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1492, l'année de la météorite d'Ensisheim

Quand : 7 novembre 1492

La météorite d'Ensisheim (M. Wolgemut, 1493) | ©Rijksmuseum / CC0
Musée Catastrophe naturelle Albrecht Dürer Musée de la Régence

La plus ancienne météorite d'Europe

La plus vieille météorite au monde à avoir été conservée est tombée au Japon, en mai 861, à Nogata-shi, sur l’île de Kyushu.

Mais en Europe ?

La plus ancienne conservée et la toute première dont on garde des témoignages écrits est celle d’Ensisheim, nous dit Un prodige en Alsace d'Odile Kammerer (1994) !

Voyons de plus près ce qu'il s'est passé, ce jour de novembre 1492...

La météorite d'Ensisheim

La météorite d'Ensisheim | ©Stéphane Esquirol / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

Tonnerre et fracas : la météorite est tombée

7 novembre 1492. Il est entre 11 heures et midi, quand une terrible explosion déchire le silence.

« Un grand coup de tonnerre, et un long fracas qu’on entendit à une grande distance », précise la notice qui se trouvait autrefois sur la météorite, dans l’église d'Ensisheim, où on l’a longtemps exposée.

La déflagration semble venir d’Ensisheim, petite bourgade alsacienne entre Colmar et Bâle, en Suisse.

Mais toute l’Alsace, la Suisse, même, sont ébranlées.

« Le bruit s’était entendu à Lucerne, à Villing et en beaucoup d’autres endroits, avec tant de force, qu’on crût que des maisons venaient d’être renversées. »

Deux historiens ne tardent pas à décrire le ciel devenu couleur de feu, tandis qu’un orage frappe et que le tonnerre gronde.

Un autre décrit la pierre tombée « d’un nuage brillant et enflammé, tandis que le reste de l’horizon n’offrait aucun nuage. »

Étrange phénomène, en tous cas ! Du jamais vu de mémoire d’homme.

La météorite d'Ensisheim (M. Wolgemut, 1493)

La météorite d'Ensisheim (M. Wolgemut, 1493) | ©Rijksmuseum / CC0

Un objet céleste miraculeux

Mais… quid de notre météorite ?

Elle pèse 270 livres, soit un peu plus... de 122 kilos.

Elle creuse un trou « de plus de cinq pieds de profondeur », soit 1,50 mètres !

Un enfant aperçoit la pierre tomber dans un champ de froment, puis les habitants du village d'Ensisheim accourent en masse et prélèvent des fragments.

Le landwogt (le bailli) doit intervenir pour confisquer la pierre mystérieuse, qui devient vite un objet miraculeux.

Sebastian Brant (J. van der Heyden, 1631)

Sebastian Brant (J. van der Heyden, 1631) | ©Rijksmuseum / CC0

Les feuillets de Brant, le talisman de Maximilien Ier

Quelques semaines après, des feuillets en latin et allemand commencent à circuler dans toute la région.

Ils ont pour titre Sur la pierre de tonnerre tombée à Ensisheim en l’an 1492 (Von dem Donnerstein gefallen im XCII iar vor Ensisheim).

Leur auteur ? Sébastien Brant, un savant humaniste de la cour de l’empereur Maximilien Ier de Habsbourg.

Maximilien, tiens ! Il se trouve justement à Ensisheim. Il fait amener la pierre au château.

Brant, après étude de celle-ci, finit par lui dire que sa chute doit être vue comme un bon présage de victoire contre les Français, avec qui l’empereur est en lutte.

Notamment parce que Charles VIII, fiancé à sa fille Marguerite, vient de violemment répudier cette dernière et a piqué la fiancée de Maximilien, Anne de Bretagne ! Bref...

L’empereur prend deux fragments de la pierre avec lui (un pour lui, un pour le duc Sigismond d’Autriche) et part au combat, rassuré.

La météorite gagne une notoriété encore plus grande, quand deux semaines plus tard, les troupes de Maximilien sortent victorieuses des Français, lors de la bataille de Dournon !

Maximilien Ier (L. van Leyden, 1520)

Maximilien Ier (L. van Leyden, 1520) | ©Rijksmuseum / CC0

Goethe à Ensisheim

Le célèbre poète allemand Goethe, de passage touristique dans la région, en profite pour jeter un coup d’œil à la pierre.

Il écrira, moqueur, dans ses Mémoires :

« À Ensisheim, nous vîmes l’énorme aérolithe suspendu dans l’église, et selon la manie sceptique de l’époque, nous tournâmes en ridicule la crédulité des hommes, ne prévoyant pas qu’un jour nous verrions tomber dans nos propres champs de ces corps aériens, ou que du moins nous les garderions dans nos cabinets. »

De l'église au musée !

Ce qu'il reste de la météorite est au départ pendu à une chaîne, dans l’église d’Ensisheim, où elle reste jusqu’en 1793.

Après quoi on la déménage à la bibliothèque publique de Colmar, où l’on en détache encore d’autres fragments, notamment conservés aujourd’hui au muséum d’Histoire naturelle de Paris.

De près de 122 kilos à la base, la météorite conservée aujourd’hui au musée de la Régence d’Ensisheim, ne pèse « plus » que 53 kilos !

Musée de la Régence

Musée de la Régence | ©Gunther Tschuch / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

Dürer, l’obsession de la météorite

Le célèbre graveur et peintre Albrecht Dürer a assisté à la chute de la météorite, alors qu’il se trouve à Bâle, à une quarantaine de kilomètres au sud d’Ensisheim !

L'évènement a dû le marquer, car il la représente plusieurs fois :

  • au dos de son Saint Jérôme en pénitence (1496), conservé à Londres à la National Gallery ;
  • sur de célèbres gravures, dont La Sorcière ou le célébrissime Melencolia I (coin supérieur gauche).
Melencolia I, détail (A. Dürer, 1514)

Melencolia I, détail (A. Dürer, 1514) | ©The Metropolitan Museum of Art / Public domain

La Sorcière (A. Dürer, 1500)

La Sorcière (A. Dürer, 1500) | ©The Metropolitan Museum of Art / Public domain

Sources

  • Sébastien Bigot de Morogues. Mémoire historique et physique sur les chutes des pierres. 1812.
  • Rémi Coulvier-Gravier. Recherches sur les étoiles filantes. 1847.
  • Matthieu Gounelle. Les météorites : Que sais-je ? Presses universitaires de France, 2017.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !