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Infortune, fortune : Marguerite d'Autriche et le monastère de Brou

Quand : 1480 - 1530

Eglise de Brou | ©Chabe01 / Wikimedia Commons / CC-BY-SA
Abbaye Destin tragique Bénédictin Marguerite d'Autriche Monastère royal de Brou

Brou en deux mots...

Brou est un superbe ensemble conçu par Marguerite d’Autriche, régente des Pays-Bas bourguignons dès 1506 pour le compte de son filleul et neveu Charles Quint !

Les plus grands artistes de l’époque conçoivent ce bijou d’architecture gothique flamboyant, destiné à abriter les tombeaux du mari de Marguerite, le duc de Savoie Philibert, et de sa belle-mère Marguerite de Bourbon.

C’est aussi sa propre sépulture que Marguerite d’Autriche prépare à leurs côtés.

Un monument dans lequel transparaît, en filigrane, l’histoire d’une femme malmenée par les hasards de la vie...

Brou : le choeur de l'église

Brou : le chœur de l'église | ©Zairon / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

Marguerite d’Autriche : l'histoire d'une femme malmenée par la vie

Voici l’histoire d’une femme qui, jusqu’à sa mort à l’âge de 50 ans en 1530, aura connu bien des épreuves.

Orpheline, fiancée répudiée, deux fois veuve, régente.

La devise de Marguerite d’Autriche résume bien son destin ! « Fortune, infortune, fort une. »

Ouvrez l’œil ! On la retrouve un peu partout, dans l’église du monastère de Brou.

Brou : devise de Marguerite d'Autriche

Brou : devise de Marguerite d'Autriche | ©Patrick - Morio60 / Flickr / CC-BY-SA

Une princesse Habsbourg

Marguerite est une Habsbourg.

La tante de Charles Quint, l’empereur qui régnera sur un vaste empire « sur lequel le soleil ne se couchait jamais », entre Espagne, Pays-Bas et Amérique.

Elle naît en 1430 à Bruxelles.

  • Son père, l’archiduc d'Autriche Maximilien Ier, devient empereur du Saint-Empire-Germanique en 1493 ;
  • Sa mère, Marie de Bourgogne, est la fille du puissant duc de Bourgogne Charles le Téméraire.
Marguerite d'Autriche (B. van Orley)

Marguerite d'Autriche (B. van Orley) | ©Paul Hermans / Wikimedia Commons

La « petite reine » à la cour de France

Orpheline de mère à 2 ans, Marguerite a 3 ans, quand elle file pour la France.

Son destin semble déjà tout tracé ! Elle va y être élevée à la cour d'Amboise et épousera le dauphin Charles, le temps venu.

Surnommée la « petite reine », la « fille de France », tout semble lui sourire !

Mais son fiancé, devenu roi sous la nom de Charles VIII, la répudie brutalement.

Il renvoie la jeune fille chez elle, car il compte bien épouser Anne de Bretagne.

La terrible humiliation !! Elle a 13 ans. Il est encore temps de lui trouver un mari !

Maximilien Ier d'Autriche

Maximilien Ier d'Autriche | ©Rijksmuseum / CC0

Péril pendant la traversée !

Ce sera l’infant d’Espagne don Juan d’Aragon, que Marguerite part retrouver en 1496.

Mais elle manque de mourir noyée, en traversant l’Atlantique. La mésaventure lui inspire son épitaphe :

« Ci-gît Margot, la gente demoiselle Qui eut deux maris et mourut pucelle. »

Don Juan, de santé fragile, meurt à son tour.

Quelques mois après, c’est au tour du fils qu’ils ont eu ensemble.

Marguerite d'Autriche (C. Meit, 1550)

Marguerite d'Autriche (C. Meit, 1550) | ©Anatoliy Smaga / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

« Toujours ainsi mourir »...

En septembre 1501, troisième noce ! Marguerite épouse le duc de Savoie Philibert le Beau. Il devait mourir 3 ans plus tard, lors d’un accident de chasse.

Veuve pour la seconde fois, c’est une Marguerite dévastée, qui écrit :

« Me faudra-t-il toujours ainsi languir ? Me faudra-t-il enfin ainsi mourir ? Nul n’aura-t-il de mon mal connaissance ? Trop a duré, car c’est dès mon enfance. »

Mais Marguerite n’a pas le temps de se lamenter. De grandes responsabilités l’attendent !

Son frère Philippe était mort de fièvre typhoïde, à seulement 28 ans : Marguerite doit donc s’occuper de ses 3 neveux et nièces. Leur mère Jeanne (dite la Folle), en étant incapable...

Un grand avenir attendait le petit Charles, futur Charles Quint. Mais ça... c’est une toute autre histoire !

