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L'histoire de Jean-François Champollion en 13 anecdotes

Quand : 1790 - 1832

Champollion par Bartholdi, 1867 (Musée de Grenoble) | ©Rama / Wikimedia Commons / CC-BY-SA
Musée Musée Champollion

1 - Sa naissance ressemble à une légende

Jean-François Champollion naît à Figeac dans cette maison transformée en musée en 1977, le 23 décembre 1790.

Dès le début, la légende s’en mêle...

Sa mère, Jeanne-Françoise Gualieu, a alors 48 ans.

Gravement malade (des douleurs rhumatismales insupportables), abandonnée par tous les médecins qui ne peuvent rien pour elle, elle n’a pas eu d’enfants depuis 10 ans.

Avec son mari Jacques, modeste libraire ancien colporteur originaire de la région de Grenoble, ils en ont eu 8, en tout !

Jusqu’au jour où... elle reçoit la visite d’un certain Jacquou.

Un sorcier qui la guérit par une infusion de plantes et des frictions de vin chaud !

Il lui prédit aussi un garçon à naître avant la fin de l’année, « qui sera une lumière des siècles à venir. »

Le petit Jean-François naissait à la fin de l’année 1790...

Place Champollion, Figeac

Place Champollion, Figeac | ©Krzysztof Golik / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

2 - Parcours d’un surdoué !

La tradition veut que Champollion apprenne à lire tout seul à 5 ans sur un missel, dans la librairie de son paternel.

Les écoles de Figeac ayant toutes fermé à cause de la Révolution, l’abbé Calmels lui enseigne les bases de latin et de grec, à 9 ans.

Jean-François quitte alors Figeac pour Grenoble, rejoindre son frère aîné Jacques-Joseph qui prend en charge son éducation, avant de le confier à l’abbé Dussert.

Champollion a 13 ans, quand il apprend l’hébreu et les bases d’arabe, de syriaque et de chaldéen !

C’est un « petit phénomène », comme le dit Robert Solé dans sa biographie (2012), qui entre au Lycée impérial en 1804, à 14 ans.

À 17 ans, en 1807, il présente à l’Académie des sciences et des Arts de Grenoble un Essai de description géographique de l’Égypte avant la conquête de Cambyse.

Impressionnés, les membres l’élisent à l’Académie ! Le maire de la ville lui annonce :

« En vous nommant un de ses membres malgré votre jeunesse, l'Académie a compté sur ce que vous avez fait, elle compte encore plus sur ce que vous pouvez faire... »

En 1808, à 18 ans, Champollion part à Paris étudier les langues orientales. Hébreu, persan, parsi, chaldaïque, sanskrit, chinois…

Sans oublier le copte, dont il devine, grâce aux travaux de ses prédécesseurs, que cette langue a un lien avec les hiéroglyphes.

À 19, en 1809, il devient professeur d’histoire ancienne à la fac de Grenoble !

Anthologie de poésie perse, XVIIe s.

Anthologie de poésie perse, 17e s. | ©The Metropolitan Museum of Art / CC0

3 - Sa passion pour l’Égypte

Elle lui serait venue en 1800, lors d’une visite chez Joseph Fourrier, mathématicien et préfet de l’Isère ami de son frère.

Le savant lui parle des mystères dorés de l’Égypte, qu’il a vus en participant à l’extraordinaire campagne militaire et scientifique de Bonaparte, en 1799.

Il lui montre des statuettes ornées d’écritures étranges, qui fascinent le jeune garçon. D’autant qu’on prétend qu’elles sont indéchiffrables…

Lui fait la promesse solennelle d'en percer le mystère, un jour. Il a alors 11 ans !

Une anecdote véridique, en tous cas rapportée par celle qui a été la biographe la plus célèbre de Champollion, Hermine Hartleben...

Bon, on ne vous cache pas que, probablement, plusieurs facteurs sont à l’origine de la passion de Jean-François pour l’Égypte :

  • l’effervescence créée autour de l’expédition d’Égypte et la découverte de la pierre de Rosette ;
  • la passion de son frère aîné, professeur de grec ancien, pour les langues orientales...
Joseph Fourier

Joseph Fourier | ©Wellcome Collection / Public domain

4 - La pierre de Rosette et le déchiffrement des hiéroglyphes

En 1822, 1 400 ans s’étaient écoulés sans que personne ne puisse lire la langue des pharaons.

Les hiéroglyphes restaient d’obscurs symboles qu’avaient tenté de décrypter bien des savants…

En 1799, un officier français de l’expédition militaire et scientifique de Bonaparte trouve en Égypte, près de Rosette, un bloc de pierre gravé de trois écritures : hiéroglyphique, démotique (écriture cursive des anciens Égyptiens) et grecque.

C’était LA clé manquante, enfin !

Champollion parvient au déchiffrement des hiéroglyphes en 1822, grâce notamment à cette pierre, mais aussi ses connaissances en copte et les travaux de ses prédécesseurs.

Vous voulez en savoir plus ? Ça se passe ici !

Pierre de Rosette (détail), British Museum

Pierre de Rosette (détail), British Museum | ©Hans Hillewaert / Flickr / CC-BY-SA

5 - Il a été exilé et surveillé par la police

Jean-François Champollion et son frère Jacques-Joseph soutiennent Napoléon pendant les Cent Jours, en 1815, cette période de 3 mois comprise entre le retour de l’empereur de son exil de l’île d’Elbe et la défaite à Waterloo.

Le premier en apportant son soutien dans les Annales de l’Isère, le second en devenant le secrétaire de Napoléon.

Un empereur qui leur avait dit en voyant leur nom :

« Champoléon ! C’est de bon augure, c’est la moitié de mon nom ! »

En attendant, cet attachement leur vaut un exil à Figeac entre 1815 et 1817, au retour des Bourbons...

Ils sont même surveillés par la police !

Les deux frères profitent de cet exil pour étudier le village de Capdenac, à quelques kilomètres de Figeac, en prouvant qu’il s’agit bien de la mythique d’Uxellodunum, assiégée par César en -51...

Musée Champollion

Musée Champollion | ©Krzysztof Golik / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

6 - Il a failli être inculpé de haute trahison

En mars 1821 a lieu la révolte antimonarchique des étudiants grenoblois.

Champollion perd sa chaire de professeur d’histoire au lycée de Grenoble et se fait renvoyer comme un malpropre.

Il a en fait été enrôlé malgré lui, alors que la rumeur de la mort de Louis XVIII agitait Grenoble et ses étudiants, explique Mémoires d’Égypte, hommage de l’Europe à Champollion (1990).

Jean-François et un ami montent sur le fort qui domine la ville et remplacent le drapeau blanc à fleurs de lys par le tricolore…

Une fois l’émeute matée, Champollion est arrêté et risque le jugement pour haute trahison. Avec le danger de se voir condamné à mort !

Mais il passe en jugement devant ses pairs, qui préfèrent qu’il quitte le département. On le laisse rejoindre son frère à Paris.

Jean-François écrit en juillet 1821 :

« La coupe d’amertume grenobloise est épuisée pour moi. Je n’ai plus rien à perdre ici. L’univers entier me crie : Partez… Je pars. Aucune injustice ne peut plus m'atteindre. »
Grenoble

Grenoble | ©Rostichep / Pixabay

7 - Champollion est à l'origine des premières collections égyptiennes du musée du Louvre

Champollion devient le premier conservateur du département égyptien du musée du Louvre, créé en 1827 sous Charles X !

Le musée avait déjà acheté 2 150 pièces de la collection Durand, en 1824.

Mais la France avait laissé passé un trésor : la collection inestimable du consul français en Égypte, Drovetti, acquise par le roi de Sardaigne pour son prestigieux musée de Turin !

Champollion convainc les autorités françaises d’acquérir la collection privée du consul anglais Henry Salt, qui comprend notamment le célèbre grand sphinx de Tanis, toujours exposé aujourd’hui.

Cette nomination conduit le roi à confier à Jean-François la mission d’explorer l’Égypte et d’en étudier ses monuments. Le rêve de Champollion, qui débute fin juillet 1828 !

Ça ne vous donne pas envie de redécouvrir les collections égyptiennes du Louvre ? Il s’agit de l’enfilade de 9 salles, au premier étage de l’aile Sully.

Sphynx de Tanis, musée du Louvre

Sphinx de Tanis, musée du Louvre | ©Gary Todd / Flickr / CC0

8 - Son voyage en Égypte... et le Roman de la Momie

Ce périple (juillet 1828 à mars 1830) intervient après la nomination de Champollion au Louvre.

Mais connaissez-vous Le Roman de la momie de Théophile Gautier, paru en 1857 ?

L’héroïne de l'auteur s’inspire de Taousert, dernière reine de la XIXe dynastie, entre -1188 et -1186.

Figurez-vous que c'est Champollion qui découvre son tombeau à Thèbes, dans la mythique Vallée des Rois, en 1829 !

L’histoire d’un jeune Anglais, lord Evandale, qui découvre avec son ami égyptologue une tombe inviolée en Égypte. Plus de 3 000 ans sans voir le jour...

Dans le sarcophage dort la momie parfaitement conservée d’une jeune femme d’une beauté inouïe, Tahoser.

Un papyrus caché auprès d’elle raconte son histoire… La voilà qui reprend vie devant les yeux de l’Anglais, qui en tombe éperdument amoureux.

Tombe de Taousert

Tombe de Taousert | ©Marie Thérèse Hébert & Jean Robert Thibault / Flickr / CC-BY-SA

9 - La tombe de Séthi Ier (et le festin de crocodile)

C’est l’un des joyaux du Louvre : le relief de Séthi I et Hathor (-1294 -1279), en provenance directe de la tombe du pharaon Séthi Ier, dans la Vallée des Rois en Égypte.

On y voit la déesse Hathor recevoir le souverain et lui saisir la main pour lui donner un collier protecteur…

Cette tombe découverte en 1817 par l’explorateur italien Belzoni est visitée par Champollion en 1828. C’est lui qui prélève ce panneau mural.

C’est en tous cas « dans une des plus jolies salles du tombeau », rapporte Alain Faure dans sa biographie de Champollion, que ce dernier donne une « fête mangeante » pour l’anniversaire de sa fille Zoraïde, 4 ans.

Avec un menu un peu particulier !

« Je voulais offrir à notre jeunesse un plat nouveau pour nous et qui devait ajouter aux plaisirs de la réunion ; c’était un morceau de jeune crocodile mis à la sauce piquante, le hasard ayant voulu qu’on m’en apportât un tué d’hier matin ; mais j’ai joué de malheur : la pièce de crocodile s’est gâtée, nous n’y perdrons vraisemblablement qu’une bonne indigestion chacun. »
(Lettres écrites d’Égypte et de Nubie en 1828 et 1829)
Relief de Sethi Ier et Hathor, détail

Relief de Sethi Ier et Hathor, détail | ©Sailko / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

10 - C’est lui qui fait apporter l’obélisque de la Concorde

En 1829, Méhémet Ali, vice-roi d’Égypte, offre à la France de Charles X les deux obélisques du temple de Louxor, en signe d’amitié.

Seul un sera apporté à Paris, sur l’actuelle place de la Concorde… grâce à Champollion, chargé d’étudier son transport !

Oui ! Jean-François est en voyage en Égypte, on l’a vu.

Un obélisque qui a d’ailleurs failli devenir anglais… car au départ, le vice-roi le réserve aux Britanniques.

Champollion suggère plutôt à ces derniers d’acquérir l’obélisque de Karnak, plus beau, mais… bien plus lourd ! Intransportable, même.

Les Anglais n’y font pas attention et acceptent.

Contrairement à l'obélisque de Louxor, qui orne aujourd’hui la place de la Concorde, celui de Karnak n’arrivera jamais en Angleterre !

