This website requires JavaScript.

La statue du chirurgien Larrey à Tarbes : l'inventeur haut-pyrénéen des ambulances et du bouche-à-bouche !

Statue de Larrey, Tarbes | ©Sotos / WIkimedia Commons / CC-BY-SA
Statue Inventeur et créateur Statue de Jean Dominique Larrey

De qui s'agit-il ?

Napoléon dit de lui : « C’est l'homme le plus vertueux que j'ai connu. »

Grand chirurgien militaire de la Grande Armée, présent lors de toutes les grandes batailles napoléoniennes, voilà Dominique Jean Larrey (1766-1842), natif des Hautes-Pyrénées.

37 années de service, 25 campagnes, 60 batailles, 400 combats, 3 blessures... un CV bien rempli !

On lui doit l’invention du bouche-à-bouche, de l’amputation par désarticulation, mais surtout, des ambulances.

Statue de Larrey : détail

Statue de Larrey : détail | ©Tylwyth Eldar / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

Sa statue à Tarbes

Sa statue, qui orne le centre-ville de la préfecture des Hautes-Pyrénées, on la doit au sculpteur auvergnat Jacques Joseph Émile Badiou de la Tronchère, en 1864.

Vous remarquerez, au pied de la statue, une petite ambulance volante : l’une des nombreuses innovations de Larrey !

Statue de Larrey : détail

Statue de Larrey : détail | ©Tylwyth Eldar / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

Ce que vous devez savoir sur Larrey en deux mots !

Un haut-pyrénéen

Larrey naît en plein pays bigordan, à Beaudéan dans les Hautes-Pyrénées. Sa maison natale existe toujours, transformée depuis en musée.

Il quitte son village à 15 ans, orphelin de père, pour rejoindre son oncle Alexis Larrey, grand chirurgien à Toulouse, qui va le former.

On compte, entre le 18e et le 19e siècle, pas moins de 8 chirurgiens, chez les Larrey !

Scorbut et mal de mer : Larrey débute comme médecin de bord

Larrey débute comme « chirurgien major des vaisseaux du roi », affecté sur la frégate La Vigilante, qui part pour Terre-Neuve.

Pendant plusieurs mois, il soigne l'équipage. Il s’intéresse au scorbut, carence mortelle en vitamine C bien connue des marins.

Il en profite surtout pour étudier le mal de mer, dont il se met à souffrir.

Sa conclusion ? « On connaît très peu de moyens de se préserver de ce mal ; on n’en connaît point d’assez efficace pour s’en guérir » !

Ce même mal de mer qui le fera quitter définitivement la Marine, de retour à Brest...

Larrey (anonyme)

Larrey (anonyme) | ©Paris Musées - Musée Carnavalet / CC0

Larrey à la Bastille !

Reçu premier pour un poste d'aide-major aux Invalides, Larrey subit l’injustice de sa vie : on nomme un autre candidat moins bien classé... mais mieux né que lui et surtout, pistonné par un courtisan !

Choqué, révulsé, Larrey se tourne vers les idées nouvelles de la Révolution.

Le 14 juillet 1789, il est parmi « les premiers à marcher contre les tyrans », selon ses propres mots.

Il ne prend cependant pas part à la prise de la Bastille par les armes, mais improvise une ambulance de fortune, avec laquelle il porte secours aux blessés !

Larrey échappe à la guillotine

Pendant la Terreur, Larrey est accusé d'avoir soigné et libéré... un prince autrichien !

Convoqué par le Comité de salut public, c’est la guillotine qui l’attend.

Larrey ne doit la vie sauve qu’à l’intervention d’un compatriote, l’avocat et député des Hautes-Pyrénées Bertrand Barère, qui lui conseille d’accepter... de rejoindre l’armée le plus vite possible !

Barère

Barère | ©Rijksmuseum / CC0

L'invention des ambulances volantes

En 1792, Larrey se trouve donc sur les champs de bataille de la Révolution, dans l'Est de la France.

Il découvre que les ambulances utilisées sont totalement obsolètes !

Elles doivent se tenir à 4 kilomètres des combats : les blessés restant sur le champ de bataille jusqu'à la fin des hostilités, il fallait aux secours jusqu'à 36 heures pour arriver. Des blessés largement morts avant...

Larrey a l'idée géniale de créer une ambulance « volante », capable d'intervenir sur le champ, rapidement !

Ambulance « volante » perfectionnée en 1797, en Italie, où il conçoit une équipe mobile à cheval (3 chirurgiens et un infirmier), suivie de mulets transportant :

  • le matériel médical à l'aller ;
  • les blessés au retour, installés dans des paniers sur le dos des quadrupèdes.
Ambulance de Larrey

Ambulance de Larrey | ©Wellcome Collection / Public domain

L'invention du bouche-à-bouche

Affecté dans le Sud, pendant le siège de Toulon, Larrey remarque que beaucoup de soldats, quand ils ne combattent pas, profitent des joies des baignades dans la mer.

Un loisir peu répandu, alors : les noyades sont donc fréquentes.

Larrey réalise sur les noyés « des frictions avec des flanelles chaudes », puis

« pousse à diverses reprises, au moyen d'un soufflet, de l'air dans une narine, tenant l'autre fermée, et ensuite comprime alternativement la poitrine et le bas-ventre ; tantôt j'introduis dans le fond de la bouche un peu de liqueur spiritueuse tiède ; tantôt je cherche à irriter le dedans des narines et le gosier avec les barbes d'une plume imprégnées d'ammoniaque. »

On y est... Larrey venait d'inventer le bouche-à-bouche !

Une nouvelle méthode d'amputation (par désarticulation)

Dormant très peu, Larrey opère des heures durant, sur les champs de batailles meurtriers de l’Empire.

Il peut pratiquer jusqu'à 200 amputations, à la suite !

Larrey avait en effet mis au point une nouvelle méthode d'amputation par désarticulation : propre, nette, elle ne demande que quelques minutes à peine de travail.

Car lorsque les blessés se succédaient, avec une majorité de fractures ouvertes, un seul remède existait : l'amputation par sciage de l'os.

Une opération très longue, sur un blessé conscient et remuant, dont l’anesthésie n'avait consisté qu'en une rasade d'alcool fort !

Mais sans amputation, c’était la mort assurée par gangrène ou tétanos. Ajoutez à cela que lorsque l'on opère sous les boulets de canons et les balles qui sifflent, il faut faire vite !

Ce que fait Larrey, en mettant au point l'amputation par désarticulation : le couteau passe dans l'articulation, au lieu de trancher.

Amputation par désarticulation (Larrey, 1836)

Amputation par désarticulation (Larrey, 1836) | ©Wellcome Collection / Public domain

Une terrible ablation d'un sein

En septembre 1811, Larrey (flanqué entre autres du médecin de l’impératrice Dubois) procède à une opération délicate et non moins barbare.

L’ablation du sein (sans anesthésie) de Fanny Burney, 59 ans, épouse d’un général de l’Empire, atteinte d’un cancer.

Elle décrit elle-même cette insoutenable intervention, évoquant

« le terrible acier tranchant veines, artères, nerfs et chairs […] La terrible incision reprenait pour séparer la racine de cette horrible glande des plans auxquels elle adhérait. Je sentis la lame racler les côtes. L’opération prit 20 minutes. Une durée interminable, pour ces souffrances si aiguës, à peine supportable. Deux fois, je m’évanouis. Quand ce fut fini, je vis mon bon docteur Larrey presque aussi pâle que moi, le visage strié de sang avec une expression de chagrin, de crainte et presque d’horreur. »

L’opération est un succès : Fanny guérit et meurt très âgée, en 1840 !

Fanny Burney

Fanny Burney | ©Internet Archive Book Images / Public domain

On ne tire pas sur Larrey !

À Waterloo, le 10 juin 1815, le célèbre duc de Wellington observe à la longue vue une ambulance française qui recueille les blessés sur le champ de bataille, sous les tirs des canons anglais.

« Quel est ce fou qui joue avec le danger ? » demande-t-il.

« C'est Larrey, Excellence », lui répond-on.

En entendant ce nom si célèbre, Wellington ordonne aux canons de détourner leurs tirs, afin de laisser le chirurgien récupérer les blessés.

Avant de saluer de son chapeau « l’honneur et la loyauté qui passe » !

Larrey manque d'être fusillé à Waterloo !

Larrey est fait prisonnier, blessé, après la bataille de Waterloo, en juin 1815. Il va être fusillé.

Mais le médecin prussien chargé de lui bander les yeux le reconnaît... c'est un ancien élève, qui avait suivi les cours de Larrey, autrefois, à Berlin !

Il le conduit à son supérieur, le maréchal Blücher, à qui Larrey avait sauvé le fils, en 1813.

Blücher demande pardon à Larrey pour son arrestation, l'invite à sa table et le fait reconduire libre à Louvain, avec remise de 12 frédérics d'or !

Wellington à Waterloo (J. W. Pieneman, 1824)

Wellington à Waterloo (J. W. Pieneman, 1824) | ©Rijksmuseum / CC0

La haute estime de l'empereur

Avec tous ces faits incroyables, vous pensez bien que Napoléon Ier tient Larrey en grande estime : il le fait baron en 1809, noblesse d'Empire transmissible à ses enfants.

Bon... un titre vite éteint, puisque Larrey n'aura eu qu'un seul fils, qui lui-même meurt sans enfant !

Napoléon Ier, dans son testament, écrira également :

« Je lègue au chirurgien-en-chef Larrey 100 000 francs : c'est l'homme le plus vertueux que j'ai connu. »

La mort de Larrey

Larrey meurt à Lyon en 1842 à l'âge de 76 ans, de retour d'un voyage en Algérie.

Il avait souhaité reposer aux Invalides, aux côtés de l'empereur et de ses anciens compagnons d'armes.

Mais le maréchal Soult, qui ne l'avait jamais aimé, refuse !

Arago le fait inhumer au Père-Lachaise : en 1992, les chirurgiens militaires du Val-de-Grâce à Paris le font finalement inhumer aux Invalides.

On réalise avant cela un scan de son cercueil : on trouve son corps bien conservé, avec uniforme et bottes, et surtout, on découvre une cicatrice sur l'arcade sourcilière... trace d'un sabot de cheval que Larrey avait reçu à Suez.

Sources

  • Bernard Chautemps. Dominique Larrey, chirurgien en chef de la Garde impériale. Mémoires Académie des sciences, arts et belles lettres de Touraine. 2005.
  • André Soubiran. Le baron Larrey : chirurgien de Napoléon. 1966.
  • Claude d'Allaines. Histoire de la chirurgie. Que Sais-je ? PUF, 1984.
  • Philippe Bécade. Dominique Larrey, chirurgien de la Révolution et de l'Empire. Recueil de l'Académie de Montauban. 1994.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !