Églé de Persigny, la peste de Chamarande

De 1852 à 1872

ChamarandeChamarande | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Qui est Persigny ?

Persigny ? Victor Fialin de Persigny, ami dévoué de Napoléon III et homme politique !

Il est ministre de l’Intérieur, ambassadeur à Londres, puis de nouveau ministre de l’Intérieur.

Il voue une adoration sans bornes pour Napoléon Ier, lui, le fils d’une famille de petite noblesse sans fortune de la Loire : il voit en Napoléon III celui qui continuera le chemin doré, tracé par son prédécesseur.

Il le fera président avec deux coups d’État, puis le rêvera empereur...

Mariage à Paris

On y est ! Persigny épouse Églé Ney de La Moskowa, petite-fille du maréchal Michel Ney (que l’on a rencontré en train de se faire arrêter dans le Lot) et du banquier Jacques Laffitte.

On est en mai 1852, elle a 18 ans. Persigny, lui, en a 44.

Blonde, les yeux bleus perçants et froids, elle a une allure folle et un petit zézaiement tout mignon.

Aaaah… cela avait tout du mariage d’amour, mais Persigny va vite déchanter en se rendant compte qu’Églé est un monstre d’égoïsme.

Une personne imbuvable et insupportable !

PersignyPersigny | ©Paris Musées - Musée Carnavalet / CC0

À Chamarande

Lors du mariage, Napoléon III donne au couple la somme de 500 000 francs. Cela tombe bien, Persigny n’est pas riche.

Il peut acheter la terre de Chamarande, alors en vente depuis la mort du dernier propriétaire, le marquis de Talaru.

Les remaniements sont colossaux : création d’une galerie luxueuse au rez-de-chaussée, construction d’un mur d’enceinte tout autour du domaine, transformation des terres en parc à l’anglaise avec plantation d’essences exotiques...

Églé l'insupportable

Les soucis commencent en 1855, après la nomination de Persigny comme ambassadeur de France à Londres.

Madame Églé ne supporte pas de rester seule, s’ennuie à mourir, fait des scènes aux domestiques, quand on lui refuse la moindre petite chose.

Et elle dépense. Dépense comme une petite folle, en mettant les finances de l’ambassade dans l’embarras.

Pire, elle compromet la vie professionnelle de son mari !

Un soir, invitée au château de Windsor chez la reine Victoria, elle trouve le moyen d’arriver en retard (ce qui ne se fait pas, mais pas du tout), en prétextant être allée au zoo et ne pas avoir vu l’heure tourner.

Une autre fois, en découvrant qu’une femme a la même robe qu’elle, lors d’un pince-fesses mondain, Églé la furie se jette dessus et la gifle en jurant le bon Dieu.

Eglé de PersignyEglé de Persigny | Églé de Persigny | ©Paris Musées - Musée Carnavalet / CC0

Églé... en pire !

Persigny en a, de la patience, et excuse les mille et une humeurs de son épouse, au début.

Mais comme passent les années, il perd cette précieuse patience.

Ils ont cinq enfants, madame ne s’en occupe pas.

Et Églé ne change pas. Pire, elle devient de plus en plus mauvaise.

Égoïste au plus haut point, arrogante et irrespectueuse, on murmure partout qu’elle trompe le pauvre Persigny, qui pense au divorce, mais toujours, se ravise.

Oh, pour les raisons habituelles, vous savez : pour leurs enfants, et parce qu’il l’aime tout de même toujours un peu…

Insolente et immonde, elle s’est même brouillée avec sa famille, et ses plus proches amies l’ont laissé tombée.

Les quelques rares vautours à lui tourner autour, des hypocrites, ne le faisaient que pour espérer voir la faveur de son mari auprès de l'empereur rejaillir sur eux...

ChamarandeChamarande | ©Parc de Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Le scandale de trop

Une fête d’été, en 1862, au château de Chamarande.

L‘empereur et l’impératrice sont là. Des invités occupent toutes les chambres du château.

Pourtant, l’orage gronde… un scandale se prépare.

Églé a fait une tête d’enterrement tout le long de la réception. Et pour cause : son amant, le duc de Gramont-Caderousse, n’est pas là.

L’empereur parti, elle file s’enfermer dans sa chambre, sans un mot. Elle quitte Chamarande une heure après, en catimini.

Persigny finit par faire cracher le morceau à sa femme de chambre : Églé est partie pour Paris retrouver celle avec qui le duc la trompait, une danseuse de bal public, La Mogador.

Persigny blêmit. Il file à son tour à Paris, comme si sa vie entière en dépendait : oui, il a peur que sa femme ne fasse le scandale de trop, en public !

Trop tard : dans la salle de spectacles, les deux femmes s’insultent. On les sépare avant que gifles et claques ne partent.

Églé déverse alors toute sa haine contre Persigny qu’elle juge impotent et malade, plus bon à rien.

Un duel doit même avec lieu avec Gramont, mais on se ravise : à la place, Persigny doit rendre son portefeuille de ministre de l’Intérieur.

Napoléon III donne tout de même le titre de duc, à son vieux camarade. Églé est ravi de cette nouveauté ! Cela la calme un brin. Au début...

ChamarandeChamarande | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Jamais là quand il faut...

Mais n’étant plus ministre, donc n’ayant plus aucune obligation à Paris, Persigny et sa famille vivent à Chamarande toute l’année. Églé s’ennuie à mourir !

Madame va faire un séjour en Angleterre, s’entiche des modes de ce pays, devient lady Persington (dixit Mérimée), comme la surnomment les Anglais.

Sans laisser d’adresse.

Sa mère finit par débarquer à Chamarande remonter les bretelles de son gendre : lui dire qu’il fasse rapatrier Églé de ce pas, en la menaçant de divorce !

Radical… une semaine plus tard, la peste rentrait au château.

Mais elle se mue alors en un monstre encore pire que tout. En 1869, elle part avec l’impératrice en Égypte, inaugurer le canal de Suez.

Là, elle se dégote un amant et ne rentre plus. Persigny, lui, accompagne l’empereur déchu en exil en Angleterre et attrape froid.

Il rentre malade à Chamarande. Il veut mourir en ayant revu son Églé. Ah, le fou... Elle ne reviendra que par intérêt, mais trop tard.

Sa fille lui écrit : « Il est écrit, ma mère, que vous arriverez toujours trop tard. »

Elle repart aussi sec en Égypte, après avoir fait de fausses et pathétiques effusions de larmes, lors des funérailles de son mari, pour épouser son amant, Hyacinthe Lemoyne, avocat au Caire.

Eglé de PersignyEglé de Persigny | Églé de Persigny | ©Paris Musées - Musée Carnavalet / CC0

La postérité ?

De ce mariage, les Persigny avaient eu 5 enfants : Lyonette, Jean, Marie-Eugénie, Marguerite et Thérèse.

Tous mariés, tous morts sans postérité. C’est peut-être mieux ainsi, non ?

Et le château ?

Chamarande ? La mort du duc de Persigny laissait la famille avec plus de 500 000 francs de dettes.

Il fallait donc vendre le domaine et tout ce que contenait le château.

C’est le fils du fondateur du Bon Marché, Aristide Boucicaut, qui en fait l’acquisition...

Sources

  • Honoré Farat. Persigny : un ministre de Napoléon III. 1957.
  • Juliette Benzoni. Le roman des châteaux de France (tome 1). Perrin, 2012.