Dernier voyage dans une barque
La reine meurt 13 ans après Charles VI, le 24 septembre 1435, en pleine occupation anglaise de Paris.
Les funérailles sont plus ou moins secrètes.
Son corps est transporté par eau jusqu’à Saint-Denis, dans une barque.
On lit dans Histoire de Charles VII de Jean Chartier :
« Le corps fut amené et conduit à Saint-Denis par eau en un petit bateau et jusque en l’île Saint-Denis, à très petit appareil et convoi, car il n’y avait pour conducteurs que quatre personnes seulement, comme si c’eut été la plus petite bourgeoisie de Paris. Qui fut une grande honte et déshonneur à tous les Anglais. »
Nicolas Gilles, dans Chroniques de France, rapporte :
« Quand ledit corps dut arriver près de Saint-Denis, les religieux de l’abbaye l’allèrent quérir jusqu’à la rivière, le plus honnêtement qu’ils purent. »
Abrégé méthodique d'histoire de France note :
« Isabeau expira, oubliée des Parisiens, abandonnée des Anglais auxquels elle avait sacrifié son fils et la France. Aucune pompe, aucun regret n’accompagna ses obscures funérailles. »
Pompe ou pas pompe ?
Mais qu'en est-il vraiment ?
L'Histoire et ses chroniqueurs, on l'a vu plus haut, ont voulu donner l'image d'une reine mal aimée, oubliée de ses sujets, inhumée seule et sans pompes... une vision inexacte et incomplète !
Car si l'on se réfère à ce que raconte Bulletin du bibliophile et du bibliothécaire, à l'article Mort et obsèques d'Isabeau de Bavière, on voit, registres à l'appui, que les obsèques de la reine ont eu une certaine pompe.
Ce n'est pas d'enterrement à la va-vite, sans même un évêque...
On a même installé dans le chœur de la basilique un catafalque, surmonté de l’effigie de la reine en cuir bouilli, le visage en cire peint.
Histoire de Charles VII de Jean Chartier dit :
« Les religieux du couvent de Saint-Denis, revêtus honorablement de chappes fort riches à fleurs de lys, allèrent quérir processionnellement le corps jusqu'en l'île d'où il fut apporté en l'abbaye en chantant le libera me et autres suffrages, puis mis dans le chœur sous une chapelle ardente de bois faite artificiellement, sur laquelle il y avait grand luminaire de cierges, et autour du corps des torches, non pas en si grande quantité, et telles que à elle appartenait. La grande messe fut chantée par le grand prieur dudit Saint-Denis, parce qu'il n'y avait point de prélats à faire et tenir le deuil, étaient seulement les exécuteurs testamentaires. Ainsi fut-elle sépulturée et mise en terre en grande assemblée de peuple qui y était présent. »
Ce qui reste vrai, c'est qu'aucun Anglais n’assiste à la messe.
Plus de sous !
Même chose que pour le roi Charles VI, on manque d’argent pour payer les frais des funérailles de la reine !
Le trésor est à sec, en ces temps de calamités où les Anglais règnent en maître sur la France.
Et ces mêmes Anglais ne donnant pas un penny, on compte sur les bonnes dames de Paris...
Son gisant
À la différence du gisant de son mari Charles VI, celui de la reine a été réalisé de son vivant.
Isabeau passe commande de l'effigie de Charles et de la sienne au sculpteur artésien Pierre de Thoiry, exécutées entre 1424 et 1429.
Des œuvres réglées en vendant la bibliothèque de Charles V, au Louvre... décidément, on court toujours après l'argent !
Remarquez les deux petits chiens aux pieds du gisant, symboles de fidélité !
Sources
- Jean Chartier. Histoire de Charles VII.
- Georges Bordonove. Charles VI, le roi fol et bien aimé. Pygmalion, 2010.
- Baron Guilhermy. Monographie de l'église royale de Saint-Denis, tombeaux et figures historiques. 1848.