Un dossier pour découvrir les intrigues de cour, les mystères, légendes et anecdotes qui planent autour de la dame de cœur de Charles VII, Agnès Sorel... avant de s'envoler pour une visite de sa ville préférée, Loches.
SOMMAIRE
1 - Agnès, dame de beauté
a - Empoisonnement ?
b - Dis-moi comment tu vis, je te dirai qui tu es !
2 - Loches : au cœur de la ville d'Agnès
a - Les coins insolites de la ville royale
3 - Les personnages que vous allez croiser
Agnès, dame de Beauté
Picardie ou Berry ?
Agnès naît entre l'an 1410 et 1419, dans le petit village de Fromenteau (lieu-dit situé à Yzeures-sur-Creuse), en Berry. Ou peut-être est-ce Froidmantel, près de Péronne (Somme) ? La question s'est toujours posée !
Son père, Jean Sorel ou Soreau, est originaire de Picardie (seigneur de Coudun), alors pourquoi pas ! Il occupe les postes de conseiller du comte de Clermont.
Sa mère porte le nom de Catherine de Maignelais, elle aussi vient de Picardie. Agnès perd ses parents toute jeune, alors on l'élève à la cour de Lorraine avec celle qui devient son amie, Isabelle de Lorraine, future épouse de René d'Anjou. La sœur de René, Marie d'Anjou, devient d'ailleurs l'épouse de Charles VII... futur amant d'Agnès !
Charles, fou amoureux !
Agnès suit la cour d'Isabelle à Bourges et ne passe pas inaperçue. « Agnès était une des plus belles femmes que je vis oncques », dit le chroniqueur Olivier de La Marche.
Elle a alors 17 ans : Charles VII en tombe fou amoureux au premier regard ! Fou amoureux et complètement malade : on dit qu'il ne dort plus la nuit, tant l'image d'Agnès le hante...Leur histoire dure de 1430 à 1450, jusqu'à la mort d'Agnès. Ils s'aimeront d'un amour sans faille.
D'abord simple demoiselle d'honneur de la reine, Agnès devient, grâce au roi, une vraie reine à son tour. Il lui donne châteaux et terres : Issoudun, la châtellenie de la Roquecesière (Rouergue, actuel Aveyron), la seigneurie de Bois-Trousseau (Berry), la terre de Vernon-sur-Seine, le château d'Anneville...
Son surnom de Dame de Beauté lui vient d'un château près de Paris, sur la Marne, que le roi lui donne, appelé... Beauté-lès-Paris. Ça ne s'invente pas !
La conseillère du roi
Agnès entoure le roi de son amour. Jean Chartier dit dans ses Chroniques :
« L'amour que le roi portait à madame Agnès, comme chacun disait, estait pour les folies de jeunesse, esbatements, joyeusetés, avec son langage honeste, poli, qui estait en elle, et aussi qu'entre les belles c'était la plus jeune, la plus belle du monde. Aussi pour telle estait-elle tenue, ladite Agnès était de vie bien charitable, large et libérale en aumône, distribuant du sien largement aux pauvres de l’Église. »
Mais la belle sait aussi très bien conseiller son royal amant et lui apporter de fidèles soutiens parmi ses amis. Elle chasse même les comploteurs qui manigancent avec le dauphin, le futur Louis XI. On dit même qu’elle ramena le roi à la raison concernant les Anglais qui faisaient la loi dans le royaume de France.
Brantôme rapporte l'anecdote dans sa Vie des dames galantes :
« La belle Agnès voyant le roi Charles VII en amouraché d'elle et ne se soucier que de lui faire l'amour, et mol et lâche, ne tenir compte de son royaume, lui dit un jour que lorsqu'elle était encore jeune fille, un astrologue lui avait prédit qu'elle serait aimée et servie de l'un des plus vaillants rois de la chrétienté. Que quand le roi lui fit l'honneur de l'aimer, elle pensait que ce fut ce roi valeureux qui lui avait été prédit. Mais le voyant si mol, avec si peu de soin de ses affaires, elle voyait bien qu'elle s'était trompée et que ce roi si courageux n'était pas lui, mais le roi d'Angleterre qui faisait de si belles armes, et lui prenait tant de villes à sa barbe, dont dit-elle au roi, je m'en vais le trouver, car c'est celui duquel entendait l'astrologue. Ces paroles piquèrent si fort le cœur du roi qu'il se mit à pleurer, et de là en avant prenant courage, et quittant sa chasse et ses jardins, prit le frein aux dents ; si bien que par son bonheur et sa vaillance chassa les Anglais de son royaume. »
Raah, les jaloux
Les chroniqueurs bourguignons ne tardent pas à faire part de la jalousie de la cour et de la reine :
« Agnès avait son quartier de maison à l'hôtel du roi, mieux ordonné et appointé que celui de la reine ; plus beaux parements de lit, meilleure tapisserie, meilleure vaisselle, meilleures bagues et joyaux, meilleur tout ».
Toute la cour lui fait la cour, elle dans ses robes longues et luxueuses qui « découvraient les épaules et seins devant, jusqu'aux tétins » (Chroniques de Georges Chastelain). Le peuple ne l'aime pas beaucoup non plus. Elle vient à Paris avec le roi en 1448, mais on rit, on se moque d'elle sur son passage.
Oui, Agnès choque avec sa débauche de bijoux, de toilettes luxueuses, s'affichant en maîtresse officielle au bras du roi ! Elle dira que les Parisiens sont bien vilains, et que si elle avait su qu'un accueil pareil lui était réservé, elle n'aurait jamais mis les pieds dans cette ville !
Des vilaines rumeurs courent sur son compte. On dit qu'elle n'a pas toujours été fidèle au roi. On murmure les noms d'Etienne Chevalier (trésorier de Charles VII) et d'Antoine de Chabannes comme amants potentiels... Oh, mais ça, on n'en sait rien on n'a pas tenu la chandelle ! De toute façon, à la mort d'Agnès, le roi se console vite : il tombe dans les bras de la cousine de celle-ci, Antoinette de Maignelay, dame de Villequier !
Agnès se meurt !
Agnès meurt, dit l'historien Chartier, le « onzième jour de février 1449 sur les 6 heures après midi » au manoir du Mesnil (76), en plein accouchement. On crie à empoisonnement ! Qui a fait le coup, qui ?! On accuse le dauphin, le futur Louis XI qui ne pouvait pas sentir la dame de beauté à des kilomètres à la ronde : on se souvient de la gifle monumentale qu'il lui a mise !
Et puis les soupçons se tournent sur l'homme le plus riche du royaume : Jacques Cœur... qui n'en réchappera pas ! Pourtant Agnès en avait fait son exécuteur testamentaire... bizarre ! Enfin voilà, Agnès a poussé son dernier soupir. Son cœur enterré à l'abbaye de Jumièges (son tombeau se fait détruire pendant les guerres de Religion), on ramène son corps à Loches. Les Révolutionnaires détruiront son tombeau, restauré en 1806...
De jolies poulettes qui ont de qui tenir
Agnès laisse 3 filles de son union avec le roi. Toutes reconnues ! Merci papa : elles portent le nom de Valois et ont le droit de porter les armes de France, « brisées d'une bande ».
- Charlotte, née vers 1444, mariée au sénéchal d'Anjou et de Normandie Jacques de Brézé en 1462 : son mari l'assassine deux ans plus tard, l'ayant surpris en flagrant délit d'adultère... elle devient un célèbre fantôme, la dame blanche du château de Brissac ! Pierre de Brézé, le père, avait d'ailleurs été incarcéré au donjon de Loches. Pour être libéré, il a fallu qu'il accepte que son fils épouse la fille d'Agnès Sorel, Charlotte...
- Marie ou Marguerite née vers 1443, mariée en 1458 à Olivier de Créqui ou de Coëtivy.
- Jeanne née vers 1445, mariée à Antoine de Bueil en 1461. Antoine, comte de Sancerre, seigneur de Bueil, chevalier de l'ordre de Saint-Michel fait de sa femme la comtesse de Sancerre : on peut voir dans cette ville, sur la place du Puits-du-Marché, l'oratoire en pierre du 14e siècle qui lui a appartenu !
- Un 4e enfant mort né ou en bas-âge quelque temps avant sa mère, au Mesnil-sous-Jumièges.
Empoisonnement ?
