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Petite histoire de la cathédrale de Strasbourg en 10 anecdotes

Quand : 1015 - 1955

La cathédrale | Laszlo Daroczy / CC-BY-SA
Cathédrale Cathédrale de Strasbourg

1 - Les orgues et leurs drôles de Roraffen

Les orgues actuelles datent de 1713, construites par André Silbermann.

De chaque côté, voyez-vous ces deux statues ?

  • un hérault, trompette à la main ;
  • un bourgeois barbu coiffé d’un bonnet tricolore, nommé le Bretsellemann (l’homme à la bretstell).

Ce sont les Roraffen !

  • roren qui signifie « crier » (ou rohr qui signifie « tuyau ») ;
  • affe qui veut dire « singe ».

Soit « singe criard », ou « singe de tuyau » (d’orgue) ! Un mot en fait intraduisible, issu du parler strasbourgeois.

Ces automates étaient actionnés en jeu par le mécanisme des orgues.

Lors des messes, ils débitaient des blagues grivoises (via un homme dissimulé dans le pendentif de l’instrument), se moquaient des prédicateurs, haranguaient la foule...

Bref, ils faisaient mourir de rire les fidèles, mais perturbaient le bon déroulé des cérémonies ! À tel point que le célèbre prédicateur de la cathédrale, Geiler, s’en plaignit ouvertement, et demanda leur interdiction, au Moyen Age.

Il faut attendre la Réforme protestante du 16e siècle, pour que les Roraffen se taisent !

Un des Roraffen

Un des Roraffen | ©Ralph Hammann / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

2 - La cathédrale a été le plus haut monument du monde

Jusqu’en 1874, la cathédrale alsacienne a été le plus haut édifice du monde, avec ses 142 mètres de hauteur.

Pourquoi 1874 ? L’année marque la construction de la flèche de l’église Saint-Nicolas de Hambourg, avec ses 147 mètres !

On a ensuite les cathédrales allemandes d’Ulm et de Cologne, qui la dépassent, avec près de 160 mètres, à la toute fin du 19e siècle.

La cathédrale strasbourgeoise demeure la 2e plus élevée de France, après Rouen et Beauvais (151 m), et la 6e du monde.

Le chien de Geiler

Le chien de Geiler | ©Ralph Hammann / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

3 - Le petit chien du prêcheur

Avez-vous vu la sculpture de chien, qui orne la rampe de l’escalier de la magnifique chaire, signée Hans Hammer ?

Celle-ci date de 1485, spécialement conçue pour le célèbre prédicateur de la cathédrale de Strasbourg Jean Geiler.

La légende dit que le très populaire Geiler, orateur hors pair, venait prêcher avec son chien, qui le suivait partout.

Quoi de plus normal de le trouver immortalisé dans la pierre de la chaire, couché, pattes sous le museau, oreilles pendantes, l’air un peu triste... ou seulement un peu assoupi !

Coq de l'horloge médiévale

Coq de l'horloge médiévale | ©Ji-Elle / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

4 - Un très rare coq automate

Il s'agit d'un vestige (aujourd’hui exposé au Musée des Arts décoratifs de Strasbourg) de la première horloge astronomique de la cathédrale, réalisée en 1354.

Soit le plus ancien automate conservé en Occident, nous dit le site web officiel des musées de Strasbourg !

Ce coq en bois et fer forgé battait des ailes, allongeait son cou et chantait deux fois, à chaque heure de la journée.

Mais un violent orage accompagné de foudre, le 28 juillet 1625, frappe la cathédrale et provoque de terribles dégâts sur l’horloge astronomique, ainsi que sur son coq.

Celui-ci cesse de fonctionner, perd sa voix : il n'a jamais été réparé.

La cathédrale

La cathédrale | ©Ian Coates / Flickr / CC0

5 - La cathédrale a été protestante

Saviez-vous qu'en 1529, et jusqu’en 1681, la cathédrale de Strasbourg est affectée au culte protestant ?

Dès 1518, la réforme protestante venue d’Allemagne, commencée en 1517 avec le théologien Martin Luther, s’installe progressivement à Strasbourg.

L'instauration du culte en langue allemande se fait dès février 1524, en la chapelle Saint-Jean de la cathédrale.

En 1681, Louis XIV rend la cathédrale au culte catholique, avec l’annexion de l’Alsace par la France.

Pilier des Anges

Pilier des Anges | ©Stefano Merli / Flickr / CC-BY-SA

6 - La légende du pilier des Anges... et du petit homme accoudé !

La légende raconte que, dans un terrible coup de vent, le diable entre dans la cathédrale et tourbillonne autour du pilier central. Mais la Vierge Marie, qui veille dans l'ombre, sculpte sur ce dernier des statues d’anges et des quatre évangélistes. Le démon ressort, penaud.

Voilà pourquoi le pilier des Anges est le seul à être orné de sculptures… oui, les autres sont nus !

Tenez, la statue voisine d’un homme accoudé, regardant le pilier pour l’éternité, a inspiré une autre légende…

Erwin de Steinbach, le génial architecte de la cathédrale médiévale, fait un jour la visite du chantier... quand il tombe sur un homme qui observe le pilier avec dédain, en haussant les épaules !

Maître Erwin lui demande ce qui ne va pas, avec le pilier. L'autre répond qu’il n’y en a pas, bien au contraire… il est superbe ! Mais il pense que le pilier ne supportera jamais le poids de la voûte, et qu’il est voué à la destruction.

Erwin, stupéfait, considère un long moment le pilier, puis intime à l’autre de le suivre.

Il l’emmène dans la loge des tailleurs de pierre, prend un bloc, et commence à sculpter fidèlement les traits du critique...

Le travail fini, il l’emmène jusqu’à la balustrade et y fixe le buste, en grognant : « Restez-là, ne bougez pas ! Vous allez attendre que le pilier tombe. Je vous souhaite du plaisir jusqu’à la fin du monde ! »

Le petit monsieur est toujours à sa place...

L'homme accoudé

L'homme accoudé | ©Truong-Ngoc / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

7 - L'épopée des vitraux médiévaux durant la Seconde Guerre

L’ensemble des vitraux des 12e-13e siècles est superbe : notamment la grande rosace, considérée comme l’une des plus belles du gothique français !

On la doit à maître Erwin de Steinbach, en 1290 : célèbre et mythique architecte auteur d’une partie de la cathédrale strasbourgeoise, au Moyen Age.

Mais saviez-vous que les vitraux ont été démontés, cachés puis saisis par les Allemands, pendant la Seconde Guerre Mondiale ?

C’est au tout début du conflit, en 1939, que sont démontées les verrières : 162 caisses prennent le chemin du château de Hautefort (Dordogne), pour y être mis en sécurité.

Mais après le bombardement de Strasbourg en août 1944, les Allemands les récupèrent et les envoient à l’abri dans la mine de sel gemme de Heilbronn (Wurtemberg), aux côtés de bien d’autres chefs-d’œuvres.

Il faut attendre 1945 pour que le conservateur et directeur des musées de Strasbourg, Hans Haug, aille chercher les vitraux et les fasse remonter dans la cathédrale.

La patiente restauration de ces verrières malmenées par l’Histoire, souvent brisées en plusieurs morceaux, s’achève en 1955.

La rosace

La rosace (1290) | ©Stanislav Pecha / Flickr / CC-BY

8 - Les fondations de la cathédrale datent de 1015

La construction de la cathédrale gothique actuelle, dès 1220, achevée vers 1365, s’est faite sur les fondations d’une cathédrale beaucoup plus ancienne… datant de 1015 !

Ces fondations, notamment les murs, existent toujours.

C’était une extraordinaire, fabuleuse construction, que cette cathédrale dite de Werner, du nom du puissant évêque de Strasbourg !

Elle était si vaste, qu’on la considérait alors comme l’une des plus grandes églises de tout l’empire germanique.

Plusieurs incendies l’abîment petit à petit, jusqu’à ce que le nouvel évêque, à la fin du 12e siècle, préfère la faire raser.

Fondations de 1015 (partie supérieure)

Fondations de 1015 | ©Truong-Ngoc / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

9 - La plus vieille cloche date du 15e siècle

La cathédrale de Strasbourg conserve une cloche médiévale, la seule rescapée des vicissitudes de l’Histoire !

Elle a été fondue en 1427 : la précédente s’est brusquement fendue en 1426, à force de trop sonner les morts de la peste, ainsi que le rapporte le chroniqueur Specklin, au 16e siècle :

« Cette année, il régnait une mortalité tellement effroyable, qu’à Strasbourg il mourut environ 15 000 personnes, et presque toutes des jeunes gens, et qu’on fit un grand usage de la cloche du Saint-Esprit, à tel point qu’elle se rompit. »

En parlant de cloches, l’une d’elles sonne tous les soirs, peu après 22h.

Il s’agit de la « cloche de dix heures », qui annonçait autrefois la fermeture des portes de la ville, le couvre-feu.

Par tradition, celle que l’on appelle la Zehnerglock continue de résonner dans les nuits strasbourgeoises !

Le Mont des Oliviers

Le Mont des Oliviers | ©Markus Trienke / Flickr / CC-BY-SA

10 - L’incroyable Mont des Oliviers

C’est une sculpture sans égale, qui vous attend dans la chapelle Saint-Laurent. Elle représente le mont des Oliviers.

Elle date de 1498, commandée par quelqu’un que vous avez peut-être déjà rencontré à Strasbourg… Nicolas Roeder !

Son tombeau, dans l’église Saint-Thomas de la ville alsacienne, est un petit bijou de sculpture macabre !

C’est d’ailleurs dans cette église que se trouvait à la base ce Mont des Oliviers. Il a été transféré dans la cathédrale en 1667.

Cette sculpture monumentale à bien des titres impressionne par ses dimensions (près de 10 mètres de long et 5 de haut) et ses détails très léchés.

Sources

  • Jean Variot. Chroniques et légendes des villes alsaciennes. 1927.
  • Sophie Dubois-Collet. Porte-bonheur de nos régions. Opportun, 2018.
  • François Miller. Description nouvelle de la cathédrale de Strasbourg. 1828.
  • René Bornert. La réforme protestante du culte à Strasbourg au 16e siècle. Brill, 2022.
  • Contes, récits et légendes des pays de France (tome 2). Omnibus, 1997.
  • Nicolas Lefort. Article en ligne Le vitrail et la guerre : le périple des vitraux de la cathédrale sur le site Documentation et patrimoine DRAC Grand Est.
  • Hans Haug. La cathédrale de Strasbourg. 1957.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !