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28 juin 1919 : 11 anecdotes sur la signature du traité de Versailles !

Quand : 28 juin 1919

La galerie des Glaces pendant la signature du traité de Versailles, 28 juin 1919 | Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA
Château 1re Guerre Mondiale Château de Versailles

Vous vous souvenez que Bismarck a proclamé la naissance de l'empire allemand dans la galerie des Glaces de Versailles, en 1871 ?

La naissance de l’Allemagne moderne, si vous voulez, sur les ruines fumantes d’un Versailles et d’une France humiliés après la défaite de la guerre franco-prussienne.

Rebelote en 1919, même endroit : cette fois, les Alliés signent la paix de l’Europe après 4 ans de guerre apocalyptique.

L'Allemagne, la grande vaincue, va payer...

1 - Il y a eu plusieurs traités de Versailles

Il y a eu plusieurs traités de Versailles, dans l’Histoire : une douzaine, entre le 17e et le 20e siècle !

Je vous donne les deux plus connus :

  • Le traité de 1783, qui met fin à la guerre d’Indépendance des États-Unis ;
  • Le traité de 1768, où Gênes vend la Corse à la France.

2 - Pourquoi la galerie des Glaces ?

Le spectacle est grandiose. En ce jour de juin 1919, le ministre de la Guerre Clemenceau savoure l’instant.

Il le savoure, ce traité signé dans cette galerie des Glaces, là même où en 1871 les Allemands victorieux proclamaient la naissance de l'Empire allemand, après la terrible guerre franco-prussienne...

Vous voyez un peu le symbole fort ?

L'humiliation subie, cette défaite collante comme de la mélasse, piouf, effacée ?

Là, les Allemands sont honteux. Vaincus.

3 - Pourquoi le 28 juin ?

Mais, oui, tiens ?! Pourquoi la date du 28 juin 1919 ?

Il s'agit de « l’anniversaire » de l’attentat de l’archiduc François-Ferdinand à Sarajevo, l’évènement qui a déclenché la Première Guerre Mondiale !

4 - Le Big Four

27 délégations représentant 32 puissances assistent à la signature du traité, dans la galerie des Glaces.

On ne retient pourtant que les représentants des principales nations alliées, le célèbre Big Four (Conseil des Quatre) :

  • le ministre de la Guerre Georges Clemenceau pour la France ;
  • le 28e président des Etats-Unis Woodrow Wilson ;
  • le Premier Ministre Lloyd George pour la Grande-Bretagne ;
  • le président du conseil Vittorio Orlando pour l’Italie.

Ironique, le diplomate et écrivain Jean Giraudoux écrit dans Suzanne et le Pacifique (1921) que les hommes ne sont plus vraiment des hommes, en ce jour :

« L’armistice vient d’être signée par Lloyd George qui ressemble à un caniche, par Wilson qui ressemble à un colley et par Clemenceau qui ressemble à un dogue. L’Europe a les plus beaux espoirs de cette paix signée par des hommes qui ressemblent aux chiens. »
Lloyd George, Orlando, Clemenceau, Wilson

Lloyd George, Orlando, Clemenceau, Wilson | ©Nathan Hughes Hamilton / CC-BY

5 - La France veut l’écrasement total de l’Allemagne

Avant le traité de Versailles, il a fallu âprement discuter des conditions. Négocié, bataillé.

Ca se passe à Paris, le 18 janvier 1919.

Une négociation sans l’Allemagne, tenue à l’écart. Ben tiens !

Ca tombe bien ! La France veut complètement anéantir et humilier cette dernière !

Pour Clemenceau, c’est clair, « le boche doit payer ».

Finalement, les Alliés donnent 5 jours à l’Allemagne pour signer le traité.

Sinon, les armées françaises envahissent l’Allemagne !

Devant tant de haine, celle-ci décide de s’incliner devant ce qu’elle appellera le diktat (« ordre dicté »).

6 - Lloyd George et les pépins allemands

Au début, l’Angleterre veut, comme la France, punir l’Allemagne : il faut, selon les mots de Lloyd George, « presser le citron allemand jusqu'à ce que les pépins en sortent » !

Jusqu’à se rendre compte que l'Allemagne ne ressortira pas indemne de cette paix, avec un tel acharnement... ...

En vrai, on vous le dit : l'Angleterre veut sauver l'Allemagne pour que sa vieille ennemie, la France, ne devienne pas toute-puissante en Europe... mais CHUT !

L'Angleterre se retrouve coincée entre :

  • Les Etats-Unis, qui veulent ménager les Allemands ;
  • La France, qui veut les faire payer.

Du coup, quand on demande à George comment il s'en est sorti, après le traité, il répond :

« Pas mal, si l’on considère que j’étais assis entre Jésus-Christ et Napoléon. » (Not badly, considering I was seated between Jesus Christ and Napoleon.)

7 - Wilson, le plan bancal du Messie

Thomas Woodrow Wilson, 28e président des Etats-Unis, fils d’un pasteur, pacifiste archi convaincu (envoyer son pays faire la guerre a été un crève-cœur) fait hurler Clemenceau, qui dit :

« Avec Wilson, je suis tombé sur le seul homme qui croit s'y connaître en paix depuis Jésus-Christ. Il se prend pour un second Messie ! »

Pour Wilson, il faut « une paix sans victoire ». Comment ?

  • En respectant les peuples (« droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ») ;
  • En créant une Société des Nations (SDN, actuelle ONU), garante de la paix en Europe.

Sur le papier, c'est tout beau. Mais dans la pratique... ça pose quelques problèmes !

Problème n°1 : le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes (chaque peuple a le droit de former une nation) n'a pas été appliqué aux vaincus, ici !

Si la France récupère l'Alsace-Lorraine et l'Italie l'Istrie et la Dalmatie, l'Allemagne se fait amputer de nombreuses terres, d'où le sentiment d'injustice profond.

Problème n°2 : la SDN. Pour fonctionner, elle aurait dû recevoir l'aide des Etats-Unis, première puissance mondiale.

Mais non ! Les Américains ne seront jamais membres de leur bébé !

Ils préfèrent rester en dehors des problèmes de l'Europe.

Ajoutez à ça le krach de 1929 et la montée du fascisme, paf... la SDN meurt en 1946.

Traité de Versailles

Traité de Versailles | ©Woodrow Wilson Library Archives / Public domain

7 - Et les Allemands ?

Représentée par le docteur Bell et le ministre des Affaires étrangères Müller, l'Allemagne est livide. Muette.

Les yeux voilés de larmes. Un diplomate anglais rapporte :

« Les deux Allemands sont passés à côté de moi. On aurait cru des prisonniers conduits là pour la lecture de leur sentence. » (La Première Guerre mondiale : Combats, Jay Winter, éd Fayard, 2013)

Ce sont les premiers à quitter la galerie, une fois le traité signé...

8 - La cérémonie : pas de flonflon !

La cérémonie dure à peine 1 heure. Pas de flonflon, pas de décorum ronflant, aucune musique !

Juste une foule compacte : les 27 délégations représentant 32 puissances.

La galerie des Glaces respire la sobriété : on a spécialement sorti un bureau de style Louis XV des collections du château (attribué à l’ébéniste Charles Cressent) et posé sur le parquet plusieurs grands tapis de la Savonnerie (cousus ensemble !).

Trônant sur le bureau, un encrier et son porte-plume en bronze doré, réalisés par le joaillier Vever.

9 - Une histoire de langue

Depuis 1714 et le traité qui met fin à la guerre de Succession d’Espagne, le français est la langue unique de la diplomatie en Europe.

Grand changement à l'occasion du traité de Versailles !

On choisit l’anglais comme seconde langue officielle.

Tiens ! Pourquoi ?

Because les chefs de délégations britannique et américaine n'entravent pas un mot de français, alors que Clemenceau parle anglais (son épouse Mary Plummer est américaine) et que les discussions préliminaires ont eu lieu dans la langue de Shakespeare...

On rédige le traité de Versailles dans les deux langues, OUI, mais : en cas de litiges, seul le français faisait foi !

10 - Le traité de Versailles fait des petits !

Le traité de Versailles n'est pas le seul à régler leur compte aux vaincus !

On signe 4 autres traités en banlieue parisienne, en 1919, pour régler le sort des Alliés de l'Allemagne :

  • Le traité de Saint-Germain-en-Laye (10 septembre 1919), avec l'Autriche ;
  • Le traité de Neuilly (27 novembre 1919), avec la Bulgarie ;
  • Le traité de Trianon (4 juin 1920), avec la Hongrie ;
  • Le traité de Sèvres (10 août 1920), avec l'Empire ottoman.

11 - Les punitions de l’Allemagne : aspirine et dette monstrueuse !

L’Allemagne vaincue doit passer à la caisse. La note s'annonce salée !

Où on apprend que l'Allemagne a eu des colonies

L'Allemagne voit ses colonies confisquées (si, si, l'Allemagne a eu des colonies) : Togoland et Kamerun à l'Ouest, Ruanda-Urundi au centre, Deutsch-Ostafrika à l'est, Deutsch-Südwestafrika au sud-ouest (actuelle Namibie).

Engagez vous qu’y disait : plus de service militaire !

La puissance militaire allemande après le traité ? A-né-an-tie !

Elle doit donner 25 000 avions et toute sa flotte.

Avec l'interdiction d’utiliser ses blindés et la force aérienne qu'il lui reste...

Le tout avec une armée limitée à 100 000 hommes et un service militaire aboli !

Il faut attendre 1935 pour qu’Hitler le réintroduise.

L'aspirine Bayer

En plus de perdre ses ressources en matières premières (comme le charbon), l’Allemagne perd tous ses brevets : hop, l’aspirine de l'industriel Friedrich Bayer tombe dans le domaine public !

Une dette monstrueuse

L’Allemagne, jugée responsable de la guerre (c’est l’article 231 qui le dit), paiera toutes les réparations.

Ca nous fait un total de 20 milliards de marks-or : une somme vertigineuse, monstrueuse, terrible, qui correspondrait au 21e siècle à environ... 1420 milliards d’euros !!

Et tenez-vous bien : l’Allemagne va traîner cette dette jusqu’en octobre 2010, date à laquelle elle la solde pour toujours !

L’Alsace-Lorraine de nouveau française

En tout, l’Allemagne perd 70 000 km2 de son territoire.

Et vous savez quoi ? L’Alsace-Lorraine, annexée en 1870 après la guerre franco-prussienne, est enfin rendue à la France !

Commencent de gros problèmes identitaires pour les Alsaciens, qui doivent récupérer la nationalité française : un tri humiliant se fait entre ceux ayant des ascendances allemandes et ceux qui sont restés Français entre 1871 et 1918... 

Conclusion ? Adolphe arrive...

Acte de paix, le traité de Versailles ? Non !

Humiliée, l’Allemagne ne pensera qu’à la vengeance. Elle viendra, oh oui, patience !

En juin 1919, un petit caporal, moustachu et très brun, artiste sacrément raté, découvre qu’il cause super bien en public.

Il se verrait même bien leader de l'Allemagne...

Il n’a jamais accepté cet humiliant traité de Versailles. Et il compte bien le faire savoir.

Son nom ? Adolf Hitler.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !