La fondation d'un roi... puis de son fils
L’abbaye de Royaumont a été construite entre 1228 et 1235, sous la protection du roi saint Louis, 14 ans.
À la base, le père de celui-ci, le roi de France Louis VIII, avait voulu la fonder, peu avant sa mort, sans en avoir le temps.
Conformément à son testament, le produit de la vente de ses joyaux, couronnes et anneaux devait financer la construction de la future abbaye de Royaumont.
Mons regalis
Saint Louis et sa mère Blanche de Castille, une fois la première pierre de l’abbaye posée, s’installent au château voisin d’Asnières-sur-Oise, pour suivre l’évolution du chantier de construction.
Le roi partage son temps entre des parties de chasse dans la forêt toute proche de Chantilly, et ses nombreuses visites sur le chantier de Royaumont.
La célèbre image d’Épinal le montre se mêlant aux ouvriers, charriant des pierres, de la chaux...
C’est en 1228 que l’abbaye, qui portait jusqu’alors le nom de la terre sur laquelle elle avait été fondée, Cuimont, prend son nom définitif de Royaumont : le mont royal, mons regalis !
La fin du chantier
1235. Enfin, la construction de l’abbaye vient de s’achever ! Elle s’est réalisée en un rien de temps : 6 ans !
Le 19 octobre 1235 a donc lieu la dédicace, en grande pompe, de l’église abbatiale fraîchement bâtie.
Le roi saint Louis, accompagnée de son épouse Marguerite de Provence et sa mère Blanche de Castille y assistent, flanqués d’une foule de seigneurs locaux.
L’évêque Jean de Mytilène consacre l’église en l’honneur de la Sainte-Croix et de Notre-Dame : le roi donne d’ailleurs un morceau de la Croix, ainsi que bien d’autres précieuses reliques.
Il reste aujourd’hui de cette superbe église aux belles dimensions (101 m de long, clé de voûte à 28 m de haut) une tourelle d’angle, vestige du transept nord.
Une lointaine vallée inculte...
Royaumont est donnée aux moines cisterciens, de l’ordre de Cîteaux, fameux ordre religieux fondé en 1098 par l’abbé de Molesmes Robert.
Du fait de son statut d’abbaye royale, Royaumont ne dépend pas d’abbayes « filles » de Cîteaux, comme Pontigny ou Clairvaux : elle relève directement de l’abbaye mère de Cîteaux !
Le choix du site de Royaumont, isolé de tout, correspond à l’habitude des cisterciens qui établissaient leurs monastères dans des lieux retirés, mais proches de ressources indispensables comme bois, carrière de pierres et rivière.
Mais qui disait lieux retirés... disait souvent lieux couverts de marais nauséabonds, qu’il fallait assainir et domestiquer !
Un canal bien trop récent
À ce propos, en parlant de rivière… le canal actuel, qui longe les bâtiments de l’abbaye, ne date pas du Moyen Age.
Il a été aménagé au 19e siècle, au temps où l’abbaye se fait transformer en filature de coton, après la Révolution et le départ des derniers moines.
Une industrie gourmande en eau, indispensable pour faire tourner les roues des machines...
Les séjours du roi
Le chantier achevé, le roi saint Louis continue ses séjours, à Royaumont.
Il partage le quotidien des moines, assiste aux offices, écoute les lectures dans le vaste réfectoire, soigne les malades à l’infirmerie.
Il donne d’ailleurs sur ses propres deniers « la pitance du couvent, c’est-à-dire le pain, le vin et deux plats de poisson. »
Il dispose alors de sa propre chambre, dans le dortoir des moines.
À la table des moines !
Le roi de France prend ses repas avec les moines, qui sont au nombre de 120, à cette époque : les jours de vendredi et de samedi, il mange même à la table de l'abbé !
Louis sert lui-même les plats, faisant 36 allers-retours entre les cuisines et la table, dans le réfectoire.
Il doit envelopper ses mains dans sa cape, pour porter plus facilement les écuelles brûlantes de soupe : il en renverse alors parfois à côté !
Les abbés lui disent de faire attention, de ne pas abîmer sa cape... ce à quoi le roi répond : « Ne me chaut, j'ai autre » (peut importe, j’en ai une autre) !
Le roi et la lèpre à Royaumont
Au Moyen Age, les moines atteints de lèpre ne sont pas chassés des abbayes, mais logés à part, dans des cellules individuelles.
Ainsi, un des religieux de Royaumont, frère Léger, souffrait de la lèpre, qui l’avait défiguré.
Voilà ce que raconte le chroniqueur et biographe du roi Jean de Joinville, dans sa Vie de saint Louis :
« Pour la grande maladie, ses yeux étaient si dégâtés qu’il ne voyait goutte, et avait perdu le nez, et ses lèvres étaient fendues et grosses, et les pertuis étaient rouges et hideux à voir. »
Le roi avait appris l’existence de ce pauvre homme. Il demande à le voir en personne : on le conduit à sa cellule, au moment où Léger déjeune.
Le roi s’agenouille devant lui, prend le couteau sur la table, et taille son repas en morceaux, pour les donner un par un au malade, tout en réconfortant Léger :
« Lui disait qu’il souffrait en bonne patience cette maladie, que c’était son purgatoire en ce monde, et qu’il valait mieux qu’il souffrit cette maladie ici que de souffrir d’autre chose, le siècle à venir. »
Le roi prend l’habitude de venir saluer Léger, à chacune de ses visites à Royaumont.
Une nécropole royale
C’est à la mort de son frère Philippe, en 1234, que le roi choisit Royaumont comme nécropole royale, pour ses proches (outre les abbayes de Saint-Denis et de Maubuisson).
Y sont notamment inhumés trois de ses quatre enfants, morts en bas âge. Démontés en 1791, ces gisants royaux se trouvent aujourd’hui en la basilique Saint-Denis.
On y voit ainsi la copie des gisants de Louis et Philippe d’Alençon, petits-fils de saint Louis, mais aussi les superbes tombeaux des enfants du roi, Blanche et Jean de France, en cuivre émaillé !
Des bienfaits royaux
Le roi continuera les dons envers son cher Royaumont jusqu'à sa mort.
En 1249, en pleine croisade, il écrit et date une charte de Damiette en Égypte, par laquelle il octroie à l’abbaye sa maison et son domaine de Valpendant.
De retour en France, on le voit passer Noël 1254 à Royaumont. Mais lors de la seconde croisade qu’il entreprend, il meurt en 1270 à l’ombre des murs de Carthage...
Il avait, dans son testament rédigé en février 1269, eu une dernière pensée pour sa belle abbaye, où il avait passé tant de moments heureux : Royaumont recevait 600 livres d’argent, ainsi qu'une partie de la riche bibliothèque du roi.
Un extraordinaire pensionnaire
Il est l'un des rares personnages extérieurs à avoir vécu à l’abbaye, entre 1255 et 1264, date de sa mort : Vincent de Beauvais !
Ce frère dominicain, qui officie comme lecteur à Royaumont, y a rédigé une partie de son œuvre majeure, le Speculum maiusmajus (Grand Miroir du monde) : une gigantesque encyclopédie commandée par saint Louis, en 1246 !
Il s’agit de la somme de toutes les connaissances du monde occidental médiéval de l’époque : cette « encyclopédie » restera, pendant des siècles, une référence majeure !
Sources
- Henri Duclos. Histoire de Royaumont : sa fondation par saint Louis et son influence sur la France (tome 1). 1867.
- Collectif. Le Guide Vert Île-de-France. Michelin, éditions des Voyages, 2003.