De qui s'agit-il ?
Pierre Paul Prud'hon (1758-1823) est un grand peintre pré-romantique, de style néoclassique.
Une vraie coqueluche, sous l'Empire : il est célèbre pour ses allégories, ses portraits, ses dessins délicats en clair obscur.
Il naît ici à Cluny, en 1758 : voilà pourquoi une statue célèbre sa mémoire, dans sa ville natale bourguignonne !
Tout savoir sur Prud’hon, en 6 dates et anecdotes !
1758 : un autodidacte à l'abbaye !
Il voit le jour le 4 avril 1758 à Cluny, dans une famille modeste, avec un père tailleur de pierres. Le dernier de 10 enfants.
Aurait-il suivi la carrière de ce père, mort prématurément en 1760, si le curé Besson n'avait pas remarqué la vivacité d’esprit du jeune Prud’hon ?
Il l'envoie faire ses études chez les moines de l'abbaye de Cluny. Il y apprend notamment le dessin.
Les frères Goncourt écrivent en 1874 :
« Prud’hon entre dans cette abbaye de Cluny. Il vit dans ce monde de pierre et de marbre, de vitraux, de statues, de boiseries, de tapisseries. Et soudain, au fond du pauvre enfant, c’est comme une aspiration encore inconsciente, une volonté pleine de trouble qui remue en lui. À mesure qu’il s’abîme dans la contemplation de toutes ces choses, il sent monter en lui, indomptable, l’ambition d’être lui aussi un sculpteur, un peintre ; sa vocation lui apparaît. »
Bientôt, il couvre des carnets entiers de croquis à la plume.
Il reproduit les tableaux qui ornent les murs de l’abbaye. Il se fabrique pinceaux à base de poils de chevaux et couleurs à base de plantes.
Un moine lui dit un jour, alors qu'il cherche à copier une toile : « Vous ne réussirez jamais, ils sont peints à l'huile ! »
Prud’hon s'acharne... et parvient à reproduire la peinture à l'huile : il « l'invente » littéralement, écrivent les Goncourt !
1780 : de Prudon... à Prud'hon
Ses nom et prénom de baptême ? Pierre Prudon !
C’est en 1780 qu’il ajoute un h et une apostrophe, puis adopte le second prénom Paul. Sans doute en hommage au grand peintre flamand Peter Paul Rubens !
1784-1789 : la formation italienne
Après son passage à l’abbaye de Cluny, Prud’hon est envoyé faire des études de dessin à Dijon.
Il obtient le Prix de Rome régional des états de Bourgogne, part pour Rome, en 1784, pour 4 ans : il découvre la Renaissance, l'Antiquité, les artistes qui influenceront sa future œuvre... comme Raphaël et de Vinci, son « maître et héros » !
1789-1799 : le temps des gravures
Prudh’on revient en France en 1789, en pleine Révolution. Pas facile de trouver un travail !
Il se met à produire, pour le grand éditeur Firmin-Didot, des gravures reconnaissables entre mille, avec l'usage du clair obscur et un modelé très doux.
Il commence à faire parler de lui !
1780-1800 : le portraitiste de l'Empire
On lui doit les portraits de grands personnages de la Révolution française et de l'Empire, comme Saint-Just, Talleyrand, ainsi que grands bourgeois et membres de la noblesse.
Prud’hon s'impose bientôt comme le peintre favori de l'empereur Napoléon et de sa famille, réalisant les portraits de Joséphine de Beauharnais et du roi de Rome, le fils de l’empereur.
Prud’hon enseigne même le dessin à Marie-Louise d’Autriche, seconde épouse de Napoléon.
1821-1823 : une fin de vie douloureuse
La compagne peintre de Prud’hon (élève de Greuze), Constance Mayer, se suicide à l'âge de 47 ans, en 1821, en se tranchant la gorge avec le rasoir de son amant.
Dépressive, surmenée, elle vivait depuis 1803 une relation compliquée avec Prud'hon... qui est un homme marié !
Prud'hon, brisé par ce drame, ne survit pas 2 ans à Constance, s'éteignant en 1823 à l'âge de 64 ans.
Prud'hon en 6 œuvres
Portrait de Talleyrand (1817)
Où voir le tableau ? Metropolitan Museum of Art.
Prud’hon réalise deux portraits de Talleyrand, le mythique diplomate, ministre des Affaires étrangères ! Ce dernier a fait de Prud'hon son portraitiste attitré.
- L'un (1807) se trouve au musée Carnavalet (Paris) : on le voit en costume d'apparat de grand chambellan ;
- le second se trouve au Metropolitan Museum (New York), peint en 1817, sur le même modèle ; à ce détail près que c’est un Talleyrand à la retraite, que l'on voit, retiré en son château de Valençay, habillé cette fois d’un costume noir, nettement plus sobre !
L'impératrice Joséphine dans le parc de Malmaison (1805)
Où voir le tableau ? Musée du Louvre.
Sobrement vêtue, comme déjà retirée de la cour impériale (prémonition du divorce de 1809 ?), l’impératrice apparaît songeuse (elle a 42 ans, n'a pas pu donner d'héritier à Napoléon Ier).
La nature ombrageuse autour d’elle semble le miroir de son âme, une confidente, à l'image de la pensée rousseauiste alors en vogue.
Portrait de Saint-Just (1793)
Où voir le tableau ? Musée des Beaux-Arts de Lyon.
Prud'hon est un républicain convaincu, au moment de la Révolution française. Il réalise donc en 1793 ce portrait du célèbre homme politique, bras droit de Robespierre.
Bernard Vinot, dans sa biographie de Saint-Just (Fayard, 1985), écrit que Prud'hon est un admirateur de Robespierre, qu'il fréquente souvent chez des amis communs, les Duplay : Saint-Just et Prud'hon s'y sont ainsi sûrement rencontrés !
L'union de l'Amour et de l'Amitié (1793)
Où voir le tableau ? Minneapolis Institute of Arts.
Prud'hon est notamment connu pour ses peintures allégoriques.
Ses figures y sont souvent mystérieuses : celles représentées sur ce tableau peuvent tout aussi bien représenter les allégories de la Peinture et de la Sculpture, tout comme Cupidon et sa maîtresse Psyché, mythe classique de la littérature antique, à la mode au 18e siècle.
Remarquez le léger sfumato, hommage à Léonard de Vinci, le maître de Prud'hon !
Phrosine et Mélidore (1797)
Prud’hon réalise cette gravure pour l'éditeur parisien Firmin-Didot.
Elle met en scène Phrosine et Mélidore, personnages d'un drame lyrique de 1794 mettant en scène les amours impossibles de ce couple maudit.
La gravure les dépeint en pleine nuit, sur une île où ils devaient secrètement se marier. Mélidore trouve son aimée noyée, la croit morte ; il tente de la ranimer de son souffle, en la réchauffant contre lui.
Le clair-obscur dont Prud'hon est passé maître éclate ici, en noir et blanc !
La Justice et la Vengeance divine poursuivant le Crime (1808)
Où voir le tableau ? Musée du Louvre.
L’œuvre majeure de Prud’hon !
C'est via le préfet de la Seine Frochot que Prud'hon reçoit des commandes pour l'Empire : notamment cette peinture, destinée au palais de Justice de Paris.
Une allégorie faisant référence au meurtre biblique d'Abel par Caïn : une vision romantique, baignée par cette lumière lunaire, une composition dramatique, violente !
Sources
- Stéphanie Deschamps. Pierre Paul Prud'hon (1758-1823). Dépliant en ligne édité par le musée des Beaux-Arts de Dijon. 09/2004.
- The Union of Love and Friendship. Minneapolis Institute of Arts, collections.artsmia.org.
- Pierre-Paul Prud'hon. Encyclopédie en ligne Larrousse, larousse.fr.
- Charles Clément. Prud'hon : sa vie, ses œuvres et sa correspondance. 1880.
- Karine Huguenaud. L’impératrice Joséphine dans le parc de Malmaison. Fondation Napoléon, napoleon.org. Octobre 2005.