Diane de Poitiers, plus belle dame de son temps et favorite du roi Henri II de France, meurt à Anet le 25 avril 1566, à 66 ans.
Mais de quoi est-elle morte ?
On vous embarque pour un jeu de piste, qui amène à revenir sur :
- la profanation de son tombeau à la Révolution ;
- sa ré-inhumation dans une fosse commune ;
- la redécouverte de ses ossements en 2008, qui promet bien des surprises… et une réponse !
Le tombeau de Diane à Anet
Saviez-vous que le tombeau de Diane de Poitiers se trouve dans la chapelle funéraire du château d'Anet (28) ?
Le château préféré de la belle, cadeau de son amant, le roi de France Henri II.
Mais c'est qu'elle en impose, la petite chapelle ! Digne de recevoir le dernier repos de la dame.
Car dans son testament, Diane entend être enterrée là, dans une « sépulture de marbre, faite à mes armes et devises. »
C'est Claude Foucques, architecte des princes de Lorraine, qui la fait construire.
À l'époque, on a :
- Le cénotaphe (monument funéraire sans corps) attribué à Pierre Bontemps, composé d'une dalle de marbre noir sur laquelle prie Diane, à genoux, un livre devant elle ;
- Le cercueil de Diane, placé dans un caveau voûté, sur lequel repose le cénotaphe de Bontemps. On descendait dans ce caveau par quelques marches !
1795, la profanation du tombeau de Diane
Des balles et un teint de pêche
Attention, ils débarquent ! Qui ? Les révolutionnaires !
Le tombeau de Diane va se faire profaner.
La scène se passe le 18 juin 1795 : après ouverture du tombeau, un cercueil en plomb apparaît.
Parfait, on va le fondre pour en faire des balles !
On découpe le lourd sarcophage à même les dalles : on distingue alors le visage parfaitement bien conservé de Diane de Poitiers !
Malheureusement, au contact de l’air, sa peau de pêche ne tarde pas à virer au noir...
Pas un, mais trois corps !
Diane de Poitiers ne repose pas toute seule, dans sa gangue de plomb ! On y trouve deux corps d’enfants.
Alors là, autant vous dire que les rumeurs les plus folles se mettent à galoper : voilà les enfants qu’elle a eus avec Henri II, et qu’elle n’a jamais voulu faire reconnaître...
Je vais vous dire qui sont ces deux petits : deux des petits-enfants de Diane !
Fille ou garçon, on ne sait pas bien, au début.
L’un d'eux a, un moment, été identifié comme étant Charles de Lorraine, mort en mai 1568, « son corps rapporté à Anet et mis en sépulture avec feue Mme de Poitiers, sa grand-mère. »
Une analyse récente montre qu'il s'agit en fait de deux fillettes, âgées de 2 et 6 ans !
Un peu de pudeur, non ?
On charge les dames Urbain et Guédrole de déshabiller les trois corps, et de les déposer devant la chapelle.
Sauf que des enfants sortent à ce moment de l’école : tiens, un attroupement devant le château !
Curieux, piaillant comme une couvée de poussins, ils cherchent à voir ce qui se trame.
Les adultes les attrapent au vol : ce n'est pas un spectacle pour les petits...
Les dames, choquées, courent chercher du papier peint dans une maison voisine en démolition, pour y enrouler les corps.
Ils ont là les restes de la noblesse tant haïe, mais tout de même ! Un peu d'humanité ne fait jamais de mal !
Les cheveux de Diane
Ensuite, déposés dans une voiture à bras, les restes prennent la direction de la fosse commune du cimetière.
On dépose la petite famille debout, dans un trou très profond.
Soudain, le corps de Diane échappe à l'un des fossoyeurs, qui pour le rattraper, l’agrippe par les cheveux : cheveux qui lui restent en entier dans la main !
Macabre trophée dont les révolutionnaires se partagent les mèches, l’une plus tard confiée au propriétaire du château d’Anet.
Alexandre Lenoir et le tombeau-abreuvoir !
Intervient alors un homme, Alexandre Lenoir, sans qui on ne pourrait pas admirer aujourd'hui le sarcophage de Diane.
Conservateur de musée, témoin de toutes les profanations et destructions révolutionnaires, il sauve notamment les gisants des rois de la basilique Saint-Denis.
Mais pas que ! On le retrouve ici, à Anet : regardez-le ! Il s'affaire à recueillir les morceaux éparpillés du tombeau de Diane.
Un laboureur de Rouvres, Saillard, achète d'ailleurs le sarcophage de marbre noir... pour « en faire une auge pour faire boire ses chevaux » !
2008, la redécouverte du squelette
En 2008, des scientifiques retrouvent la fosse de 1795 dans le cimetière paroissial d'Anet, exhument et identifient... un corps d'adulte et deux d’enfants !
Aaaahh, ça commence bien, non ?
Philippe Charlier, médecin légiste (mais surtout paléopathologiste fana d’histoire), les étudie.
L’analyse des restes, avant de livrer la cause de sa mort, va nous donner quelques détails intimes, sur la condition physique de Diane !
La favorite souffre :
• de perte de dents. Le chirurgien Ambroise Paré lui aurait confectionné des prothèses ;
• de lésions d’arthrose un peu partout sur le corps (les grands sportifs comme Diane souffrent parfois d'arthrose) ;
• de lésions au conduit auditif, signes d'otites (Diane, grand sportive, plongeait régulièrement dans les eaux fraîches des ruisseaux voisins du château d'Anet) ;
• d'une fracture à la jambe droite, accident arrivé quelques mois avant la mort de Diane. Brantôme raconte :
« Je la vis 6 mois avant sa mort, si belle encore, quoique quelques temps auparavant elle se fut rompu une jambe sur le pavé d’Orléans. Mais le cheval tomba et glissa sous elle. »
2008, la cause de la mort de Diane de Poitiers enfin dévoilée !
De l'or en quantité astronomique
L'analyse des os commence.
Surprise ! La concentration d’or y est 500 fois plus élevée que la moyenne ! Pourquoi ?
À cause de l’obsession de Diane de rester jeune : madame buvait chaque jour une boisson d’or potable.
Une mixture à l’origine de son teint très pâle, dit Brantôme dans ses Vies des dames galantes :
« J’ai vu madame la duchesse de Valentinois, à l’âge de 70 ans, aussi belle de face, aussi fraîche et aussi aimable comme en l’âge de 30 ans. (...) Elle avait une très grande blancheur, et sans se farder aucunement, mais on dit bien que tous les matins elle usait de quelques bouillons composés d’or potable et autres drogues que je ne sais pas comme les bons médecins et subtils apothicaires. »
Vous voulez la recette de cet « or potable », élixir de jeunesse datant de l’Antiquité, bien connu à la Renaissance ?
De l’or dissous dans de « l’eau royale », mélange d’acide chlorhydrique et nitrique, dilué dans de l’eau-de-vie !
Oui, je sais. On se dit que rien n'a vraiment changé, non ? La jeunesse à tout prix, la beauté éternelle...
Beauté fatale
Du coup, vous vous en doutez, la consommation d’or a été fatale à Diane, son ingestion conduisant à :
- une anémie (d’où la pâleur de sa peau, malgré des heures passées à monter à cheval à l'extérieur) ;
- des vomissements ;
- des cheveux très fins et fragiles ;
- des problèmes osseux et dentaires, alors qu’elle est sportive…
- la mort, enfin. Par intoxication chronique, comme on dit !
Conclusion
Après sa profanation en 1795, le sarcophage se retrouve en 1830 dans le parc du château de Neuilly, puis à Versailles.
Enfin, en 2010, c'est LE retour dans la chapelle du château d'Anet, où Diane se fait inhumer en grande pompe.
Plus de 450 ans après sa disparition, après moult péripéties autour de son tombeau et ses restes, Diane de Poitiers, la belle qui ne voulait pas vieillir, peut enfin reposer en paix...
Sources
- Pierre Désiré Roussel. Histoire et description du château d'Anet. 1875.
- Coralie Hancok. Diane de Poitiers : un cas d’homicide insoupçonné. Article en ligne du magazine Science et Vie, 7/06/2015.
- Article de l'encyclopédie en ligne Wikipedia Or potable.