Agnès accouche d'un enfant mort-né (selon certaines versions, il aurait vécu de plusieurs heures à quelques mois) et meurt peu après « d'un flux de ventre ». Mais on parle aussi d'empoisonnement ! Les soupçons se portent sur le fils de Charles VII, Louis XI, puis... une dame de la cour, Jeanne de Vendôme, accuse Jacques Cœur d’empoisonnement. Oui, on a toujours dit qu'Agnès avait été empoisonnée... Mais où se trouve la vérité ?
Voyons un peu les faits les plus récents : en 2005, le docteur Charlier, paléo-pathologiste, a fait des prélèvements sur les restes d'Agnès, à savoir les restes contenus dans un pot en grès (quelques dents et un fragment de crâne) ainsi qu'un peu de ses cheveux conservés au musée du Berry à Bourges.
Résultat de ces analyses : le taux de mercure est anormalement élevé !Oui, Agnès est atteinte d'une ascaridose, une infection provoquée par des vers. Le mercure est un bon vermifuge. Il est aussi recommandé pour aider les femmes à accoucher... mais pas en aussi grande quantité !
C'est à l'époque Robert Poitevin, médecin du roi, qui administre le mercure à Agnès. L'empoisonnement au mercure et donc avéré, mais on ne sait toujours pas si c'est une erreur médicale ou un réel assassinat...
Les analyses ont aussi révélé des détails amusants, comme des morceaux de fils d'or dans ses cheveux (Agnès elle devait porter une mantille, nous dit Histoires d'os et autres illustres abattis (chap I) de Clémentine Portier-Kaltenbach), ou une déviation de la cloison nasale, qui devait la faire ronfler...
Dis-moi comment tu vis, je te dirai qui tu es !
Le dressing d'Agnès
« Agnès Sorel avait eu toutes sortes de plaisances mondaines et tous les passe-temps et joies du monde, c'est à savoir de porter grands et excessifs autours de robes, de fourrures, colliers d'or et de pierreries et avoir eu tous ses autres plaisirs et désirs comme étant jeune et jolie » dit un chroniqueur de l'époque (vu dans Jacques Cœur et Charles VII ou La France au 15e siècle de Pierre Clément).
Une belle garde-robe à faire mourir d'envie les plus coquettes, merci qui ? Merci Jacques Cœur !
Aah, entre la coquette Agnès et Jacques le marchand, ça fait tilt ! Une fois celui-ci rentré à la Cour, il devient le grand ami d'Agnès. La dame lui offre son amitié mais aussi sa protection.
En échange, Jacques lui procure les plus beaux tissus venus de pays lointains et les dernières nouveautés en matière de mode.Ainsi, Agnès et Isabeau de Bavière (la mère de Charles VII) sont les premières à utiliser de la toile pour leur chemise ; on se servait avant de la laine !
Fashion-victimes
Les belles et riches dames de la cour, sous l'impulsion de la belle Agnès, se mettent à porter des justaucorps qui amincissent la taille, des manteaux retroussés, des robes si longues qu'elles traînent par terre. La poitrine se porte largement découverte.
À la taille pend le plus souvent une aumônière. La taille se doit d'être fine et le ventre doit ressortir comme un signe de fécondité.
On ne voit plus aucune dame qui n'a pas sa ceinture lourde de pierres précieuses ! Jacques vend d'ailleurs à Agnès le premier collier en diamants taillés, parait-il ! Mais trop, c'est trop : en 1420, un arrêt du Parlement interdit aux femmes le port de la robe à collet, de fourrure précieuse ou de ceintures dorées sous peine de prison !
Escargots et eau de Hongrie
Agnès s'épile les cheveux pour avoir un front bombé. Même si Philippe Charlier dans son Médecin des morts, récits de paléopathologie explique qu'en fait, ses cheveux n'étaient pas si épilés que ça, pas autant en tout cas que sur ses portraits présumés.
Il ajoute qu'en fait, elle l'aurait fait pour équilibrer des yeux un peu trop grands ! À l'époque, il faut avoir la peau la plus blanche possible : c'est un signe de noblesse ! Agnès a « un teint de lis et de roses », dit un chroniqueur de son époque dans Mystères des vieux châteaux de France ou Amour secrètes des rois et des reines.
Pour ça, elle s'aide avec un peu de poudre de coquille d'escargot, de la poudre de riz, déjà recommandée par le chirurgien Guy de Chauliac au 14e siècle. Mais tous ces machins ne couvrent pas assez ! Alors on utilise de la craie, du bismuth et bien sûr du blanc de céruse, le meilleur des fards... Il faudra attendre la fin du 18e siècle pour que la dangerosité de la céruse de plomb soit reconnue. Mais avant, depuis l'Antiquité en passant par le Moyen Age, toutes les femmes en raffolent !
À l'époque, on se met le parfum à la mode, l'eau de Hongrie, créée en 1370 à base de romarin : c'est la reine de Hongrie Élisabeth qui donne la recette dans son manuscrit. On dit que la reine a reçu la recette d'un ermite, voire... d'un ange ! Elle a alors 70 ans, elle est infirme et malade, et l'eau la guérit, lui redonne se jeunesse et sa beauté, à tel point que même le roi de Pologne veut l'épouser ! Bon, légende, car Élisabeth est morte à 24 ans...
On se parfume mais on va aussi aux bains publics. Les gens les plus riches se baignent dans leurs étuves, dans une pièce réservée à cet usage (voir celles du palais Jacques Cœur à la même époque). On va aux étuves pendant tout le Moyen Âge.
Sainte-Foix dans ses Essais historiques sur Paris dit que les seigneurs prennent un bain tous les jours et les bourgeois plusieurs par semaine. Il ajoute : « Grégoire de Tours parle de religieuses qui avaient quitté leur couvent parce qu'on s'y comportait dans le bain avec peu de modestie ».
Oui car dans ces bains publics, hommes et femmes commencent à se mélanger et à faire autre chose que se baigner... Du coup en 1441, les statuts synodaux d'Avignon interdisent aux religieux et aux hommes mariés l''entrée dans les bains publics ! Bon, dans les bains, on se lave : il existe déjà des savons, à base de graisse (animale ou végétale) mais le plus répandu reste le savon à base de saponaire.
Le suc de ses petites fleurs est connu pour faire une mousse abondante... et parfumée.Pour finir, on se lave les dents, si si, avec un dentifrice à base d'os de seiche pilés ou de corail broyé mélangé à des herbes parfumées. Pas encore de brosse à dent : on applique la pâte avec un morceau de tissu.
À table !
On mange quoi à l'époque d'Agnès ? Viandes d'une myriade de petits oiseaux, épices en veux-tu en voilà, mélange sucré-salé... L'histoire de Charles VII de Gaston Du Fresne de Beaucourt rapporte le banquet organisé en 1455 par le comte du Maine pour la demoiselle de Villequier : on compte 4 services, avec civet de viande, poulet farci, veau et lièvre ; la table est décorée d'une pelouse plantée de fleurs, avec une volière, un donjon.
Sur la table aussi, de très gros pâtés à base de viande de chevreuil entier, de pigeons et de lapins. Il y a autant de viandes pour les services suivants, même des hérons, des hérissons (un mets de choix), un esturgeon, le tout accompagné de darioles, des petits flans aigre-doux.
Pour le dessert, une crème brûlée (si si dessert fort apprécié au Moyen Age) agrémentée « de graines de fenouil confites au sucre ». Fromages, fraises, prunes confites, vins et épices achèvent le banquet...
Vous connaissez la « poudre de duc » ? La plupart de ces plats se saupoudrent au Moyen Age avec ce mélange, une recette bien médiévale qui mêle cannelle, gingembre et clou de girofle. On l'ajoute aux plats salés aussi bien qu'aux desserts...
Taillevent en parle déjà dans son Viandier. Plus proche de nous, le grand chef Auguste Escoffier créé une recette inspirée par la dame de Beauté, la « crème Agnès Sorel » : c'est un potage à la crème fraîche avec blanc de volailles et champignons de Paris !
Loches : au cœur de la ville d'Agnès
Il était une fois, sur la rivière Indre, en Touraine, la vieille forteresse des comtes d'Anjou, qui au fil des siècles s'est transformée pour devenir la ville royale qu'on connaît, une vraie place forte avec ses petites rues escarpées, ses portes médiévales, son sombre donjon qui a vu défiler tant de prisonniers...
Les coins insolites de la ville royale
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- La porte Picois et ses boulets de canon
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Les personnages que vous allez croiser
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Rendez-vous sur la page de notre dossier pour faire la rencontre du comte d'Anjou Foulques Nerra !
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Parmi tous les prisonniers enfermés du temps de Louis, le cardinal La Balue reste le plus connu.
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