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Larmes et têtes de mort pour Louise de Lorraine à Chenonceau

Quand : 1589 - 1600

Louise de Lorraine | ©Rijksmuseum / CC0
Château de la Loire Château Destin tragique Château de Chenonceau

De quoi s’agit-il ?

Louise de Lorraine-Vaudémont, belle-fille de Catherine de Médicis, reçoit le château à la mort de cette dernière.

Elle va y passer 11 années, à pleurer son mari Henri III.

De là vient la fameuse chambre noire, entièrement décorée de petits détails macabres...

Chambre de Louise de Lorraine

Chambre de Louise de Lorraine | ©Javier Valero Iglesias / Flickr / CC-BY-SA

Le mariage de Louise et Henri

Henri III avait aperçu cette cousine de la puissante famille lorraine des Guise, lors d’une visite à Nancy en 1573, en route pour ceindre la couronne polonaise.

Il en tombe fou amoureux !

Le mariage a lieu en 1574, à Reims. Le couple royal sera soudé, malgré les épreuves.

L'assassinat d'un roi

Et puis, dans ce ciel d’été presque sans nuage… une ombre. Un éclair.

Henri III meurt assassiné au château de Saint-Cloud, le 1er août 1589.

C’est à Chenonceau que Louise apprend la nouvelle. Elle est… terrassée. Son monde s’effondre. La jeune femme n’a que 36 ans !

Elle n’a pas cru à la mort d’Henri. Peu avant de mourir, il lui avait d'ailleurs écrit, confiant, de son lit à Saint-Cloud :

« Ma mie, j’espère que je me porterai très bien : priez Dieu pour moi et ne bougez de là. »
La chambre : détail

La chambre : détail | ©KLMircea / Flickr / CC-BY-SA

Un deuil en blanc

Alors, Louise se voile de blanc : couleur de deuil des reines, deuil qu’elle portera plus d’une décennie durant.

Sa chambre de Chenonceau sera son unique demeure pendant 11 ans, dans ce château qu’elle avait reçu en héritage de sa belle-mère Catherine de Médicis, à sa mort en 1589.

Un deuil que Louise portera jusqu’à son dernier souffle, en 1601, elle qui s’était toujours comportée « sagement, chastement et loyalement. »

Un décor tout en noir

Mais quel triste décor, que celui de la chambre de Louise de Lorraine à Chenonceau !

L’inventaire dressé après sa mort fait état d’un lit de velours noir, de « rideaux de damas noir chamarrés de broderies en cordelière », de tapis et de chaises « aussi de velours noir. »

« La chambre était tendue du haut en bas de drap de même couleur. La chapelle était également tendue de soie noire, figurée d’os de mort et de larmes d’argent, au chiffre de la reine Louise. »

Avez-vous vu ? Des emblèmes du deuil couvrent les murs comme des mauvaises herbes : têtes de mort, larmes, ossements… ainsi que des plumes (ou pennes), qui expriment les peines, par analogie de son !

Détail : plumes (pennes)

Détail : plumes (pennes) | ©Shadowgate / Flickr / CC-BY-SA

Les chambres de deuil, une vieille tradition

Il existe des « chambres de deuil » depuis le début du 14e siècle.

Ainsi, en 1303, la comtesse Mahaut d’Artois, à la mort de son mari Othon, fait couvrir son lit et sa chambre de draps noirs.

En 1465, Marie de Clèves (épouse de Charles d’Orléans), achète du « tissu noir pour tendre ses deux chambres et la salle de réception de son château de Blois. »

Au 16e siècle, ce ne sont plus seulement des tapisseries noires, dont les chambres se parent, mais de peinture noire, à l’instar de la chambre de Chenonceau, qui nous intéresse ici !

La chambre : détail

La chambre : détail | ©Krzysztof Golik / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

De longues journées solitaires

Revenons à Louise, qui passait le temps, à Chenonceau, entre lecture, broderie et prières, au milieu de ce décor sombre et macabre.

Un petit cabinet attenant était orné du portrait d’Henri III et de ces mots, Saevi monumenta doloris, « témoignages d’une douleur cruelle. »

Elle n’avait gardé qu’un tout petit cercle de fidèles, autour d'elle.

Sans le sou, Louise n’a pas les moyens d’effectuer des travaux d’aménagement, hormis de faire communiquer sa chambre avec la chapelle, par un œil-de-bœuf : pratique pour entendre la messe de son lit, où sa santé chancelante la retenait souvent !

Quand sa santé lui laissait un répit, elle sortait pour aller à la messe à l’église voisine de Francueil, le samedi.

La chambre, détail : Christ gothique

La chambre, détail : Christ gothique | ©DCHNwam / Flickr / Public domain

Plus de sous !

Catherine de Médicis, à sa mort en 1589, n’a laissé que des dettes colossales. Louise, quant à elle, a peu de moyens, une toute petite pension.

Alors, quand frappent les créanciers à la porte du château, en 1593… Louise a cru mourir !

On ordonne que tous les biens de Catherine soient récupérés, pour payer les créances. Chenonceau est ainsi saisi, vendu !

Louise est condamnée en 1597 à s’acquitter du « principal, des arrérages avec les dépens, dommages et intérêts »... ou « déguerpir » !

La pauvre reine de France, inconsolable, pâle veuve toute de blanc vêtue, devait mourir en 1601, à Moulins.

Sources

  • Murielle Gaude-Ferragu. D'or et de cendres : la mort et les funérailles des princes dans le royaume de France au bas Moyen Âge. Septentrion, 2005.
  • Jean-Pierre Babelon. Chenonceau : le château sur l’eau. Albin Michel, 2018.
  • Casimir Chevalier. Archives royales de Chenonceau. 1862.
  • Lucien Roy. Article Le château de Chenonceau. L’ami des monuments et arts parisiens et français (année 1889).

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !