Le château du Hallier, c'est le château des amours des rois de France : on y a vu Henri IV roucouler dans les bras de sa maîtresse, Henriette d’Entragues !
Une autre histoire s'est jouée au Hallier, au cœur de l’horreur des guerres de Religion : celle de Marie Touchet, l’unique amour du roi Charles IX...
Charles IX et Marie Touchet : touchés en plein cœur !
La reine-mère veille au grain
Charles IX a 16 ans, Marie 17. Dès leur première rencontre, c'est le coup de foudre ! Marie a pour paternel Jean Touchet, conseiller du roi et lieutenant protestant d’Orléans.
La reine-mère, Catherine de Médicis, ne sait pas bien quoi penser de cette relation : la demoiselle est protestante, prudence ! Mais d'un autre côté... Marie est loin de représenter une menace, elle n’est pas de sang noble.
Charles se fait poète pour Marie !
Alors, Charles, sur ordre de sa mère, doit éloigner sa maîtresse quelque temps au Fayet, le château isérois de sa sœur Margot.
Mais pas de quoi éteindre la flamme, au contraire…
Charles lui compose cette anagramme Je charme tout (le J fait office de I) ou ce poème enflammé qui commence par « Toucher, aimer, c’est ma devise. » Rooh, mais quel petit génie, ce Charles... avez-vous remarqué ? « Toucher » évoque Touchet, et « aimer » n'est autre que l'anagramme de Marie !
Marie, les protestants, les guerres de Religion...
Marie est entrée dans le cœur de Charles. Dans sa vie, aussi. C'est elle qui le convainc de se rapprocher de l’amiral de Coligny, ce grand seigneur, grand soldat, chef des protestants. Charles l’adore ; il le considère comme un père de substitution, lui, l'orphelin, privé trop tôt du sien (Henri II, mort après un tournoi). Il lui donne beaucoup de privilèges, au grand dam de Catherine de Médicis.
Coligny devient l’un des conseillers les plus influents auprès du roi : en 1572, il lui demande de soutenir la révolte flamande (sous occupation espagnole) et de déclarer la guerre au roi d’Espagne. Les catholiques refusent, ce qui sème un début de discorde. Ça plus le mariage de Margot et d’Henri de Navarre, censé réconcilier tout le monde...
Catherine de Médicis redoute la vengeance des protestants et ordonne leur massacre et celui des principaux chefs huguenots, dont Coligny.
Une reine allemande entre les deux amants
Quand Charles doit épouser Élisabeth d’Autriche, pour raisons politiques, il a besoin de la belle et si douce Marie Touchet à ses côtés, plus que jamais. Ne plus se voir, quoi ? Impossible ! Ils continuent de se retrouver régulièrement.
D’ailleurs, en apprenant le mariage de son amant avec Élisabeth, Marie aurait demandé à voir un portrait de la future reine. En le voyant, elle aurait souri et murmuré : « L’Allemande ne me fait point peur »…
Marie donne à Charles un fils, la reine lui donne une seule fille, Marie-Élisabeth, morte à 5 ans en 1578. La pauvre reine, abandonnée par ce roi à moitié fou, fragile psychologiquement, qui se réfugie dans les bras de son seul amour...
Une vie simple autour de femme et fils
Marie et Charles ont un fils ensemble, donc : Charles de Valois, né en avril 1573 au château du Fayet (38). Oh ! Vous vous souvenez ? On l’a rencontré au château de Grosbois, avec sa femme beaucoup plus jeune que lui ! Un homme décrit comme brave, sympathique, jovial, mais très tatillon dès qu’il s’agit d’argent... Bref !
Charles IX offre un petit logis à Paris, à Marie, à deux pas du Louvre. Il s'y rend le cœur léger. Libéré. Ce sont de vraies bouffées d’oxygène, où il laisse l'étiquette de côté, enfin, pour être lui-même : il joue avec son petit, embrasse sa belle, rit de bon cœur...
Jusqu’à ce que les fantômes de la Saint-Barthélémy le rattrapent et le hantent en le faisant sombrer dans la folie... ce carnage que sa mère l’a poussé à commettre ! À partir de ces crises de psychose, Charles ne vient quasiment plus voir Marie.
Sauf pour lui souffler sombrement « Je suis condamné, je périrai bientôt ! » tout en serrant son petit Charles dans ses bras : « Enfant, que tu es heureux ! Tu ne seras jamais roi... »
Les enfants terribles de Marie Touchet
Charles IX meurt en 1574, à seulement 23 ans. 4 ans plus tard, Marie épouse François de Balzac d’Entragues, avec qui elle a deux filles : Henriette et Marie-Charlotte de Balzac d’Entragues...
Deux futures maîtresses d’Henri IV ! La première va vivre une histoire passionnée avec lui, ici au Hallier. Oooh... les enfants de Marie lui donneront du fil à retordre :
- en 1604, son fils Charles et sa fille Henriette veulent détrôner Louis XIII et faire monter à sa place Gaston-Henri, le rejeton qu’Henriette a eu avec Henri IV ;
- sa fille Marie-Charlotte a un enfant avec le maréchal de Bassompierre, homme marié et bien sous tout rapport. Scandale ! Elle et sa famille se font exclure de la cour, ainsi que du château du Hallier...
Un mot sur le château du Hallier !
Nibelle, le nid de la belle
Le château se situe à l'écart du village de Nibelle, non loin de Pithiviers. Nibelle tiendrait son nom d'une légende, qui veut que Charles IX y aurait accueilli sa Marie en lui disant : « voici votre nid, belle » !
C’est en tous cas ici que le roi rencontre Marie, dans une région où il aime particulièrement venir chasser. Il lui offre le château, qui devient l'un de ses lieux de résidences préférés.
Le premier propriétaire
Le premier propriétaire connu du Hallier est Charles de l'Hôpital : le sieur l'achète en 1537 et sa famille le garde jusqu'en 1647.
Oui, bien sûr, le château, en briques et en pierres, qui date du 16e siècle, est partiellement ruiné, mais quelles ruines ! On remarque ses 10 grosses tours et ses courtines, avec ses cheminées locales à doubles arcatures.
Sources
- Saint-Edme. Amours et galanteries des rois de France (tome 2). 1830.
- Émile Gaboriau. Les cotillons célèbres (tome 1). 1861.
- Michaud. Biographie universelle, ancienne et moderne (tome 46). 1826.