Petite Bretonne deviendra grande
Se doutait-elle, la jolie petite Bretonne brune et piquante, du drôle de destin qui l'attendait ?
Louise de Keroualle naît en 1649 dans le pays brestois, au sein d'une famille noble. Papa s'appelle François de Penhoët, maman Jeanne de Penancoët, dame de Keroualle.
De mauvaises langues anglaises raconteront plus tard comment ses parents, exaspérés par ses mœurs dissolues, l'envoient à Paris chez sa tante, mais qu'en chemin, elle multiplie les amants...
En fait, Louise a la chance, au fond de son petit manoir breton, d'avoir la visite du fils légitime d'Henri IV, François de Vendôme. Sous le charme, il jure de faire quelque chose pour la belle jeune fille, et de lui trouver une bonne place à la Cour !
Dans le lit du roi anglais ?
Louise n'a pas un sou en poche, tant pis ! Elle devient pourtant dame d'honneur de la duchesse d'Orléans. Et la voilà à Versailles ! Sa beauté fait déjà parler d'elle. Va-t-elle devenir la nouvelle maîtresse du roi Soleil ? Non ! À cette époque, Louis XIV cherche à contrer l'alliance que vient de conclure Charles II, avec les Provinces-Unies.
Comment faire ? La solution se présente tout naturellement devant ses yeux, en la personne de Louise : pourquoi ne pas séduire le roi anglais, qu'on sait friand du sexe faible ?
Justement, en mai 1670, voilà qu'arrive la sœur du roi d'Angleterre, Henriette, épouse du duc d'Orléans. Elle embarque avec Louise du port de Dunkerque : celle-ci va aller jouer l'espionne outre Manche, et convaincre le roi d'annuler son alliance. Pour signer le traité de Douvres, surtout ! Un traité qui dit que Louis XIV obtient le soutien de l'Angleterre contre les Provinces-Unies...
Joli ruban de soie !
La belle, conseillée par l'ambassadeur à Londres Colbert de Croissy, va utiliser tous ses charmes pour que la politique anglaise tourne en sa faveur... en la faveur de son pays !
Le roi en tombe fou amoureux bien sûr, et lorsque sa sœur Henriette retourne en France, il la supplie de lui laisser Louise. Saint-Evremond dit d'ailleurs de la situation :
« Le ruban de soie qui serre la taille de mademoiselle de Keroualle unit la France à l'Angleterre. »
Louise ne tarde pas à demander à Colbert, le droit de se faire naturaliser anglaise, mais le roi français n'est pas vraiment d'accord...
En la rose je fleuris
Alors, Louise joue son rôle diplomatique pendant 15 ans. En 1673, les Anglais la font duchesse de Porthsmouth, baronne de Petersfield et comtesse de Farnham, avec cette jolie devise « En la rose je fleuris. »
On ne l'aime pas en France, encore moins en Angleterre ! La marquise de Sévigné écrit en septembre 1675 :
« Pour l'Angleterre, Keroualle n'a été trompée en rien. Elle avait envie d'être la maîtresse du roi, elle l'est. Il couche quasi toutes les nuits avec elle, à la vue de toute la cour. Elle a un fils qui vient d'être reconnu, à qui on a donné deux duchés. Elle amasse des trésors et se fait redouter et respecter de qui elle peut... »
Espèce de punk !
Les Anglais la détestent, pour preuve ces vers d'Andrew Marvell :
That Keroualle, that incestuous punk Made our most sacred sovereign drunk And drunk she let him give the buss Which still the kingdom's bound to curse.
Ce qui veut dire :
« Keroualle, putain incestueuse, a rendu notre roi ivre, et ivre il lui donne un baiser. Ce que le royaume se doit de maudire. »
En France, Louis XIV la fait duchesse d'Aubigny-sur-Nère, en lui donnant cette terre berrichonne. Le temps passe... Le roi Charles II mort en 1685, Louise décide de rentrer en France.
Elle se dirige en Bretagne puis dans le Berry où elle s’installe à Aubigny pour finir ses jours (riche), à 85 ans.
Sources
- Henri Forneron. Louise de Kéroualle, duchesse de Portsmouth.1886.
- Lettres de Madame de Sévigné, de sa famille et de ses amis (tome 3). 1863.
- Jules d'Argis. Le roman de l'histoire. 1878.