Brou : tombe de Philibert de Savoie

Brou : tombe de Philibert de Savoie | ©Paul Hermans / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

Marguerite d'Autriche et la construction du monastère de Brou

Philibert mort, Marguerite doit retourner auprès de ses neveux, aux Pays-Bas.

Mais avant, elle a un vœu à faire exaucer. Le vœu de sa belle-mère, Marguerite de Bourbon.

Le vœu d’une épouse décidée à rendre hommage à son mari disparu trop tôt, Philippe de Savoie. Exactement comme elle !

Le vœu de la belle-mère de Marguerite

Revenons en 1480. Philippe II de Savoie se blesse à la chasse. Une mauvaise chute à cheval, dans un fossé.

Marguerite de Bourbon, son épouse, prie très fort pour son rétablissement : s'il en réchappe, elle fait le vœu de construire un monastère bénédictin et son église, sur les terres de Brou !

Une terre appartenant aux ducs de Savoie depuis le 13e siècle.

Il est vrai que l’on voyait Philippe, infirme, se rendre à l’église avec peine, appuyé sur les épaules de deux serviteurs...

Le duc guérit, mais Marguerite de Bourbon meurt avant d'avoir pu entreprendre quoi que ce soit...

Avant de mourir à son tour, Philippe charge son fils, Philibert II, d'accomplir le vœu de sa mère.

Brou : le monastère

Brou : le monastère | ©Romainbehar / Wikimedia Commons / CC0

A Marguerite d'exaucer le vœu !

Mais décidément, le sort s'acharne ! Philibert meurt de maladie en 1504, à l’âge de 24 ans, laissant une jeune veuve inconsolable du même âge, Marguerite d'Autriche...

À elle, maintenant, d’accomplir le vœu de sa belle-mère !

En 1505, Marguerite confie les plans du monastère au peintre du roi Jean Perréal : les fondations sont enfin jetées un an après.

Mais on l’a vu plus haut : Marguerite doit rentrer en Flandres se charger de l’éducation de son neveu Charles, et assurer la régence !

Elle viendra pourtant surveiller le chantier de Brou. Pour cela, le « cloître des hôtes » se construit pour la loger, elle et sa suite !

Brou : cloître des hôtes

Brou : cloître des hôtes | ©Zairon / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

Un éclatant décor flamboyant

Marguerite engage les meilleurs artistes européens de l’époque, pour réaliser ce monastère et son église, chef-d’œuvre du gothique flamboyant.

Le moindre détail est une merveille à elle seule.

Il n’y a qu'à voir les vitraux, où Marguerite et Philibert sont représentés en prière : ces verrières datent d’entre 1525 et 1532, réalisées par des maîtres-verriers de la région lyonnaise.

Remarquez ce détail incroyable : toute la prestigieuse généalogie du couple est représentée ! Ils font en effet partie de deux puissantes familles.

Brou : détail d'une verrière

Brou : détail d'une verrière | ©Patrick - Morio60 / Flickr / CC-BY-SA

Brou, un lieu de sépulture

Le repos éternel de Marguerite

Marguerite d'Autriche n’aura jamais vu l'œuvre de sa vie achevée : elle s’éteint 2 ans avant la fin des travaux du monastère.

Elle repose auprès de son Philibert, au sein du chœur de l’église, de son église, qu’elle aura conçue comme le symbole de son amour et son respect pour son époux.

Regardez : leur emblème (les initiales P et M unies par un lacs d’amour) se retrouve un peu partout, gravé dans la pierre !

Gisant de Philibert de Savoie

Gisant de Philibert de Savoie | ©Patrick - Morio60 / Flickr / CC-BY-SA

Le gisant de Philibert

Marguerite a commandé un tombeau grandiose, pour Philibert. Digne d’un roi, d’un empereur !

On y voit un gisant en tenue d’apparat, l’autre représenté mort, dans son linceul.

Des portraits du défunt ont d’ailleurs été envoyés à Brou, pour permettre aux sculpteurs de réaliser un portrait fidèle de Philibert de Savoie.

Gisant de Marguerite de Bourbon : détail

Gisant de Marguerite de Bourbon : détail | ©Patrick - Morio60 / Flickr / CC-BY-SA

Le gisant de Marguerite de Bourbon

La belle-mère de Marguerite d'Autriche, Marguerite de Bourbon, repose non loin de là.

Avez-vous remarqué cette jolie levrette, à ses pieds, symbole traditionnel de la fidélité ?

Les statuettes dans leur niche représentent quatre saints :

  • Marguerite d’Antioche, bien sûr ;
  • Agnès, sa patronne ;
  • André, patron de la Bourgogne ;
  • Catherine.

Sources

  • Jules Baux. Recherches historiques et archéologiques sur l'église de Brou. 1844.
  • Edmond Tiersot. Histoire et description de l'église de Brou. 1874.
  • Patrice Boussel. Guide de la Bourgogne et du Lyonnais mystérieux. Éditions Tchou, 1978.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !