Avec Machecoul (44) et Champtocé (49), le château de Tiffauges (85) fait partie des résidences de Gilles de Rais, le sanguinaire et mythique Barbe-Bleue.
Découvrez, en 15 anecdotes, le destin de celui qui, de fier compagnon d’armes de Jeanne d’Arc, aurait fini supposé égorgeur d’enfants…
1 - La tour natale de Champtocé
Gilles naît à l’automne 1404 au château de Champtocé (49), « en une chambre d’une tour appelée la tour Noire ».
Ça ne s'invente pas !
2 - Gilles de Rais n'est pas Breton
Hé non ! Contrairement à ce qui a beaucoup été dit, Gilles de Rais n’est pas Breton, malgré son nom de Retz (Rais), d’une terre que sa famille possède près de Nantes.
Il n'est pas plus Poitevin... Alors ?
Gilles est Angevin, né à Champtocé-sur-Loire (actuel Maine-et-Loire) !
3 - L'origine de son prénom
Gilles reçoit son prénom après le pèlerinage de ses parents, Guy de Laval-Rais et Marie de Craon, à Saint-Gilles dans le Cotentin, pour demander un fils au saint.
S'il exauçait leur vœu, ils appelleraient le petiot... Gilles !
4 - L'origine de son nom de famille
Gilles s’appelle en fait de Montmorency-Laval.
Rais fait référence à son titre de baron de Retz, terre au sud-ouest de l’actuelle Loire-Atlantique.
5 - La jeunesse violente du petit Gilles
Au niveau gènes, c’est du lourd : Gilles est l’arrière-petit-neveu du célèbre du Guesclin, et sa famille compte parmi les plus puissantes du royaume !
Après la naissance d’un petit frère, René, sa mère Marie de Craon meurt, puis son père, Guy de Laval, en 1415.
C’est le grand-père, Jean de Craon, qui se charge de l’éducation du petit Gilles. Un homme cruel, cet aïeul... C’est là que ça commence à dégénérer.
L’historien J. Heers dit qu’il lui inculque « des exhortations à mal agir, à user de la force plutôt que du droit, à brusquer les consciences. »
Éduqué à la dure, Gilles se jette dans la fureur des guerres à l'âge de 15 ans. La violence et le sang ? Il a-do-re !
À noter que la cruauté de Gilles se manifeste dès son plus jeune âge : on lui offre 10 molosses, des monstres de férocité. Il les affame plusieurs jours d'affilée, puis les emmène dans la campagne silencieuse de Champtocé.
Des moutons y paissent tranquillement, un jeune berger à leur côté. Gilles lâche les chiens…
À la vue de ce carnage, il avoue avoir tremblé « d’une joie malsaine en regardant les crocs s’enfoncer hideusement »…
6 - L'homme le plus puissant de son époque
Compagnon d'armes de Jeanne d’Arc, brave des braves pendant la guerre de Cent-Ans, Gilles se voit même chargé de porter l’huile sainte, au couronnement de Charles VII à Reims !
Suprême honneur, le roi le fait maréchal de France pour « ses hauts et recommandables services ». Il a 25 ans...
Gilles de Rais devient le baron le plus riche du royaume : il possède près de 40 terres dans tout l’Ouest de la France !
Il se ruine en organisant spectacles et banquets grandioses : très pieux, il a sa propre chorale de petits chanteurs et ne se déplace jamais sans son orgue portatif brinquebalé par 6 hommes, suivi par une foule de 200 serviteurs.
Les représentations théâtrales qu'il donne mobilisent 140 acteurs, 500 figurants et autant de costumes sur mesure faits d'étoffes précieuses.
Le théâtre, mobile, mesure la taille d’un immeuble de 6 étages !
7 - Des disparitions d'enfants qui commencent à la mort de son grand-père
Les disparitions bizarres et massives d’enfants aux alentours de Tiffauges et Machecoul commencent en 1432.
Tiens ! Une date qui coïncide avec la mort du grand-père.
L'ancêtre, vicieux et cruel, était-il le seul repère de Gilles, qui l’empêchait de sombrer totalement dans le crime ? En tout cas, avant sa mort, rien. Nada. Pas un crime.
Les paysans de Tiffauges, inquiets, signalent la disparition de gosses de leur bourg.
Les victimes sont des garçons, entre 6 et 17 ans, pour la plupart orphelins et sans attaches.
Le nombre de victimes ? Il oscille entre 10... et 200 ! Toutes disparues entre 1432 et 1440.
8 - Des tortures indescriptibles
Des ombres noires battent la campagne, aux alentours des châteaux de Gilles de Rais. Ce sont... ses sbires, ses rabatteurs... les kidnappeurs !
Ils ont pour noms Eustache Blanchet, prêtre malouin défroqué, Gilles de Sillé et Briqueville, les écuyers de Rais, Étienne Corillaud dit Poitou et Henriet Griard, ses chambriers, Perrine Martin dite la Meffraye, la pourvoyeuse...
Une fois enlevés, les enfants sont livrés au monstre dans une salle du château de Tiffauges, au coeur de la tour du Vidame.
Rais se livre alors à des tortures, des viols, des sévices que je trouve bien trop graveleux à raconter, mais qui font froid, très froid dans le dos.
C'est de sa main qu'il suspend les pauvres enfants à des crochets de fer, les torture jusqu'à leur dernier souffle, avant de les démembrer et d'exposer leurs entrailles.
Pour ça, je vous laisse lire Le procès de Gilles de Rais de Georges Bataille (1959), avec le contenu très cru et insoutenable des témoignages du seigneur de Tiffauges et de ses complices.
9 - Gilles de Rais, alchimie et magie noire
Un temps à la tête d'une des plus grosses fortunes du royaume, Gilles dilapide tout son argent.
Ruiné, il recherche des fonds, puis finit par vendre ses terres. Là, ses proches s'inquiètent. En 1436, ils en appellent au roi Charles VII, qui interdit quiconque d'acheter un bien des mains de Gilles !
Lui s'en fiche bien. Il lui faut plus d'argent, pour rembourser ses dettes, point barre. Il le trouvera...
Et ça tombe bien, il aime l’alchimie, cette discipline qui permet de réaliser la pierre philosophale, et grâce à elle, de transmuter de vils métaux en or !
Le sorcier Prelati, un jeune Florentin faiseur d’or, entre alors à son service et le baratine, quand il voit l'obsession de Rais pour la quête de la pierre.
Oh oui, il lui promet de l’or tout son saoul... et là, on dérape du côté de la magie noire.
Car à Tiffauges, Gilles reconnaît avoir tenté d’invoquer le démon « Baron », avec l’aide de Prelati, démon à qui il offre des vases remplis de restes sanglants d’enfants...
Démon qui apparaît toujours en présence de l’Italien, mais pas devant Gilles, bizarre, non ?
10 - Rais n’est même pas arrêté pour ses soi-disant crimes !
C’est parce qu’il pénètre dans l’église de Saint-Étienne-de-Mer-Morte (44), un frais matin de mai 1440, que Gilles de Rais se fait arrêter, en septembre 1440.
Le bougre a en effet débarqué à cheval, la hache à la main, en pleine messe ! Il menace de mort le curé, voulant lui reprendre une terre qu'il lui a vendue.
C’est juste après, avec les rumeurs concernant les disparitions d’enfants, qu’on commence à enquêter sur la vie privée de Rais et ses pratiques choquantes.
D’ailleurs, lors de son procès, des 49 chefs d’accusation retenus contre lui (ça va de la sodomie au meurtre, en passant par la sorcellerie), on ne le condamne que pour crime de lèse-majesté contre l’Église !
11 - Le procès à Nantes
Saviez-vous que le procès de Gilles de Rais se tient dès la mi-septembre 1440, au château ducal de Nantes ?
On vous donne rendez-vous là-bas pour plus de détails !
12 - L'exécution publique à Nantes
Le 23 octobre 1440, Gilles est condamné au bûcher avec ses complices, sur la place du Bouffay de Nantes, cadre traditionnel des exécutions publiques.
Son rang permet que son corps ne soit brûlé qu'à moitié : ainsi, sa famille lui construit un mausolée (disparu à la Révolution), en l’église de Nantes Notre-Dame-du-Carmel.
Une sépulture chrétienne qu’il avait obtenue en échange de ses aveux !
14 - Gilles de Rais a-t-il été victime d'un complot ?
Des historiens ont crié au complot organisé pour faire tomber le trop puissant et riche Gilles de Rais. Toutes les horreurs dont on l'accable ? Fausses !
