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Une histoire de caoutchouc... au château de La Gataudière !

Quand : 1703 - 1769

Hévéa | ©Simon / Pixabay
Château Exploration Château de La Gataudière

Rendez-vous chez François Fresneau, seigneur de La Gataudière, qui découvre à Cayenne les propriétés de l'hévéa... le début d'une grande histoire !

Une mystérieuse résine

Pour parler de Fresneau, il faut commencer par parler du caoutchouc...

Mais quel est donc ce mystérieux caoutchouc qui fait sourire, dans les rangs de l’Académie des Sciences ?

Celui évoqué par le scientifique La Condamine, lors de la lecture de son rapport en 1745, devant cette même Académie !

La Condamine, en expédition en Amérique du Sud, signale dès juillet 1743 les propriétés d’une résine connue vers Quito sous le nom de cahuchu :

« Fraîche, on lui donne avec des moules la forme qu’on veut, elle est impénétrable à la pluie ; mais ce qui la rend plus remarquable, c’est sa grande élasticité. On en fait des bouteilles qui ne sont pas fragiles, des bottes, des boules creuses qui s’aplatissent quand on les presse, et qui dès qu’elles ne sont plus gênées reprennent leur première figure. »

Oui, le caoutchouc, quoi… nous, on connaît. Mais à l’époque, imaginez...

Puis, en 1749, La Condamine fait à l’Académie la lecture du mémoire d’un ami, François Fresneau, ancien ingénieur de la marine à Cayenne, en poste de 1732 à 1748.

Fresneau et lui s’étaient rencontrés à Cayenne, en 1744 : La Condamine lui a demandé de poursuivre ses recherches sur le cahuchu. Le voilà qui expédie son manuscrit.

Ce Fresneau a fait une grande découverte ! Car si La Condamine a fait connaître le nom du caoutchouc en France, il n’a pas trouvé l’arbre producteur.

C’est Fresneau qui le découvre : l’arbre seringue, voilà son nom en Guyane.

Il a même réussi à extraire la résine blanchâtre et à l’utiliser, grâce à l’aide des Indiens du Para !

Plantation d'hévéas

Plantation d'hévéas | ©Tracey Wong / Pixabay

De Marennes à Paris

Fresneau est originaire de Saintonge, plus précisément de Marennes : il naît dans l’ancien château de La Gataudière, en 1703.

Son père, François, « receveur de l’émolument du sceau de la chancellerie près le Parlement », se charge de l’éducation de son fils.

Lui veut être ingénieur ! Mais pour cela, il faut aller à Paris, étudier.

Oh là ! Sa mère, Anne Regnauld, dame de la Gautaudière, prend peur. Ah non ! Pas Paris, ses mille dangers, ses lieux de débauche ! Elle finit par céder, pourtant.

Fresneau se retrouve à Paris en 1726. Mathématiques, géographie, cartographie… il est venu pour étudier, il étudie !

Le petit François est doué : son prof de mathématiques dit qu’il a « de l’imagination et une grande disposition pour tout ce qui concerne le génie. »

« Votre fils a mille talents », écrit l’un d’eux à la mère inquiète. Fresneau a alors 25 ans.

Succès en vue !

Il étudie aussi l’astronomie avec Cassini, qui ne tarde pas à le signaler au roi comme étant « en état de faire avec succès, dans les différents lieux où il plairait à Sa Majesté de l’envoyer, des observations géographiques dignes d’être communiquées à l’Académie des sciences. »

Toutefois, c’est Mme d’Ambres, l’épouse du lieutenant général de Haute Guyenne, qui le prend sous son aile : il lui a dressé le plan en relief de sa maison, elle a a-do-ré !

Grâce à elle, il se met en relation avec Maurepas, le ministre de la Marine.

Et son diplôme d’ingénieur en poche, le voilà qui part pour Cayenne : on l’envoie en mission !

Avec pour tâche l’étude et la construction de nouvelles fortifications. Oh, s’il peut aussi collecter de nouveaux végétaux, en passant...

Vogue, vogue, vogue le navire depuis le port de Rochefort ! Le soleil est radieux, le ciel bleu azur.

Pour le jeune Charentais qui a toujours eu le nez et le regard tournés vers l’Atlantique, ça y est, l’aventure l’attend.

La Gataudière

La Gataudière | ©Patrick Despoix / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

À Cayenne, du travail pour des années !

Cayenne, enfin !

La-bas, malgré les épreuves, la chaleur, le manque d’absolument tout, Fresneau invente :

  • en plus de construire fortifications et casernes, comme prévu, il creuse un canal qui coupe l’île en deux, bien pratique pour transporter bois et pierres ;
  • il construit une jetée « qui permet d’aller et venir à pied sec, de descendre toutes marchandises en n’importe quelle saison et à toute heure » ;
  • comme on manque de tout, il trouve le moyen de fabriquer des briques à base de vase et d’eau de mer ;
  • il exploite les marais salants, dessine la toute première carte du fleuve Approuague et de la rivière Mataroni ;
  • il conçoit une machine pour détruire les fourmis rouges qui ravagent les cultures, un moulin à moudre le manioc, à piler le mil, un pressoir pour retirer l’eau du manioc…

Où se cache l'arbre à résine ?

Et bien sûr, il y a la recherche du fameux arbre « à résine élastique. » Sur les traces de son ami La Condamine.

En février 1746, Fresneau évoque, dans une lettre à Maurepas, « la découverte d'un lait d’arbre mixtionné » que les Portugais achetaient déjà aux Indiens.

Fresneau écrit :

« Il croît dans les forêts de la province d’Esmeraldas un arbre appelé par les naturels du pays Hhévé. Il en découle par la seule incision une résine blanche comme du lait ; on la reçoit au pied de l’arbre, sur des feuilles qu’on étend exprès ; on l’expose ensuite au soleil où elle se durcit et se brunit, d’abord extérieurement, et ensuite en dedans. On en fait des flambeaux. Les Indiens Maïnas la nomment caoutchouc ; ils en couvrent des moules de terre de la forme d’une bouteille ; ils cassent le moule quand la résine est durcie ; ces bouteilles sont plus légères que si elles étaient de verre et ne sont point sujettes à se casser. »

Térébenthine et paire de bottes

Retour en France en 1748 ! Derrière lui, la Guyane, cet enfer moite.

François Fresneau revient à Marennes. Il y fait re-construire le château familial de La Gataudière. Puis il y travaille tout son saoul.

Il étudie le caoutchouc : il a rapporté de la résine, dans des bouteilles.

Il a vu ce suc liquide couler de l’arbre, mais se durcir trop vite et devenir inutilisable, en l’état.

Il se rend compte que cette résine peut être mélangée avec de l’huile d’olive, de l’huile de noix ou de l’essence de térébenthine, pour lui rendre sa malléabilité.

Une matière qui sert ensuite d’enduit au bois, au métal, aux étoffes, qui peut être moulée, pliée…

Savez-vous quel a été le premier objet fabriqué par Fresneau ? Une paire de bottes, envoyée à M. de Maurepas !

La suite...

À La Gataudière, Fresneau réfléchit aussi à la suite, en Guyane : la fondation d’une colonie sur les bords de la rivière Approuague, avec « établissement de missionnaires, bâtiments d’administration, magasins, fortifications... »

Tout est prêt, en 1763. Mais son âge avancé ne lui permet pas de partir. Il servira de conseiller, son fils partira à sa place.

L’expédition est un échec… François Fresneau meurt en 1769, confiant dans le fait qu’un jour, son projet de colonisation se réalisera.

Le caoutchouc fera son chemin

Ensuite ? Ensuite, aaah…. L’irrésistible ascension du caoutchouc !

En 1770, l’Anglais Joseph Priestley découvre que le caoutchouc efface les traces d’encre : les premières gommes étaient nées !

En 1783, Jacques Charles fait construire un ballon avec une toile imperméabilisée par un vernis de caoutchouc.

Et en 1842, l’Américain Charles Goodyear stabilise le caoutchouc avec la vulcanisation, pour mieux résister aux écarts de température.

Les mythiques Dunlop et Michelin suivront.

Source

  • Léon La Morinerie. Les origines du caoutchouc. 1893.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !