Le 2 mai 1519, Léonard de Vinci pousse son dernier soupir à Amboise.
On vous dit tout sur sa mort, son testament, et l’incroyable redécouverte de ses restes, en 1863 !
La légende dit que François Ier est à son chevet !
Léonard mort dans les bras de François Ier ?
Le Guide du Val de Loire mystérieux (éd. Tchou) nous rapporte ce récit du 16e siècle de Giorgio Vasari :
« Le roi qui le visitait souvent avec amitié survint... Léonard, plein de respect pour le prince, se souleva de son lit et, lui racontant les accidents de sa maladie, demanda pardon à Dieu et aux hommes de ne point avoir fait pour son art tout ce qu'il aurait pu. Le roi lui tint la tête, mais comme si ce divin artiste eut senti qu'il ne pouvait espérer plus grand honneur sur cette terre, il expira entre les bras du roi. »
Une version que Vasari dit tenir de la bouche du fidèle disciple de Léonard, Melzi.
Pourtant, on sait depuis que François Ier n'était pas à Amboise, le jour de la mort de Léonard... car le 3 mai 1519, un édit est promulgué à Saint-Germain-en-Laye !
Le trajet demandant plus qu’un petit jour de voyage, François Ier ne pouvait pas se trouver au chevet de Léonard, à Amboise.
Cependant, un édit pouvait ne pas être signé de la main même du roi, mais par un secrétaire ; ce qui implique que François Ier n'était pas forcément présent, pour la promulgation à Saint-Germain... il était donc disponible pour assister son ami italien dans ses derniers moments !
Le mystère reste entier. Aaah, c'est beau, les légendes !
Un tableau signé Ingres
Ah, puisqu'on parle de la légende de Léonard expirant dans les bras du roi de France...
Le sujet a inspiré Ingres, en 1818, sous le titre François Ier reçoit les derniers soupirs de Léonard de Vinci.
Il est conservé au Petit-Palais, à Paris !
Voici l’œuvre en question, ci-dessous.
Le testament de Léonard
On a vu comment le maître italien a passé ses dernières années en France, à Amboise, invité par François Ier. Il réside au manoir du Clos-Lucé, jusqu'à sa mort.
Léonard écrit son testament le 23 avril 1519 : grâce à ses accointances avec le roi, il échappe au droit d’aubaine.
C’est-à-dire à la mainmise par le roi des biens d’une personne étrangère décédée sur le sol français.
Comment ? Il avait obtenu une lettre de naturalité !
Léonard lègue presque tous ses biens à Francesco Melzi, son fidèle disciple, son héritier :
« Le testateur donne et concède audit François Melzi présent et acceptant le reste de sa pension et la somme des deniers qui lui sont dus pour le présent et jusqu’au jour de sa mort. »
Pour Salai, son autre disciple, et Baptiste de Villanis son serviteur, « un jardin hors des murs de Milan » à se partager en deux moitiés.
Pour Mathurine, enfin, sa cuisinière et servante, il laisse :
« un habillement de bon drap noir garni de peau une coiffe de drap et 10 ducats payés une fois seulement, et ce également en récompense des bons services de ladite Mathurine jusqu’à ce jour. »
Ses dernières volontés
« Ledit testateur veut être enseveli dans l’église Saint-Florentin, et son corps y sera porté par les chapelains d’icelle. »
Puis :
« Son corps sera accompagné dudit lieu du Cloux (le Clos-Lucé, ndlr) jusque dans ladite église par le collège chapitre de ladite église, et aussi par le recteur et prieur, par les vicaires et chapelains de l’église Saint-Denis, ainsi que par les frères mineurs dudit lieu, et avant que son corps soit porté à Saint-Florentin, le testateur veut qu’il soit célébré trois grand messes avec diacre et sous-diacre ; et le jour que se diront ces 3 grand messes, on dira encore 30 basses messes de saint Grégoire. »
Et encore plus loin :
« Item il veut qu'à ses obsèques il y ait 60 torches, qui seront portées par 60 pauvres, qui seront payés pour les porter à la discrétion dudit Melzi. »
« Item qu’il soit fait l’aumône aux pauvres de l’Hôtel Dieu et aux pauvres de Saint Lazare d'Amboise, et pour cela qu'il soit donné et payé aux trésoriers de chaque confrérie la somme de 70 sous tournois. »
L’acte de décès
Que dit-il, cet acte ?
« Chapitre royal de Saint-Florentin de la ville d’Amboise. Fut inhumé dans le cloître de cette église Léonard de Vinci, noble milanais, premier peintre, ingénieur et architecte du Roi, mécanicien d’état et ancien directeur de peinture au Duc de Milan. Ce fut fait le 12e jour d’août 1519. »
La tombe de Léonard : histoire d'une redécouverte
Repos éternel perturbé !
Léonard se fait donc, à la base, inhumer dans la collégiale Saint-Florentin du château d’Amboise.
Sommeil éternel s’abstenir ! Les guerres de religion dévastent l’église et les tombeaux, puis la Révolution.
En 1808, il faut même détruire cette chapelle.
On fait fondre les cercueils de plomb, on vend les pierres tombales !
Goujon, un jardinier, outré, réunit ce qu’il reste des os et les ré-inhume à peu près là où se trouvait le chœur.
Sous un cerisier...
Jusqu’au jour où Arsène Houssaye, inspecteur général des Beaux-Arts, est envoyé par le gouvernement pour rechercher la tombe de Léonard, en 1863.
La fille de Goujon lui parle la première du tombeau du peintre.
Elle indique même un endroit où pourrait se trouver la tombe : sous un cerisier blanc dont les fruits sont immangeables, car les cerises... « poussaient sur des morts » !
Les fouilles commencent
Le 25 juin 1863, premier coup de pioche !
Trois groupes d’ouvriers se répartissent les fouilles des fondations de la chapelle, celles des tombeaux, puis de l’ossuaire.
On trouve des pans de murs, de dallages, de débris de statues...
On dégage l’ossuaire. Puis plusieurs tombes.
Enfin, dans la journée du 20 août 1863, la découverte d’un corps à l’emplacement du cerisier.
« La tête était appuyée sur la main comme pendant le sommeil. C’est le seul squelette retrouvé dans cette position qu’on ne donne jamais aux morts et qui semble familière à un penseur fatigué par l’étude. Le beau front semblait encore habité par la méditation. »
Un crâne, du charbon, des sandales
Houssaye a sur lui un portrait de Léonard de Vinci, quelques années avant sa mort, de rares mèches de cheveux sur le crâne.
Même chose sur le crâne retrouvé !
« Plusieurs médecins l’ont vu et ont affirmé que c’était la tête d'un septuagénaire. Huit dents sont encore aux mâchoires, quatre en haut, quatre en bas. Comme le crâne de Raphaël, celui-ci est harmonieux et indique la perfection, mais il est plus puissant. On y voit mieux l’homme qui tient tout dans son cerveau. »
Attention, à l’époque, les scientifiques croient dur comme fer à la phrénologie, pseudo-science qui étudie le caractère d’un homme d’après la forme de son crâne…
Près du squelette, on trouve :
- dans un petit vase brisé, du charbon, avec une odeur de myrrhe et d’encens ;
- un écu d’argent à l’effigie de François Ier et deux autres, effacés, qu’on dit italiens ;
- près de la tête, des cheveux ou de la barbe blanche, ainsi que quelques morceaux de laine brune ;
- aux pieds, des fragments de sandales ;
- un peu plus loin, un fragment de dalle funéraire portant quelques lettres effacées : EO… AR... DUS... INC...
Pour Houssaye, pas de doute : ils ont retrouvé les restes de Léonard de Vinci !
Le transfert à Saint-Hubert
La suite ?
Les restes sont transférés en 1874 dans la chapelle royale Saint-Hubert du château d’Amboise, où ils se trouvent encore aujourd’hui.
Alors, c’est bien beau, car si tous les indices accumulés par Houssaye poussent à croire qu’il s’agit bien des restes du grand Léonard, personne n’a jamais réalisé d’analyses scientifiques qui permettraient de lever définitivement le doute.
C’est bien pour cela que dans la chapelle, il est inscrit qu’on a là les restes « présumés » du maître italien.
Sources
- Arsène Houssaye. Histoire de Léonard de Vinci. 1876.
- Inventaire analytique des archives communales d’Amboise (1421-1789).
- De la tradition relative à la mort de Léonard de Vinci. In Revue universelle des arts (tome 3). 1856.
- Le cabinet de l’amateur (3e année, n° 26). 1863.