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L'abbaye de Maillezais et Geoffroy Grande Dent, le fils de la fée Mélusine

Quand : 1225

Geoffroy Grande Dent (1524) | ©Internet Archive Book Images / Public domain
Abbaye Incendie Bénédictin Légende Abbaye de Maillezais

La légendaire fée Mélusine

Mélusine ? Un être légendaire et fabuleux du Poitou ! La femme-serpent qui puise ses origines dans les antiques croyances celtes.

Au Moyen Age, la grande famille de la région, les puissants Lusignan, font de la Mélusine leur ancêtre, la fondatrice de leur lignée.

En 1387, le clerc Jean d’Arras, à la demande du duc Jean de Berry, rédige en prose, d’après des chroniques latines, le Roman de Mélusine.

L’histoire raconte que lorsque le seigneur Raymondin épouse Mélusine, elle lui avait fait promettre une chose : de ne jamais chercher à la voir, les samedis.

Un jour, poussé par la curiosité, étonné de la voir aller s’enfermer ce jour précis, Raymondin découvre le terrible secret de son épouse... elle se change tous les samedis... en femme-serpent !

Mélusine hurle de désespoir et s’envole par la fenêtre, pour ne jamais revenir.

Mélusine (1538)

Mélusine (1538) | ©Staatsbibliothek zu Berlin / Public domain

Nez velu et grand chicot !

Mélusine et Raymondin, entre temps, ont eu 10 enfants, tous nés avec un signe distinctif peu ragoûtant :

  • Urien, roi de Chypre, a un œil rouge et un vert ;
  • Antoine, duc de Luxembourg, a une patte de lion ;
  • Fromont a une tache velue, sur le nez ;
  • quant à Geoffroy, un très grand chicot lui sort de la bouche, telle une défense ! D’où son surnom de Geoffroy Grande Dent.

Fromont devient moine, Geoffroy incendie Maillezais

Fromont, l'un des fils du couple, n’est pas comme les autres de la fratrie.

Les titres, le pouvoir, les conquêtes ? Peuh ! Ça ne l’intéresse pas ! Lui souhaite simplement devenir moine. Ses parents l’autorisent donc à se retirer à l’abbaye vendéenne de Maillezais.

Quand Geoffroy apprend que son frère s’est fait moine, il hurle de colère (il considère les moines comme des pécheurs et des lâches).

Son frère, un moine ? Et puis quoi encore ? Ces maudits moines l’ont envoûté, à coup sûr !

Geoffroy se précipite vers Maillezais, pour détruire son abbaye. Il coupe tous les arbres de la forêt voisine et allume un brasier immense, avant d'incendier les lieux la nuit venue.

Tout brûle, Fromont y compris...

Geoffroy le terrible fait même fermer les portes du monastère, afin que tout le monde rôtisse plus vite, en leur ayant dit (selon les mots de Jean d’Arras) :

« Comment ? Ribauds moines, qui vous a donné le hardement (l’audace, ndlr) d’avoir enchanté mon frère, tant que par votre fausse cautèle (ruse, ndlr) vous l’avez fait devenir moine ? Par les dents Dieu, mal le pensâtes, vous en buvrez a un mauvais hanap. »
Maillezais

Maillezais | ©Selbymay / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

La vérité derrière la légende

Cet épisode légendaire, raconté par Jean d’Arras dans son Roman de Mélusine, se base sur un fait bien réel.

Car Geoffroy Grande-Dent n’est autre que Geoffroy II, seigneur de Lusignan et de Vouvant !

En réalité, celui-ci revendique des privilèges sur l’abbaye de Maillezais, et a des démêlés avec l’abbé.

Abbé qui se plaint des violences commises par Geoffroy auprès du pape. Fou de rage, Geoffroy, comme dans ce que l'on vient de voir, tue plusieurs moines et incendie l’abbaye !

Le pape l’excommunie : il doit se rendre à Rome pour demander pardon.

La tête sculptée de Geoffroy

Après ce terrible incendie vengeur, Geoffroy Grande Dent réalise pèlerinage sur pèlerinage.

Il fallait bien expier ses fautes… Il finit même par faire la paix avec Maillezais, grâce à de riches donations.

À sa mort, les moines élèvent en sa mémoire un cénotaphe (monument funéraire commémoratif), dans le parc de l’abbaye.

En avril 1834, des fouilles réalisées dans l’église abbatiale permettent d’exhumer le fragment d’une tête sculptée, aujourd’hui exposée au musée de Niort.

Il s’agirait, dit la tradition, de celle de la statue qui ornait le monument érigé par les moines !

En 2000, une tête monumentale en pierre est réalisée, d’après la petite sculpture découverte en 1834 : on la trouve installée dans le parc de l’abbaye de Maillezais.

Tête de G. Grande Dent, Maillezais

Tête de G. Grande Dent, Maillezais | ©Skouame / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

Rabelais et Pantagruel

François Rabelais, qui a passé 5 ans à l’abbaye de Maillezais, évoque Geoffroy Grande Dent, dans son Pantagruel.

Il fait même de Geoffroy l’ancêtre de son héros !

Rabelais raconte : Pantagruel visite un jour l’abbaye vendéenne, pour voir le cénotaphe de Geoffroy.

La vue de la statue de son ancêtre effraie un poil Pantagruel, « car il y est en image comme d’un homme furieux, tirant à demi son grand malchus (couteau à lame courbe, ndlr) de sa gaine. »

Source

  • Cécile Treffort. L'abbaye de Maillezais : des moines du marais aux soldats huguenots. Presses Universitaires de Rennes, 2015.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !