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À la découverte de l'hôtel Lauzun

Quand : 1650 - 1849

L'entrée de l'hôtel | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA
Hôtel particulier Hôtel Lauzun

Un incroyable et très rare exemple d’hôtel particulier du 17e siècle, en plein Paris !

Gruyn et la construction de l'hôtel

C'est un certain Charles Gruyn, qui fait construire l’hôtel de 1650 à 1658. Le sieur est conseiller du roi, commissaire de la cavalerie légère.

Son paternel, Philippe, plus modeste, tenait le cabaret de la Pomme de Pin en l’Île-de-la-Cité : un lieu fréquenté par Molière, Boileau et La Fontaine...

Gruyn, qui faisait partie du cercle gravitant autour de Nicolas Fouquet (et qui s’était enrichi avec lui), tombe en même temps que le célèbre surintendant. Il perd toute sa fortune… il serait même mort en prison !

Prudente, la veuve de Gruyn, Geneviève de Mony, avait fait préciser dans le contrat de mariage qu'elle aurait « pour demeure la maison que le futur époux faisait construire en l’île Notre-Dame, sur le quai regardant le quai Saint-Paul. »

Sage précaution !

Gouttière de l'hôtel

Gouttière de l'hôtel | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Pourquoi l’hôtel porte le nom de Lauzun

À cause du duc de Lauzun, le célèbre Antonin Nompar de Caumont !

Le beau Lauzun arrogant et fier s'installe dans l’hôtel en 1682, 20 ans après la mort de Gruyn.

Il l'achète « pour n’être pas logé comme un gueux » !

Il venait surtout de sortir de prison, après une longue période de disgrâce.

Du coup, on l'avait autorisé à revenir à Paris « qu’à la condition de n’approcher pas plus près de deux lieues de l’endroit où serait le roi »...

Lauzun achète l’hôtel à un certain Nicolas Ferret… un cordonnier. Tiens ! Qui est-ce ?

En fait, il s'agit du curateur à la succession vacante de Charles Gruyn : le fils de ce dernier avait renoncé à cette succession, effrayé par les dettes à payer !

Le grand escalier

Le grand escalier | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

De l'or à profusion !

En mars 1680, Lauzun vend l’hôtel, acheté en 1709 par Pierre-François Ogier, conseiller du roi, receveur général des finances de Montauban.

Description de Paris de Germain Brice (1717) note :

« La maison ne se distingue pas beaucoup, à l’extérieur, de celles des environs. Les appartements y sont d’une richesse qui va jusqu’à la magnificence. L’or y est prodigué partout avec profusion, ce qui fait présumer que le maître a travaillé avec succès pour en acquérir quantité. »

C’est en effet lui qui, après Gruyn, fait embellir l'hôtel, avec une riche décoration intérieure...

Une des pièces de l'hôtel

Une des pièces de l'hôtel | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Détail d'une des pièces de l'hôtel

Détail d'une des pièces de l'hôtel | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

De Lauzun... à Pimodan

Après Ogier débarque Charles-Jean de La Vallée de Rarécourt, marquis de Pimodan, « très haut et très puissant seigneur de Passavant, de la Chassée et autres lieux, maître de camp de cavalerie, ancien premier enseigne de la première compagnie des mousquetaires du roi »…

Sacré C.V. !

Le sieur prend possession de l'hôtel entre 1779 et la Révolution.

On ne connaitra plus la maison, pendant un long moment, que sous le nom d'hôtel Pimodan !

Détail d'une des pièces de l'hôtel

Détail d'une des pièces de l'hôtel | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Détail d'une des pièces de l'hôtel

Détail d'une des pièces de l'hôtel | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Pichon le sauveur, Baudelaire locataire

Le baron Jérôme Pichon achète l'hôtel, en 1843. Mais dans quel état !

Un teinturier en était devenu locataire après la Révolution et avait grossièrement badigeonné toutes les peintures de Le Brun et Lesueur.

Le rez-de-chaussée laissait s'échapper des « ruisseaux de toutes les couleurs », « une fumée épaisse, nauséabonde, s’échappait des caves aux larges portes ouvertes sur le quai comme autant de vomitoires »…

Le collectionneur et bibliophile Pichon sauve donc l'hôtel de la destruction et s'installe 7 ans après son achat.

Il écrit en 1892 :

« J'achetai ma maison du quai d'Anjou, je pourrai dire à la risée presque universelle, « pouvait-on aller demeurer à l'île Saint-Louis ! Et comment meubler une pareille maison ? » Mais je laissai dire et poursuivis mon chemin. On vint chez moi par curiosité, puis on trouva qu'après tout, on pouvait vivre à l'île, puis après m'avoir blâmé, on me loua, on me vanta et.... il y a 43 ans que j'y suis. »

Il le loue d’abord à l’écrivain Roger de Beauvoir, puis au poète Charles Baudelaire : celui-ci, avec son ami Théophile Gautier, prendra part aux célèbres réunions du club des Hashischins !

Plafond de l'antichambre

Plafond de l'antichambre | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Tombe dorée, crémaillère monstre !

En 1844, l'écrivain Roger de Beauvoir, 38 ans, s’installe une année à l'hôtel, en location.

Roger décrit la demeure comme une « tombe dorée au bout du vieux Paris. » Un « morne hôtel, débris de l’ancien temps »...

Il écrit :

« Gruyn, Hervart, Ogier, Grandmaison et vingt autres, Illustres financiers qui valaient bien les nôtres, Que Rigaud, Largillière ont peints sur ces panneaux. Voyez, la cour d'honneur ruisselle de flambeaux. Et la Seine déjà reflète en gerbes folles Le lustre de l'hôtel aux vieilles girandoles. Puis la fête s'éteint aux premiers feux du jour. »

Le soir de son installation, il pend une crémaillère d'enfer : 600 invités accourent poser leurs fesses « sur le brocard et le velours » !

Roger publiera Les mystères de l'île Saint-Louis, chroniques de l'hôtel Pimodan, en 1859, un roman d'aventures entre grande et petite histoire de France, à travers les personnages qui ont vécu à l'hôtel Lauzun...

Le salon de musique

Le salon de musique | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Détail du plafond du salon de musique

Détail du plafond du salon de musique | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Le club des Haschichins

C’est là qu’ont lieu les réunions du célèbre club des Haschichins, donc, entre 1846 et 1849.

Scientifiques, hommes de lettres et artistes se retrouvent une fois par mois, dans un des appartements de l'hôtel Lauzun, afin de tester les effets de la consommation de drogues...

Théophile Gautier y participe et décrira les expériences psychédéliques de la consommation de haschich.

Baudelaire, qui loue l'un des appartements, tout pareil ! Il s’en inspirera pour écrire ses Paradis artificiels.

Tout ce petit monde quittera les lieux, après les nombreuses plaintes des voisins, excédés par leur chahut !

Sources

  • Jacques Hillairet. Connaissance du Vieux Paris. Éditions Princesse, 1979.
  • Georges Vicaire. Le baron Jérôme Pichon. 1897.
  • Robert Santerne, Jean Sergent. L'Hôtel Lauzun. 1954.
  • Jacques Hillairet. L'Île Saint-Louis. 1967.
  • Édouard Fournier. Chroniques et légendes des rues de Paris. 1864.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !