Son pèlerinage existe encore aujourd’hui.
Au Moyen Âge, il s'agit d'un des plus importants de France, avec celui de Rocamadour et Chartres !
Je veux parler de la vierge nautonière de Boulogne-sur-Mer : découvrez son histoire à travers ces 8 anecdotes surprenantes !
1 - 636, une barque déclenche tout
Était-ce par un petit matin calme mais déjà brûlant de juillet, ou par une après-midi pâlichonne et glaciale de janvier ?
On ne connaît pas la date exacte. On sait juste qu'un jour de 636, quelques âmes de Boulogne-sur-Mer voient débarquer une barque, dans le port.
Sans passager à son bord, ni rames. Juste... une statue de la Vierge, un petit Jésus sur son bras gauche.
Un miracle ! C'est peu de le dire : au même moment, la Vierge apparaissait dans « l’humble église de la haute ville. »
C'est-à-dire... l'église sur laquelle a été construite la basilique actuelle !
D'une voix limpide et chantante, elle annonce aux gens présents qu’elle voulait qu’on la vénère à cet endroit précis.
2 - Un des plus grands pèlerinages d'Occident
L'apparition de la barque engendre la creation d'un immense pèlerinage.
Immense, oui, j'insiste ! Bientôt l'un des plus importants en France !
En fait, c’est en 1104 que sainte Ida de Boulogne fait reconstruire l'église où la Vierge était apparue, en 636.
Le fils d'Ida, vous le connaissez : Godefroy de Bouillon, LE chef de la première croisade !
Et de Jérusalem où il était devenu le tout premier roi, il envoie des reliques 3 étoiles à sa mère, pour sa fondation : épine de la couronne du Christ, morceau de la croix...
Les miracles s’enchaînent à une vitesse folle, vous pensez !
Le monde entier se déplace à Boulogne-sur-Mer : les plus grands souverains d’Europe, les plus illustres saints d’Occident et d’Orient, comme saint Macaire d’Antioche et saint Yor du mont Sinaï.
Sans oublier... nos rois de France : Louis XI se proclame vassal de Notre-Dame et offre à la Vierge la suzeraineté du comté de Boulogne !
3 - La vierge de Boulogne est une vierge nautonière
La vierge de Boulogne-sur-Mer est dite vierge nautonière.
Le nautonier, du latin nauta, « matelot », est celui ou celle qui conduit une barque.
4 - La vie mouvementée de la statue de la Vierge
Quid de la statue trouvée dans la mystérieuse barque ? Moult péripéties l'attendent !
- Des pillards anglais la volent en 1544 et la ramènent outre Manche pendant plusieurs années : il faut l'intervention d'Henri III de France pour que l'ennemi la rende.
- En 1567, rebelote : cette fois, des protestants ramènent la statue dans le château de leur chef. Elle y reste une cinquantaine d'années, cachée dans un puits !
- Un certain Dumont (représentant du peuple) la détruit en 1793. Mais pourquoi ?
La scène se passe un samedi pluvieux.
Brrr, un temps de chien, avec un petit vent piquant.
Des hordes de sans-culottes armées de piques viennent chercher la statue, pour la brûler sur la grande place de la ville.
On lui met un bonnet phrygien sur la tête, les insultes fusent. Les flammes commencent à peine à la lécher, qu'on se met à danser autour du brasier...
Dumont rapporte :
« La célèbre et très sainte Vierge noire que les Anglais n’avaient pu brûler fut, dans la plus belle fête qui se peut célébrer, jetée dans le bûcher et réduite en cendres. L’allégresse fut telle que la nuit se passa en bals où se trouvèrent tous les citoyens. Les vieillards et les jeunes gens, tous me regardant comme leur sauveur, m’assurèrent que c’était le jour le plus beau de leur vie. Boulogne fut il y a 7 mois le repaire de l’aristocratie, il est aujourd’hui le temple de la Liberté. »
Mais avant, un certain Cazin de Caumartin avait réussi à sauver une des mains de la Vierge.
Une main aujourd'hui conservée dans la crypte de la basilique !
5 - Le Grand retour
À la fin du 19e siècle, on réalise une reproduction de la statue originelle de la Vierge, disparue en 1793.
Puis, en 1938, on en produit 4 copies.
L'une d'elle part faire un grand tour de France, de 1943 à 1948 : un pèlerinage géant qui passe par Le Puy-en-Velay et Lourdes, avant de remonter à Boulogne !
Imaginez : la statue passe par le moindre petit village !
L'évènement s’appelle le Grand Retour, il dure du 28 mars 1943 au 29 août 1948…
Un voyage spectaculaire, du jamais vu : l’Église catholique veut marquer les esprits, en ces temps de guerre… le grand retour, celui de la paix et de temps meilleurs ?
6 - Boulogne-sur-Mer a donné naissance à la ville de Boulogne-Billancourt, grâce à la vierge
En janvier 1308, le roi de France Philippe IV le Bel se rend à Boulogne-sur-Mer, marier sa fille Isabelle avec Édouard II d’Angleterre, dans la basilique.
Il y découvre la Vierge nautonière, qui lui donne une idée... fonder un pèlerinage sur le modèle de Boulogne-sur-Mer, mais plus proche de Paris !
Une excellente initiative : finis, les tracas liés à un si long voyage !
Boulogne-la-Petite, connue aujourd’hui sous le nom de Boulogne-Billancourt, était née ! Et avec elle son église Notre-Dame, actuelle église Notre-Dame-de-Boulogne.
7 - La basilique actuelle, le projet d'un architecte autodidacte
La basilique actuelle date seulement de 1866, construite à l'emplacement de l'ancien bâtiment médiéval détruit à la Révolution.
L'auteur de cette reconstruction débutée en 1827 ?
On la doit au fils de petits paysans boulonnais, Benoît-Agathon Haffreingue (1785-1871) !
Devenu prêtre à Boulogne-sur-Mer, il achète les ruines de la vieille église avec un seul but en tête.
Un but incroyable, fou, puisque sans aucune connaissance ni formation, il s'improvise architecte : d'abord en élevant deux petites chapelles pour la ville de Boulogne-sur-Mer, puis en s'attaquant au projet colossal de la basilique.
Benoît investit tout son argent dans le chantier.
Mais bientôt, de grandes figures littéraires comme Hugo ou Balzac, sont convaincus de la qualité du projet : les bourses se délient...
8 - La crypte, une des plus vastes d'Europe !
La crypte romane de la basilique de Boulogne-sur-Mer impressionne : 130 m de long, 1400 m2 !
Découverte en 1827, elle abrite 12 salles, dont les plus anciennes nous font remonter jusqu'à l'époque romaine, du temps où Boulogne s'appelait Gesoriacum.
La crypte abrite surtout un fabuleux trésor. La plus belle pièce reste le reliquaire du Saint-Sang, offert par le roi Philippe le Bel à l'occasion du mariage de sa fille Isabelle, en 1308.
Sources
- Louis Bénard. Histoire de Boulogne-sur-Mer. 1860.
- Maurice Colinon. Guide de la France religieuse et mystique. Éditions Tchou, 1969.
- Eugène Dramard. La cathédrale de Notre-Dame de Boulogne-sur-Mer. 1874.