Mozart débarque à Strasbourg
Wolfgang Amadeus Mozart fait un séjour à Strasbourg, à l'automne 1778 : il débarque en ville le 10 octobre 1778 ! Il a alors 22 ans. Il vient de séjourner 6 mois à Paris, où il n'avait pas réussi à trouver de travail et où sa mère était morte.
Il se retrouve donc seul, à Strasbourg, pour la première fois de sa vie. Il n'a pas vraiment envie de rentrer en Autriche, à Salzbourg, retrouver son employeur, l'archevêque Coloredo, qui le déteste...
Heureusement, son père l'a recommandé au banquier et négociant Franck, qui habite à Strasbourg un hôtel quai Saint-Nicolas, au n°7. Il écrit à son père à la toute fin d'octobre 1778 :
« Strasbourg ne peut se passer de moi ! Vous ne sauriez croire en quelle estime on me tient, et comme je suis aimé ici ! Les gens disent que tout est si noble en moi, que je suis si posé et si poli, que j’ai une si bonne conduite. Tout le monde me connaît. »
Mozart joue à Saint-Thomas
C'est sur l’orgue de l’église protestante de Saint-Thomas, sur cette console déposée à l'entrée de l’édifice, qu'a joué Mozart pendant son séjour strasbourgeois !
Un instrument réalisé en 1741 par le fils du célèbre facteur d'orgue André Silbermann. L’atelier Silbermann a en effet fourni de nouvelles orgues, à cette époque, pour un grand nombre de paroisses alsaciennes.
Mozart explique dans une lettre à son père que dès qu'ils ont entendu son nom, Silbermann et l'organiste Hepp viennent le voir, le sollicitant pour « jouer publiquement sur les deux meilleurs orgues d'ici » : celui de Saint-Thomas et celui du Temple neuf (Haupt Kirche), alors principale paroisse protestante de Strasbourg. Mozart est ravi !
Malheureusement, l’orgue de Saint-Thomas est endommagé au fil du temps, notamment aux 19e et 20e siècles : c'est un autre organiste de renom (Alsacien celui-ci), Albert Schweitzer, qui le sauve de la ruine.
Les concerts de Mozart à Strasbourg
En plus de jouer à Saint-Thomas, Mozart donne 3 concerts, pendant son séjour strasbourgeois. À la Comédie Française place Broglie, et au Poêle des Drapiers dans le quartier de la Petite-France.
Le premier, le 15 octobre 1778, est un « concert per subscription (pour éviter les frais, ndlr), pour faire plaisir à de bons amis, admirateurs et connaisseurs ; car si j’engageais de la musique, cela me coûterait plus de trois louis d’or avec l’illumination. »
Les conditions ne sont pourtant pas bonnes... pires qu’à Salzbourg ! Pourquoi ? Le public n’est pas vraiment au rendez-vous ! Mozart écrit :
« J’ai joué tout seul sans prendre aucun orchestre afin de ne rien dépenser, bref, j’ai touché 3 louis d’or tout entiers. Mais le plus clair du gain a consisté en bravo et bravissimo qui volaient de tous côtés vers moi. »
Mauvaise recette et public rare !
Mozart organise un autre concert, sur le conseil d’amis, cette fois en dépensant plus, espérant récupérer son investissement.
La recette est meilleure, « mais les frais occasionnés par l’orchestre qui est très, très mauvais et se fait bien payer, les frais d’éclairage et d’impression, la police et une quantité de gens placés aux entrées, ont absorbé une grosse somme. »
Encore une fois, le public s’est fait rare :
« Il n’est rien de plus triste qu’une grande table en T à 80 couverts, avec trois convives seulement. Et puis, il faisait si froid. Mais je me suis bien réchauffé, et pour montrer à Messieurs les Strasbourgeois que cela m’était parfaitement indifférent, j’ai joué beaucoup pour mon propre amusement ; j’ai exécuté un concerto de plus que je n’avais annoncé, et à la fin, j’ai longtemps improvisé. »
Un Mozart pas peu fier, pourtant
Pourtant, Mozart n'est pas mécontent :
« Les cris d’applaudissements et les battements de mains m’ont fait autant de mal aux oreilles que si le théâtre eût été rempli. Tous ceux qui étaient là ont ouvertement et à haute voix exprimé leur mécontentement contre leurs propres concitoyens ; je leur ai dit à tous que si mon bon sens avait pu me représenter qu’il viendrait si peu de monde, j’aurais bien volontiers donné le concert gratis, rien que pour le plaisir de voir le théâtre plein. »
Le compositeur autrichien quitte Strasbourg
À Paris, Mozart n'avait pas trouvé de travail. À Strasbourg, il aurait dû succéder au maître de chapelle de la cathédrale, un certain Richter, 68 ans… alcoolique notoire, à la santé chancelante !
Mais qui s'est beaucoup modéré, entre-temps... diminuant sa consommation quotidienne de vin de 40 à 20 bouteilles, explique un Mozart désabusé ! Ce qui fait soupirer à ce dernier : « S’il était mort, j’aurais obtenu un bon poste. »
Le 3 novembre 1778, le jeune compositeur autrichien quitte Strasbourg pour Mannheim, en Allemagne.
Sources
- Collectif. Strasbourg insolite et secret. Éditions Gisserot, 1999.
- Henri de Curzon. Lettres de Wolfgang Amadeus Mozart. 1888.
- Jean et Brigitte Massin. Mozart. Fayard, 1990.