Manon Roland, l’âme des Girondins, révolutionnaire acharnée, naît sur la place Dauphine, en 1754 !
Une enfant du quartier
Les façades qui donnent sur la place Dauphine ont leur revers sur le quai de l’Horloge.
Ainsi, Manon naît au n° 28 de la place (n° 41 du quai), en 1754.
Elle n’a pas encore pris le nom de Manon Roland, non… Son patronyme de naissance ? Jeanne-Marie Philippon.
Son père, Gatien Philippon, travaille comme graveur, dans sa petite boutique du n° 41.
Sa mère, Marguerite Bimont, est la fille d’une femme de chambre.
Les époux Philippon ont eu 7 enfants : tous sont morts en bas-âge !
Sauf… la petite Manon, qui devient tout l’or et l’attention de ses parents.
C’est une petite fille précoce, qui adore apprendre : elle sait lire à 4 ans et adore les fleurs.
« Dans mon enfance, sous la tranquillité du toit paternel, j’étais heureuse avec des fleurs et des livres. »
Elle a un sacré caractère : plus tard, elle repousse ses nombreux prétendants qui la demandent en mariage, en dictant les lettres de refus à son père !
Manon passe son enfance dans cette petite maison, place Dauphine. Elle écrit, dans ses Mémoires, sur « la situation du logis paternel » :
« Combien de fois de ma fenêtre exposée au nord j’ai contemplé avec émotion les vastes déserts du ciel sa voûte superbe azurée magnifiquement dessinée depuis le levant bleuâtre loin derrière le Pont au Change jusqu’au couchant doré d’une brillante couleur aurore derrière les arbres du Cours et les maisons de Chaillot ! »
L'égérie des Girondins
Aaah, Manon Roland… Manon, avec sa fougue, ses yeux clairs si fiévreux, son esprit, surtout...
Elle devient l’égérie des Girondins.
Les Girondins, la bourgeoisie riche, pendant la Révolution, si vous voulez : ils la veulent bien, la Révolution, mais en douceur !
On chasse le roi, oui : mais pas question de partager leurs biens avec le peuple !
Face à eux, les Montagnards de Danton et Robespierre, les classes populaires et la petite bourgeoisie, tous alliés aux sans-culottes : pour eux, il faut renverser la société et recommencer un nouveau monde.
Et pour cela, il faut sauver la Révolution, à n’importe quel prix : Robespierre réprime tout dans le sang (la Terreur).
Et Manon, lumineuse, au milieu de tout cela…
La jeune femme tient son salon, comme beaucoup de femmes des Lumières : le sien se trouve rue Guénégaud. Elle y reçoit Robespierre et Desmoulins.
Sauf qu’à la différence des autres dames, son salon, grande première, est strictement politique !
Le couple Roland
Manon épouse Jean-Marie Roland, de 20 ans son aîné.
Elle l’appelle tendrement son « vénérable vieillard », ils se complètent, véritablement complices intellectuellement.
Cela n’a pas été simple, son père a d’abord refusé l’union !
Chez le couple, dans le Rhône à Villefranche, elle fait la popote (monsieur a l’estomac fragile), cuisine des poires tapées, sèche raisins et prunes, s’occupe « de tous les petits soins de la vie cochonne de la campagne », nourrit les bestiaux, se charge des vendanges, des lessives, de la cueillette de noix et de fruits sauvages.
Elle le seconde dans tous ses travaux sur l’économie, en rédigeant des articles pour le Dictionnaire des manufactures.
Une vie provinciale tranquille, faite de botanique, de veillées.
C’est Manon qui pousse son mari à se lancer dans la politique !
Il devient ministre de l’Intérieur, grâce aux relations que Manon a tissé dans son salon.
Oh, que je vous dise... celle-ci se découvre le rôle de sa vie : la Révolution ! Elle s’y jette à corps perdu.
Tout le monde meurt...
Manon entretient un amour fou avec le député François Buzot... même si elle a toujours été fidèle à son mari !
Elle fait tout avec passion. Même quand il s’agit de haïr Danton, qu’elle tient responsable de tout le bazar ambiant et le sang versé par la Révolution.
Jusqu'à la chute de la monarchie, en août 1792 : exit les Girondins, arrêtés en juin 1793, tous guillotinés.
Jean-Marie Roland se carapate en Normandie, en janvier 1793. Pas Manon.
Elle vit ses derniers moments de bonheur avec François, avant de se laisser arrêter, chez elle.
Tout cela pour mourir sous la lame de la guillotine, le 10 novembre 1793. Sur la place de la Concorde, vous vous souvenez ? Avec des mots célèbres...
Trois destins brisés. Manon morte à 39 ans. Jean-Marie, en exil, se suicide en apprenant la nouvelle de la mort de son épouse.
François Buzot, après avoir maudit les « scélérats » qui ont « assassiné » sa tendre, se donne la mort en juin 1794.
Sources
- Mémoires de Madame Roland. 1827.
- Charles-Aimé Dauban. Étude sur Madame Roland et son temps. 1864.