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Le mariage basque de Louis XIV et Marie-Thérèse d'Autriche à Saint-Jean-de-Luz

Quand : 9 juin 1660

Louis XIV et Marie-Thérèse en 1660 | ©Skoklosters slott / Public domain
Mariage Festivités Église paroissiale Louis XIV Marie-Thérèse d'Autriche Église Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-de-Luz

Un mariage, un traité... des clauses

Tout sauf romantique, cette union !

Il faut dire que Mazarin, qui veut la paix avec l'Espagne contre qui la France est en guerre depuis un siècle, a conclu ledit mariage de Louis XIV avec l'infante Marie-Thérèse en 1659, dans le cadre du traité des Pyrénées.

Marie-Thérèse d'Autriche, qui comme son nom l'indique... est espagnole.

C'est la petite-fille d'Henri IV, et la propre cousine germaine de Louis XIV !

L'union ne représente qu'une toute petite clause, parmi les 124 articles que compte le traité !

L'infante apporte, entre autres, 500 000 écus d'or de dot (une somme co-lo-ssale), mais doit renoncer à ses droits sur la succession de son père, le roi Philippe IV d'Espagne.

Quand on vous disait, que c’était tout, sauf romantique…

Le traité des Pyrénées (d'après Le Brun, 1728)

Le traité des Pyrénées (d'après Le Brun, 1728) | ©Wellcome Collection / Public domain

Mazarin part signer le traité des Pyrénées

Mazarin, parti de Fontainebleau en juillet 1659, arrive à Bayonne avec une centaine de mousquetaires, autant d'hommes d'armes, 200 domestiques et écuyers, « 24 mulets couverts de riches housses brodées de soie, 7 carrosses pour sa personne et quantité de chevaux de main »…

Mme de Motteville raconte :

« Presque tous les chevaux avaient des plumes. Les hommes, les chapeaux, les habits étaient si couverts de broderies, de plumes et de glands, de harnais dorés que cela sentait le grand Cyrus à pleine bouche. »

On déploie la même pompe côté espagnol, avec le ministre don Luis de Haro !

La signature du traité des Pyrénées se déroule sur l'île aux Faisans, sur la Bidassoa, à côté d'Hendaye. Nous sommes le 7 novembre 1659.

Chaque pays a son camp : un pavillon meublé, couvert de tapisseries brodées d'or.

Le grand peintre Velázquez vient spécialement d'Espagne, pour décorer la tente où se signera le traité. Il faut qu'il en mette plein la vue aux Français...

Il se démène jour et nuit. Tiens, il ne fait pas bien chaud, ici, pense-t-il en toussotant, un jour.

Trop tard : le pauvre Diego meurt d'un mauvais coup de froid attrapé sur le chantier, quelques jours après la fin des travaux...

Mariage de Louis XIV et Marie-Thérèse (1782)

Mariage de Louis XIV et Marie-Thérèse (1782) | ©Paris Musées / Musée Carnavalet / CC0

Un dangereux coup de cœur !

Pourtant, pendant ce temps, Louis XIV a la tête ailleurs : il en pince pour la belle Marie Mancini, la nièce de Mazarin !

Son premier grand amour ! Oh, si, je vous assure ! Tenez, il lui écrit des choses torrides, comme :

« Je ressens un je ne sais quel feu qui embrase mon intimité, me trouble et m’inquiète un peu. »

S’inquiéter, il faudrait ! Car le jeune Louis doit à présent songer à « épouser l’Espagne », comme lui dit sa mère.

Louis menace de se tuer, s’il perd Marie. Mais son coup de cœur va faire retarder le mariage, si ça continue !

Mazarin voit rouge et exile la demoiselle Mancini à Brouage, en Charente-Maritime... Eh bien voilà !

Le mariage du roi de France va enfin pouvoir avoir lieu : la cérémonie se déroule à Saint-Jean-de-Luz, le 9 juin 1660.

Louis XIV en 1660

Louis XIV en 1660 | ©National Gallery of Art, Washington / CC0

Les deux fiancés se voient avant l'heure (et l'on parle de porte) !

Le 3 juin 1660, dans l’église Santa María de la Asunción y del Manzano de Fontarabie (Espagne), don de Haro épouse l’infante Marie-Thérèse par procuration du roi, en son nom.

La tradition espagnole veut, en effet, que l’infante quitte son pays mariée !

Le lendemain, le jeune couple se voit pour la première fois : normalement, le roi et la reine ne devaient se rencontrer que le jour du mariage, à Saint-Jean-de-Luz !

Mais la curiosité est trop forte. Louis frappe à la porte de la chambre de l’infante, en présence du roi d’Espagne, d’Anne d’Autriche et de Mazarin.

Louis se montre par la porte entrouverte, puis disparaît... Philippe IV remarque qu’il a un beau gendre !

Anne demande à sa belle-fille son avis, mais son père lui interdit de répondre : elle ne pourra le faire que quand elle aura franchi la porte qui la conduit en France.

Le frère de Louis demande alors à l’infante, avec un sourire :

« — Que semble-t-il à Votre Majesté de cette porte ? »

« — La porte me paraît fort belle ! »

Le 7 juin 1660, Marie-Thérèse faisait son entrée dans Saint-Jean-de-Luz.

Marie-Thérèse (anonyme, 1660-80)

Marie-Thérèse (anonyme, 1660-80) | ©Paris Musées / Musée Carnavalet / CC0

Le somptueux cortège vers l'église

Nous sommes le 9 juin 1660. Le mariage peut avoir lieu, en l'église Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-de-Luz !

On a entièrement tendu la rue qui part de la maison où loge Louis XIV de tapisseries luxueuses, rue elle-même bordée par les gardes suisses et français, figés au garde-à-vous.

Un long cortège de courtisans se dirige vers l’église, pomponnés comme il faut…

Les textes de l’époque parlent de « hoquetons brodés d’argent », d'« habits passementés d’or, avec toques de velours ondoyées de belles plumes »...

On aperçoit les maréchaux de Turenne et de Gramont, le duc de Vendôme (fils d'Henri IV), l'évêque de Fréjus...

On n'a jamais vu un tel déploiement de luxe. Surtout dans une petite ville de province, perdue à la frontière avec l'Espagne !

Eglise Saint-Jean-Baptiste

Église Saint-Jean-Baptiste | ©Gilles Messian / Flickr / CC-BY

Manteau de velours, bec de corbin

Louis XIV arbore un superbe costume de drap d'or recouvert de dentelles noires.

Il est accompagné des « gentilshommes au bec de Corbin, conduits par le marquis d’Humières et des gardes du corps commandés par le marquis de Charost, les uns et les autres dans un superbe équipage. »

Et l'infante Marie-Thérèse ?

  • Elle est habillée « à la française », porte « un corps de jupe de fleurs de lys ;
  • un long « manteau de velours violet couvert de fleurs de lys d’or et doublé d’hermine », « traînant jusqu’à terre » pèse sur ses épaules ;
  • sur sa tête, une lourde couronne d’or et de diamants.

Elle est encadrée par le duc de Bournonville (son chevalier d’honneur), le marquis de Hautefort (son premier écuyer), Mlles de Valois et d’Alençon, qui soutiennent les côtés de la très lourde queue du manteau, Mlle de Carignan le bout.

Les porteuses ont elles-mêmes des porteuses, pour leur propre queue. Ça ne s’arrêterait jamais, donc, les queues des manteaux de ces jeunes femmes sont portés par des hommes !

Église Saint-Jean-Baptiste : retable

Église Saint-Jean-Baptiste : retable | ©Gilles Messian / Flickr / CC-BY

Une porte murée pour toujours !

Dans l’église, on a installé « un plancher en forme d’estrade », surmonté « d’un riche dais pour le roi et la reine son épouse ; au-dessous un prie-Dieu, couvert d’un grand tapis de velours violet, semé de fleurs de lys d’or, qui débordait de toutes parts, avec deux carreaux de pareille étoffe : et à six pas, deux fauteuils de velours cramoisi, garnis de passements d’or. »

La messe dure 3 heures. 3 longues heures !

Mais, saviez-vous qu'il reste un vestige du passage du roi et de la reine, dans l’église Saint-Jean-Baptiste ?

Il s'agit de la porte, qui a vu entrer le couple royal, dans l'édifice.

On l'a murée, après la cérémonie, pour que personne ne passe plus jamais sur leurs pas !

La porte murée de l'église

La porte murée de l'église | ©Chatsam / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

Les pièces de largesse

La cérémonie achevée, le couple royal repart : direction la maison de l’Infante.

C’est du balcon de cette demeure que Louis XIV vient saluer la foule massée sur la place, et jeter les pièces d’or gravées pour l’occasion : les pièces de largesse.

On y a gravé :

  • sur une face, le profil du roi et de la reine ;
  • sur l’autre face, la devise latine Non laetior alter (« Personne n'est plus heureux »), avec la cité de Saint-Jean-de-Luz représentée sous une pluie de pièces.
La porte murée : plaque commémorative

La porte murée : plaque commémorative | ©Chatsam / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

La nuit de noces n'attend pas !

Marie-Thérèse, très fatiguée, rentre se reposer et dîner dans ses appartements.

Le roi l’envoie chercher dans sa chambre.

Es muy temprano, « c’est trop tôt », murmure-t-elle, alors que ses femmes de chambre la déshabillent !

Elle se reprend vite, consciente de l’importance de la première nuit avec le roi : « Presto, que el Rey me espera ! »

La nuit de noces se passe plutôt bien. Le lendemain matin, « Louis XIV riait, sautait et allait entretenir la Reine avec des marques de tendresse et d'amitié qui faisaient plaisir à voir. »

La Grande Mademoiselle ajoute :

« Il avait remercié la reine sa mère de lui avoir ôté du cœur Mlle de Mancini pour lui donner l’infante, qui vraisemblablement allait le rendre heureux tant par sa beauté que par sa vertu. »

Incroyable ! Pourvu que ça dure...

Une histoire de macarons !

Les réjouissances du mariage, somptueuses, durent plusieurs jours.

L'occasion de déguster les célèbres macarons de Saint-Jean-de-Luz, confectionnés exprès pour l'occasion !

Fabriqués, donc, depuis 1660 par la maison Adam, ils se composent de blancs d’œufs, de sucre et d’amandes valencia ou marcona... amandes originaires d'Espagne, petit clin d’œil aux origines de l'épouse de Louis XIV !

En tous cas, la recette n'a pas bougé d'un pouce depuis 4 siècles...

Sources

  • Léonce Goyetche. Saint-Jean-de Luz, historique et pittoresque. 1883.
  • Pierre Moinot. Mazarin. Gallimard, 1978.
  • Louis Dussieux. Les grands faits de l'histoire de France (tome 6). 1879.
  • Lucien Bely. Dictionnaire Louis XIV. Robert Laffont, 2015.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !