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9 anecdotes sur le corsaire dunkerquois Jean Bart

Quand : 1650 - 1702

La statue de Bart | ©Claus Ableiter / Wikimedia Commons / CC-BY-SA
Statue Statue de Jean Bart

Zoom sur le héros de Dunkerque, qui a le droit à sa statue signée David d'Angers, sur la place du centre-ville qui porte son nom : le plus célèbre des corsaires de Louis XIV, Jean Bart !

1 - Un buste a précédé la statue actuelle

En 1802, la ville commande au sculpteur Lemot un buste de Bart, pour orner la galerie des Consuls, un autre pour la grande salle de l’hôtel-de-ville.

En 1806, nouvelle commande : un buste pour la place Dauphine, qui prend pour l’occasion le nom de place Jean-Bart (la place actuelle).

Une oeuvre également réalisée par Lemot.

Mais la ville, ayant décidé en 1845 de remplacer le buste par la statue actuelle de David d'Angers, on le « fait disparaître », hop, relégué dans une pièce de l’hôtel-de-ville.

Avec l’anecdote suivante : des enfants de la ville avaient abîmé le buste, en balançant de la caillasse sur le héros.

Un jour, le nez se détache. Quand on s’en aperçoit, « l’importante pièce à conviction avait disparu » !

Le maire va faire frapper à toutes les portes de la ville, pour réclamer le nez de Jean Bart, et promet une récompense à qui le rapporterait.

Le nez a été rendu et rafistolé tant bien que mal…

La statue de Bart

La statue de Bart | ©Welleschik / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

2 - Bart, le corsaire aux mille exploits

Ah, minute : rappelons d'abord ce qu’est un corsaire, à l'instar de Robert Surcouf ou René Duguay-Trouin...

Le corsaire n’est pas un pirate, car il reçoit du roi une lettre de marque, pour attaquer les navires des pays avec qui son royaume est en guerre : il arme lui-même son vaisseau et combat à ses risques et périls.

Il est au service de l’État et soumis au code maritime. Le pirate, lui, parcourt les mers sans autorisation : il peut tuer tout son saoul !

Jean Bart, lui, se fait un nom de farouche corsaire à 22 ans : un armateur lui confie le commandement du Roi David, un minuscule bateau de 34 hommes seulement.

Il capture pourtant 7 navires en juin 1673, valant la somme énorme de 260 000 livres tournois.

Avec cette seule campagne, il devient riche. Et l'on connaît le nom de Bart, maintenant !

En août 1674, il se fait confier une vraie frégate. Il capture avec le Jambon Doré, après 4 heures de combat au canon.

Au large de la Hollande, ensuite, il multiplie les prises, parvient à réchapper d’un combat sanglant avec un navire bien plus gros que lui.

Avec son ami Keyser, il capture un navire hollandais de retour des Indes, bourré d’épices et d’or.

Fin 1677, dans un combat épique contre une frégate hollandaise, 86 hommes sont tués : pas Jean Bart, qui n’écope que d’une blessure à la jambe…

Une autre fois, après avoir fait échouer l’ennemi qui vient mettre le blocus devant Dunkerque et menace d’incendier la ville avec des machines infernales, il s’empare de 25 bateaux.

En récompense, il escorte à Dantzig le prince de Conti, candidat au trône de Pologne : mission réussie, le prince lui offre son portrait orné de centaines de gros diamants !

Dunkerque en 1646

Dunkerque en 1646 | ©Rijksmuseum / CC0

3 - Bart a de qui tenir, un sacré aïeul !

L'aïeul de Bart, le célèbre corsaire Michel Jacobsen, est au service de l’Espagne.

Oui, au 16e siècle, Dunkerque est espagnole ! Elle fait partie du comté de Flandre, passé par héritage à Charles Quint, puis Philippe II.

Jacobsen a eu pour mission, entre autres, de ramener en Espagne les débris de l’Invincible Armada (tout de même 47 navires sur 150).

Le Renard des mers, comme on l’appelait, riche à foison, a à sa mort l’insigne honneur de se faire inhumer à Séville, aux côtés de Fernand Cortez et de Christophe Colomb.

Après Jacobsen et Jean Bart, le fils de celui-ci, Jean-Pierre, se fait lui aussi remarquer : il poursuit un jour les Anglais à bord de la Danaë, installé dans un tonneau car... un boulet de canon lui avait fauché les deux jambes !

Jean Bart, lithographie de 1835

Jean Bart, lithographie de 1835 | ©Universitätsbibliothek Leipzig / Public domain

4 - Noyade en direct

Jean Bart a 13 ans quand il s’embarque la première fois, en 1662, sous les ordres de Jérôme Valbué, à bord du Cochon gras.

Il a pour mission de croiser dans le Pas de Calais, surveiller le passage des bateaux anglais.

Il reste quatre ans, puis quitte brusquement son poste de second après avoir été témoin d’une scène épouvantable.

Un des cinq matelots, Martin Lanoix, s’attire la haine du capitaine, un Picard violent.

Un jour, la haine est à son comble, les deux hommes vont s'étriper... on sort les couteaux... un des matelots meurt par accident, en voulant s’interposer entre les deux hommes.

Valbué finit par déclarer Lanoix coupable et lui lie les mains dans le dos... pour le pousser vivant à la mer.

Bart, révolté, qui avait été un des rares à voter contre la mort de Lanoix, quitte ce maudit Valbué et s’engage comme matelot au service de la Hollande.

5 - Entre deux pays

Dès 1666, Bart s’engage avec les Hollandais, les Provinces-Unies, comme on les appelle alors.

À l’époque, elles ne sont pas encore en guerre avec la France : mieux, en 1666, les deux pays sont alliés, ligués contre l’Angleterre !

Bart se retrouve sous les ordres de l’amiral Michiel de Ruyter, le grand des grands, qui lui confie le commandement du Canard doré : il prend part au raid de Medway, à Londres, une des plus grosses défaites anglaises.

Mais en 1672, Louis XIV entre en guerre contre… la Hollande, qui vient de signer la paix avec les Anglais.

Le roi rameute ses corsaires dunkerquois. Bart ? Oh, il est en Hollande, et compte bien y rester !

Le roi est obligé de menacer ceux qui combattent à l’étranger de saisir leurs biens. En 1672, un édit est même proclamé.

Bart finit par revenir à Dunkerque !

Michiel de Ruyter

Michiel de Ruyter | ©Rijksmuseum / CC0

6 - Il fait la traversée de la Manche à la rame !

Capturé en 1689 par les Anglais alors qu’il attaquait le Non-Such (Sans Pareil), Bart réalise l’évasion du siècle, avec son co-équipier Forbin.

Ils se mettent dans la poche un marin d’Ostende qui leur procure une lime, avec laquelle ils scient les barreaux de la fenêtre de leur prison.

Les brèches ? Ils les cachent avec de la mie de pain mélangée à de la suie. Ni vu ni connu !

S’étant aussi mis dans la poche deux mousses, ils dégotent une barque (le batelier norvégien cuvait ivre mort), sautent de leur fenêtre à la faveur d’une nuit calme, et s’embarquent sur la coquille de noix.

Bart rame pour quatre ! Ils filent dans une rade de Plymouth infestée par une vingtaine de navires, qui leur gueulent : Where goes the boat? (« Où va la chaloupe ? »)

Bart leur répond : Fishermen! (« pêcheurs. ») On les laisse tranquilles...

En moins de 48 heures, ils gagnent les côtes françaises : Saint-Malo est en vue.

Forbin et Bart apprennent en débarquant que la rumeur les disait morts !

Jean Bart

Jean Bart | ©Rijksmuseum / CC0

7 - Comment Bart sauve la France de la famine

Mais il est partout, ce Jean Bart… à la bataille du Texel, surtout, le 29 juin 1694, au large de l’île hollandaise du même nom.

Quelques petits bateaux dunkerquois commandés par Bart, contre des navires de guerre hollandais.

L’enjeu ? Reprendre 170 navires bourrés à craquer de blé !

Bart parvient à prendre 30 d'entre eux. Car la France a faim : le blé manque cruellement.

Le roi de France a acheté cette céréale aux Norvégiens, mais les Hollandais ont piqué les précieuses cargaisons !

Après ce magnifique fait d’armes (15 morts chez les Français, 300 pour les Hollandais), le roi anoblit Bart et le nomme commandant de l’escadre de la mer du Nord.

Pour les Hollandais, il devient une légende vivante, la terreur des océans ; ils le surnomment pirata maxima !

Bataille de Texel

Bataille de Texel | ©Rijksmuseum / CC0

8 - Une récompense hors norme

Après la bataille de Texel, donc, Louis XIV anoblit Bart.

Fait extrêmement rare, il lui accorde le droit de porter une fleur de lys d’or, sur son blason.

Du jamais vu !

« Permettons audit sieur Jean Bart et à sa postérité, de porter les écussons et armoiries timbrées, telles qu’elles sont ci après empreintes, avec faculté de charger l’écusson de ses armes d'une fleur de lys d'or, à fond d'azur ; que nous lui avons concédée, et concédons par ces présentes, en mémoire et considération de ses signalés services ; et icelles faire peindre graver et sculpter en ses maisons, terres, seigneuries à lui appartenant, ainsi bon lui semblera, sans que, pour raison de ce, il soit tenu de nous payer et à nos successeurs aucune finance ni indemnité, dont nous l'avons déchargé et déchargeons… Donné à Versailles, au mois d’août, l’an de grâce 1694 de notre règne. »
Jean Bart

Jean Bart | ©Rijksmuseum / CC0

9 - Jean Bart... et le tabac

À l’époque de Louis XIV, on fume et on prise à tout-va.

Jean Bart fume aussi comme un pompier. Jusque dans les couloirs du château de Versailles !

On lit dans Recueil d'épitaphes, sérieuses, badines, satiriques (1782) :

« Louis XIV, traversant avec sa cour la galerie de Versailles, apercevant Jean Bart fumant sa pipe dans l’embrasure d’une fenêtre ouverte, et l’ayant fait appeler lui dit, d’un ton affectueux : Jean Bart, je viens de vous nommer chef d’escadre... « Vous avez bien fait, sire, répondit le marin, en retournant froidement à sa pipe. Cette réponse, qui parut aussi absurde que brutale, avait excité parmi les courtisans un grand éclat de rire : Vous vous trompez, messieurs, leur dit gravement Louis ; cette réponse est celle d’un homme qui sent ce qu’il vaut, et qui compte m’en donner bientôt de nouvelles preuves. »

Tabaciana, recueil intéressant dédié aux tabacomanes (1861) rapporte un autre épisode, qui nous montre un Bart haut en couleurs :

« Louis XIV ayant mandé Jean Bart, ce célèbre marin se rendit à la cour. Il se présenta pour entrer chez le roi, mais comme il n’était pas encore jour, il resta dans l’antichambre. Ne connaissant personne à Versailles, il s’ennuyait ; il tira sa pipe, battît son briquet, se mit à fumer ; tous ceux qui étaient présents furent étonnés de voir qu’il se trouvât un homme assez hardi pour prendre une pareille liberté. Les gardes voulurent le faire sortir, disant qu’il n’était pas permis de fumer chez le roi. Il leur répondit avec un air de sang-froid : J’ai contracté cette habitude au service du roi mon maître, elle est devenue un besoin pour moi, je crois qu’il est trop juste pour trouver mauvais que j’y satisfasse, et continua à fumer. » Comme il n’avait jamais paru à la cour, il n’y avait que le comte de Forbin qui le connût, mais il craignait les suites de cette aventure et n’osa dire qu’il était son ami. Il alla avertir le roi qu’un homme avait la hardiesse de fumer dans son appartement et refusait d’en sortir. Louis XIV dit en riant : Je parie que c’est Jean Bart ! Laissez-le faire. » Peu de temps après, il dit qu’on le fasse entrer. Lorsque Jean Bart parut, sa majesté lui dit : Jean Bart, il n’est permis qu’à vous de fumer chez moi. Au nom de Jean Bart qui était fort connu, à l’accueil que le roi fit à cet homme singulier, tous les courtisans furent étonnés, se rangèrent autour de lui ; lorsqu’il eut quitté le roi, ils lui demandèrent comment il avait fait pour sortir de Dunkerque avec sa petite escadre, pendant que ce port était bloqué par une flotte ennemie. Il les fit tous ranger sur une ligne, les écarta à coups de coude, à coups de poing, passa au milieu d’eux, se retourna, leur dit : Voilà comme j’ai fait. »

Source principale

  • Adolphe Badin. Jean Bart, Duguay-Trouin. 1867.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !