Que vient faire Charlotte au Palais-Royal ?
13 juillet 1793. 8 h du matin.
Au n° 177 de la galerie de Valois, chez le coutelier Badin, la jeune Charlotte Corday achète « un couteau à gaine façon de chagrin (sorte de cuir, ndlr). »
Arrivée le 11 à Paris depuis Caen, Charlotte n'a qu'une seule idée en tête, tuer...
Sans avoir rien soufflé de son projet à personne.
En disant adieux à ses proches.
En cette fin de journée du 13 juillet, elle partait assassiner Marat dans sa baignoire, au 30 rue des Cordeliers (actuel 20 rue de l'École-de-Médecine)...
Le mobile de Charlotte
Charlotte, la Normande de toute petite noblesse, qui toute sa jeunesse s’est enfermée dans ses livres et ses rêves.
Elle a lu tous les philosophes des Lumières, Rousseau, Voltaire.
Complètement exaltée, elle devient bigote à l’extrême...
Elle est du côté des Girondins. Vous savez ?
Deux factions s’opposent, pendant la Révolution : Girondins VS Montagnards.
Pour les premiers, la Révolution, la nouvelle République, ça roule, mais pas en massacrant tout le monde.
Alors que les Montagnards, eux, tuent tous les traîtres supposés, pour sauver leur Révolution, leur jeune République.
Et qui est leur chef ? Jean-Paul Marat !
Commence ce qu’il appelle lui-même « la chasse des bêtes puantes et féroces. »
Horrifiée par cette Révolution meurtrière, Charlotte veut y mettre un terme. En supprimant Marat, médecin et journaliste, révolutionnaire convaincu et très populaire.
Elle le supprime car c’est un tyran, un monstre sanguinaire.
Oui, la Terreur bat son plein depuis que les Montagnards de Robespierre sont arrivés au pouvoir, en 1793 : les exécutions se succèdent, on envoie tous les ennemis supposés de la Révolution à la guillotine...
Les Lumières et ses idées nouvelles, la foi en l’être humain, voilà ce qu’ils en font... Charlotte a la haine.
Marat dans sa baignoire
Charlotte a été éconduite 3 fois, ce 13 juillet, au 30 rue des Cordeliers, domicile de Marat.
Quand enfin celui-ci la reçoit, elle le trouve immergé dans son bain. Il écrit sur une planche de mauvais bois posée devant lui.
Ça empeste. Une odeur de vinaigre et de soufre règne dans le clair-obscur de la pièce.
Marat passe sa vie dans sa baignoire de cuivre. Pas par coquetterie, ni toc de propreté, non.
Le pauvre Marat macère dans son jus pour soulager sa douloureuse maladie de peau, un eczéma, une dermatite ou une MST.
Une petite trempette à base de décoction de soufre le soulage un moment.
Marat prend en même temps une boisson à base d’eau d’amandes et de kaolin broyé !
Il a la tête enveloppée dans une serviette de madras imbibée de vinaigre, pour calmer ses maux de tête...
La scène fatale !
Ils discutent. Elle prétend avoir une liste de traîtres à lui donner.
Quand Marat lance qu’il faut tous les guillotiner, Charlotte, qui semblait faiblir, sait qu’elle doit frapper.
Et soudain. Elle sort son couteau de son corsage. Lueur de la lame. Le coup porte au poumon, au cœur. Fatal !
Marat meurt sur le coup. Son râle fait accourir tout le monde.
On arrête Charlotte. « Je n’ai pas cru tuer un homme, mais une bête féroce qui dévorait tous les Français », dira-t-elle à son procès...
Le dernier mot de Charlotte
Après un passage par la Conciergerie et un procès éclair, Charlotte est condamnée à mort le 17 juillet 1793.
4 jours après l'achat du couteau, au Palais-Royal...
Le trajet qui la mène à la guillotine, sous une fine pluie d’été, est interminable.
Crachats. Injures de la foule. Digne, debout dans la charrette, Charlotte ne bronche pas. Les rues sont noires de monde.
Le bourreau Sanson l’attend sur l’échafaud. Il la trouve digne, courageuse devant la mort.
Mais alors qu’il se place devant la guillotine pour lui en cacher la vue, de peur de l’effrayer, Charlotte le fixe, tend son bras pour l’écarter : « J’ai bien le droit d’être curieuse, je n’en ai jamais vu ! »
Et dire que le 27 juillet, 10 jours après sa mort, Charlotte devait fêter ses 25 ans...
1793, année... criminelle
Le Palais-Royal est-il un pousse-au-crime ? À vous de me le dire.
Car au n° 113 de la même galerie de Valois, où Charlotte achète l'arme du crime, un certain Le Peletier de Saint-Fargeau se faisait assassiner en janvier 1793...
Sources
- Guide Bleu de Paris. Éditions Hachette, 1992.
- Jacques Hillairet. Connaissance du Vieux Paris. Éditions Princesse, 1977.
- Louis Blanc. Histoire de la Révolution française (tome 2). 1856.
- Clémentine Portier-Kaltenback. Histoires d'os et autres illustres abattis. JC Lattès, 2007.