Mais qui ? Qui aurait eu intérêt à le faire tomber, lui qui était ruiné, n’avait plus aucun rôle stratégique à jouer à la cour du roi Charles VII ?
• Le premier n'est autre que le duc Jean V de Bretagne. Parce qu'il était ruiné et avait besoin d'argent, Gilles lui vend ses plus belles terres à très bas prix, avec possibilité de les racheter pendant 6 ans... au même prix ! Par peur de ce rachat, mais aussi pour ruiner totalement Gilles et lui prendre ce qu'il lui reste, le duc a tout intérêt à le faire disparaître.
• Le deuxième s'appelle Jean de Malestroit, évêque de Nantes. Partisan des Anglais lors de la guerre de Cent Ans, celui-ci se retrouve prisonnier de Gilles, en 1426 : humilié, il jure de se venger. Ça tombe bien : il fait partie des juges de Gilles de Rais !
En plus, le manuscrit du procès comporterait des vices de procédure. On aurait des témoins manipulés, des aveux extorqués sous la violence...
Quid des disparitions d’enfants ? Elles sont légions, à cette époque de guerres médiévales...
Et puis, regardez : Gilles de Rais s’est auto-accusé, il a reconnu les crimes dont on l’accuse… Oui, des aveux obtenus en le menaçant de torture (que diriez-vous, VOUS, pour échapper à la torture ?).
Et n’a-t-on jamais vu des innocents suspectés avouant des crimes qu’ils n’ont pas commis ?
13 - Gilles de Rais est-il un psychopathe ?
D’après Matei Cazacu, chercheur au CNRS et auteur d'un livre sur Gilles de Rais, notre monstre incarne le type-même du psychopathe :
• il perd ses parents à 10 ans et connaît de graves problèmes affectifs ;
• il commet des actes violents très jeune ;
• il commence sa « carrière » de prédateur relativement jeune, vers la trentaine ;
• il s’attaque toujours aux mêmes victimes (enfants et adolescents) ;
• son mode opératoire ne varie pas d'un pouce ;
• il est intelligent (il parle latin et possède une grande bibliothèque, fait rare pour l'époque), etc.
Des crimes qui commencent après la mort de son grand-père, en 1432.
Un évènement, qui, couplé à de vieilles névroses sous-jacentes et un état de choc post-traumatique dû à la guerre de Cent Ans, réveille la bête immonde sommeillant en lui.
Rais avoue lui-même avoir commis ces crimes de sodomie et de tortures « pour son plaisir et sa délectation charnelle ».
15 - Barbe-Bleue, un surnom qui n'a pas de sens
On surnomme Gilles de Rais Barbe-Bleue... et c’est idiot.
Contrairement au célèbre ogre du conte de Perrault, il n’a jamais tué sa femme, Catherine de Thouars, ni sa fille unique, Marie de Rais !
Un surnom qui lui vient tout droit du 19e siècle.
Conclusion !
Fautes de preuves et de sources fiables, le mystère Gilles de Rais reste entier.
Rais pourrait avoir été victime d'un complot, comme il peut aussi être un sadique et un pédophile.
Sans aller jusqu'à l'accuser de 140 disparitions, on peut penser qu'il est tout de même responsable de la mort d'une dizaine d'enfants.
En fait, vous voyez... on n'en sait rien !
À noter qu'en novembre 1992, un tribunal composé d'anciens ministres et d'experts a lancé la révision du procès de Gilles. Verdict ? Acquittement !
Bien sur, cette révision n'a aucune valeur juridique, aucune juridiction n'étant compétente pour réviser un procès du 15e siècle...
Sources
- Salomon Reinach. Gilles de Rais. Cultes, mythes et religions. Paris, 1922.
- A. Ledru. Gilles de Rais maréchal de France, sa jeunesse, 1404-1424. In L'Union historique et littéraire du Maine (tome 1). 1893.
- Matei Cazacu. Gilles de Rais. Tallandier, 2005.
- Jacques Heers. Gilles de Rais. Perrin, 2005.
- Georges Bordonove. Gilles de Rais. Pygmalion 2001.
- Ludovico Hernandez. Le procès inquisitorial de Gilles de Rais. 1921.
- Franck Ferrand. Du sang sur l’Histoire. Flammarion, 2012.
- Eugène Bossard. Gilles de Rais. 1886.