide de la France religieuse et mystique. Éditions Tchou, 1969.
- André Vauchez. Apogée de la papauté et expansion de la chrétienté (tome 5). Desclée, 2001.
- Henri Martin. Histoire de France depuis les temps les plus reculés jusqu'en 1789 (tome 4). 1855.
- Bouvet de Cressé. Résumé de l'histoire des papes. 1826.
- Antoine Delandine. Manuscrits de la bibliothèque de Lyon (tome 1). 1812.
- Alexandre Bande. Le cœur du roi. Tallandier, 2014.
- Auguste Bleton. Lyon Pittoresque. 1896.
- Jean Baptiste Monfalcon. Histoire de la ville de Lyon (tome 2). 1847.