
Le château des Saint-Nectaire
Édifié en 3 campagnes successives, le château de la Ferté-Saint-Aubin, avec ses élégantes façades de briques, se trouve là depuis... des temps immémoriaux ! Depuis le 11e siècle, exactement, puisqu'il existe, sur le site actuel, une forteresse du nom de Ferté-Nabert.
La seigneurie passe entre de nombreuses mains, avant de revenir, au 16e siècle, à la famille d'Estampes. En 1575, par héritage, le château revient à un cousin, François de Saint-Nectaire (ou Séneterre), qui fait démolir l'ancienne forteresse et construire la partie gauche du logis, appelée le « petit château. » À la génération suivante, vers 1625, on édifie à droite le « grand château. »
La génération suivante ? Oui, en la personne d'Henri II, maréchal de France qui s'illustre courageusement au combat. C’est de sa seconde épouse, dont il est question dans cette histoire !

Madeleine et Catherine d'Angennes
La seconde épouse du seigneur de La Ferté, donc, s’appelle Madeleine d'Angennes.
Jolie, très aventureuse. Pas vraiment fidèle, murmurent les mauvaises langues ! On dit même qu'elle se compromet dans la célèbre affaire des Poisons...
En fait, Madeleine forme un duo d’enfer avec sa sœur Catherine-Henriette d'Angennes, comtesse d'Olonne. Un portrait dans la tour dorée du château bourguignon de Bussy-Rabutin les représente, regardez :

Saint-Simon dit :
« Leur beauté et le débordement de leur vie firent grand bruit. Aucune femme, même les plus décriées pour la galanterie, n'osait les voir ni paraître nulle part avec elles. »
Pour Catherine, on ne compte plus les amants ! La princesse Palatine (qui n’a pas sa langue dans sa poche), écrit, quand elle lui parle de ses conquêtes :
« Je ne sais lequel c’était, car elle en a eu autant qu’il y a de jours dans l’année... »
Fatigué, humilié et moqué, son mari demande la séparation en 1661.
Des histoires d'amants... et de bâtards !
Et Madeleine, alors ? En l’épousant, le maréchal de Saint-Nectaire l’avait prévenue :
« Corbleu, Madame, vous voilà donc ma femme, et vous ne doutez pas que ce ne vous soit un grand Honneur ; mais je vous avertis de bonne heure, que si vous vous avisez de ressembler à votre sœur et à une infinité de vos parentes qui ne valent rien, vous y trouverez votre perte. »
Sauf que le maréchal n’est pas souvent à la maison, ce qui laisse à Madeleine tout le temps de le tromper ! D’abord avec l'un de ses domestiques. Sur quoi le mari, en rentrant, lui fracasse le crâne d’un coup de pistolet !
Le pas était franchi... plus de retenue ! L’orgie pouvait commencer. Saint-Simon écrit :
« Quelque impétueux que fût le maréchal de La Ferté, il fut dupe de sa femme toute sa vie ou le voulut bien paraître. »
Il fallait à Madeleine les plus grands, les plus gradés. Les plus jeunes, aussi : comme ce prince Charles-Paris d’Orléans, 20 ans et toutes ses dents. Elle en a 40.
Le jour où elle tombe enceinte, elle arrive à dissimuler son embonpoint derrière ses vertugadins, ses « cache-bâtards », comme on les appelait !
Au moment d’accoucher, le mari est souffrant, alité par une crise de goutte terrible. Bah ! L’ami du prince d'Orléans vient récupérer le nouveau-né pour l’emmener au jeune père, qui avait recruté une nourrice...

L’anecdote qui tue !
On la lit dans les Lettres de Mme de Sévigné :
« Madeleine d'Angennes de la Loupe, maréchale de La Ferté, Catherine-Henriette d'Angennes, comtesse d'Olonne et Marie-Isabelle de La Mothe-Houdancourt, duchesse de La Ferté, belle-fille de la maréchale, étaient au nombre des femmes les plus galantes de ce temps. »
« On lit ce qui suit dans les Mélanges de l'abbé de Choisy : Le maréchal de La Ferté était à l'agonie ; sa femme, sa belle-fille, sa belle-sœur étaient autour de lui et criaient : "- Monsieur le maréchal, monsieur le maréchal, nous connaissez-vous bien ? Serrez-nous la main, dites-nous qui nous sommes." Le bonhomme, fatigué de leurs criailleries, rappela ses esprits et leur dit : "- Vous êtes des p..." On faisait ce conte à madame Cornuel, qui dit : "- On peut juger que le maréchal avait encore toute sa raison." »

Quand d’Olonne, le mari de Catherine, est sur le point de mourir à son tour, en 1686, et que l’on va chercher le curé, M. de Cornouaille, il soupire :
« Je serais donc encornaillé jusqu’à la mort ? »
Saint-Simon conclue sur les deux dames :
« Quand elles furent vieilles et que personne n'en voulut plus, elles tâchèrent de devenir dévotes. »
Sources
- Mémoires de la Société archéologique d'Eure-et-Loir (tome 4). 1867.
- Encyclopédie Châteaux Passion. Éditions Atlas. 2001.