En tous cas, l’obélisque de 230 tonnes parvient à Paris sans encombres après 8 000 km de voyage, dressé en octobre 1836 sur la place, en présence de 200 000 personnes.

Détail de l'obélisque de la Concorde

Détail de l'obélisque de la Concorde | ©Thesupermat / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

11 - Sa mort reste un mystère

La mort prématurée de Champollion, à Paris, le 4 mars 1832, à l’âge de 41 ans, reste un mystère.

On ne connaît pas la cause du décès ! Son frère a refusé qu’on pratique une autopsie.

On retient généralement la mort par le choléra : la deuxième pandémie de ce terrible fléau frappe alors la France, après le reste de l’Europe...

Après une messe d’enterrement à l’église Saint-Roch, Champollion est inhumé au cimetière de l’Est (actuel Père-Lachaise) non loin de son ami Fourier, sous une tombe extrêmement simple surmontée d’un obélisque.

Bulletin des sciences historiques, antiquités, philologie (vol 19, 1831) rapporte qu’une

« nombreuse députation de l’Institut et du Collège de France, les conservateurs du musée et de la Bibliothèque, des étrangers de distinction étaient venus en foule rendre les derniers honneurs à ce célèbre savant. »
Tombe de Champollion

Tombe de Champollion | ©Pierre-Yves Beaudouin / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

12 - Champollion mort est victime d'un plagiat !

Un ancien élève de Champollion, Salvolini, lui vole des manuscrits, là, dans la chambre mortuaire, dans les jours qu suivent sa mort !

Un an avant la disparition de Jean-François, un certain Salvolini vient en France étudier l’Égypte auprès de Champollion.

Celui-ci l’accueille et lui ouvre sa maison. L’histoire aurait pu s’arrêter là…

Mais après la mort de son cadet, son frère Jacques-Joseph range ses papiers, pour en faire une liste qu’il compte proposer au Gouvernement.

Il s’aperçoit qu’il manque un grand nombre des manuscrits, les plus importants ! Après enquête, il se rend compte qu'ils ont… disparu.

Mais quelques mois plus tard, Salvolini, qui n’avait jamais rien publié, sort trois volumes colossaux, sous le titre Analyse grammaticale des différents textes égyptiens.

Jacques-Joseph les lit… et enrage. Il a les manuscrits de son frère entre les mains. C’est un plagiat !

Il en parle à l’intéressé, qui fait mine de ne rien comprendre. Puis en 1838, à la mort de Salvolini, les manuscrits qu’il a mis en gage restent deux ans chez ses créanciers.

Sans que la famille de Champollion puisse faire quoi que ce soit !

Il faut attendre 1848 pour que l’on identifie formellement l’écriture de Champollion dans ces manuscrits, qui formaient « une masse de plus de 60 livres pesant », volés page par page par l’Italien et publiés sous son nom, entre 1833 et 1838 !

La reine Nefertari, détail (1279-1213 av. J.-C.)

Image d'illustration : la reine Nefertari, détail (1279-1213 av. J.-C.) | ©The Metropolitan Museum of Art / CC0

13 - L’obélisque de Figeac

C’est en 1835 que ce monument commémoratif est érigé dans la ville natale de Champollion, grâce à une souscription du Conseil général du Lot et du conseil municipal de Figeac.

La pyramide mesure 7,80 mètres, réalisée dans un granit de la région de Figeac : elle se dresse place de la Raison.

Le hiéroglyphe qui l’orne signifie « A toujours ! »

Dans le socle du monument, on a enfermé des boîtes en fer contenant des objets en lien avec l’Égypte antique et des médailles de l’année 1835.

Sources

  • Aimé Champollion-Figeac. Les deux Champollion. 1887.
  • Alain Faure. Champollion. Fayard, 2020.
  • Hermine Hartleben. Champollion, sa vie et son œuvre. Ed. Pygmalion, 1983.
  • Jean-François Champollion, Lettres à son frère, 1804-1818.
  • Jean-Marie Querard. Les supercheries littéraires dévoilées, vol 4. 1852.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !