Gastronomie et arts de la table à la cour de Francois Ier
Et aussi
Les tops
Quand : 1519 - 1547
Introduction
Que de changements, sur la table et la cuisine de la Renaissance, sans toutefois totalement être en rupture avec celle du Moyen Age !
- Moins de viande ;
- plus de légumes, réhabilités, longtemps méprisés et réservés au monde paysan ;
- le boom incroyable du sucre, saupoudré sur tous les plats ;
- des épices encore bien présentes...
Les céréales
Au cours du XVIe siècle, les céréales font peau neuve !
L'orge, entre jus et infusion
L’orge est utilisé torréfié, pour épaissir les jus de viande.
Pilé, il entre dans la composition d’une boisson qui fait fureur à la cour, une sorte d’infusion servie fraîche.
« Appréciée des grandes dames lors des chaleurs de l’été, on y ajoute du sucre et de l’amande pilée. »
L'avoine devient boisson !
L’avoine entre dans la composition d’une boisson, l’avenatum, appréciée « sur les tables les plus élégantes. »
Elle se compose de « lait de vache, de chèvre ou d’amandes douces, ainsi que du sucre. »

Culture de l'orge et de l'avoine, fabrication du pain (Gravure de 1517) | ©Public domain
Les légumes
Les légumes, jusque-là un peu mis de côté, reviennent en force. On les a longtemps associés au monde paysan, que voulez-vous… pas assez nobles !
De nouvelles variétés, jusque-là non cultivées en France, apparaissent : artichauts, salsifis, fenouils, scaroles et laitues, radis noirs, cresson...
Et alors qu'au Moyen Age, les légumes secs tels que pois et fèves sont monnaie courante, on les délaisse peu à peu.
On sait que des jardiniers italiens ont été engagés dans les châteaux de la Loire, au XVIe siècle.
Celui de François Ier à Blois s'appelle Jérôme de Naples.
Ce roi se fait d'ailleurs servir en 1537, pendant un séjour à Meudon, des asperges et des artichauts, fraîchement récoltés à Blois !

Nature morte avec artichauts (O. Beert, 1605) | ©Rijksmuseum / CC0
Les viandes
Elle reste une pratique héritée du Moyen Age : on la trouve donc en abondance sur la table de la Renaissance.
Gibier et volailles sont les plus prisés. Mais on consomme aussi faisans, cygnes, hérons, grues…
Et la viande maigre ? Je veux parler des escargots et des grenouilles, si viande il s’agit !
On mange les premiers dans des pâtés en croûte, un comble du raffinement. Les deuxièmes sont dégustées entières (oubliez la tête), avec du poivre.

Nature morte (O. Beert, 1620) | ©Rijksmuseum / CC0
Le beurre (une histoire de sauce)
Le beurre s'impose à partir de la Renaissance. Combiné au sucre, il contrebalance l'acidité des sauces médiévales, que l'on mange encore au XVIe siècle.
Ces sauces sont à base de citron ou orange amère, vinaigre, verjus (jus de raisins verts),
En guise de liant, ne comptez pas sur la farine ou la crème : la mie de pain, des amandes pilées, des foies de volaille ou des jaunes d’œufs font l'affaire !
Le beurre, jusqu'alors considéré comme rustique, vient au XVIe siècle petit à petit lier et adoucir ces sauces.
Mais là aussi, ce n’est pas une rupture totale avec la période médiévale : le goût pour l’acidité, notamment le verjus, est encore bien présent !

Scène de cuisine (J. Matham, 1603) | ©Metropolitan Museum of Art / CC0
Les épices
Autres éléments hérités du Moyen Age, les épices !
Rares et coûteuses, elles connaissent leur âge d’or à la Renaissance. Elles sont utilisées dans trois recettes sur quatre, en quantité impressionnante, indique Eric Birlouez !
L’épice la plus consommée, dans la première moitié du XVIe siècle ? Le gingembre.
Les recettes du Livre de cuisyne (1540) voit le gingembre venir en tête (35 % des recettes).
La cannelle représente 21 % des recettes, le clou de girofle 20 %, le safran 17 %, indique La table de la Renaissance : le mythe italien.
Le girofle et la muscade, l’anis, le galanga (proche du gingembre) et le poivre long viennent ensuite.

Festin d'apparat avec service du paon (Gravure de 1517) | ©Public domain
Le sucre
Chez les puissants, la consommation de sucre de canne augmente à vitesse grand V.
Jusque-là très rare et extrêmement coûteux, en Europe, c’est un produit réservé aux malades, jusqu'à ce que la production croisse.
François Ier est accro ; il en fait mettre absolument... partout, en grande quantité !
Le sucre apparaît dans 40 % des recettes du Petit traité auquel verrez la manière de faire cuisine (1538) : 18 % des recettes du plus célèbre livre de cuisine médiévale, le Viandier, incorporait du sucre !
Dès le début du XVIe siècle, le sucre entre dans la préparation de nombreux plats, tels que la « soupe aux aulx » ou l'« esturgeon rôti », que l'on voit décrit dans le Livre fort excellent de cuisine (1542).
Un tiers des recettes citées dans cet opus sont sucrées, rapporte Patrick Rambourg.
Les desserts
Qui dit sucre, dit desserts ! On voit se développer nougats, massepains, écorces de fruits confits, pâtes de fruits, confitures. Sous ce nom, on désigne tous les aliments cuits avec du sucre ou du miel.
Tartes et tourtes font fureur, notamment la tarte au massepain, composée d’amandes pilées et aromatisée à l’eau de rose. Il fallait la retirer du four à moitié cuite, afin de la glacer avec du sucre et des blancs d’œufs, et finir la cuisson.
Héritage du Moyen Age, les beignets continuent de régaler : le XVIe siècle voit le sacre des beignets amers, les venteux, que l’on déguste « au riz, aux pommes, au caillé, aux amandes, aux figues, à la sauge, à la feuille de laurier, à la fleur de sureau. »
Autre héritage médiéval, les gaufres : François Ier les adore ! Il en confectionne lui-même.

Gaufres | ©Coco Zinva / Pixabay
Des recettes régionales !
Même si aucuns livres de recettes de la Renaissance n’est parvenu jusqu’à nous, des livres de cuisine comme le Livre fort excellent de cuisine évoquent de nombreux plats, liés à des régions françaises :
- calamars de Saintonge cuits dans leur encre avec beurre, verjus et épices ;
- daurades du Languedoc, salées, frites, servies avec une sauce au vin ;
- palombes rôties avec son jus de grenade ;
- morue bouillie à la sauce d’aillée...

Der Weisskunig (Le Roi Blanc, 16e s) | ©Metropolitan Museum of Art / CC0
Mettre... la table !
Dans les demeures de la Renaissance, il n’y a pas de salle dédiée aux repas !
La cour de François Ier est itinérante : on se déplace de château en château, apportant avec soi tous les meubles nécessaires pour aménager les lieux.
Dans ce contexte, la table se résume à une simple planche posée sur des tréteaux : d’où l’expression « mettre la table » ou « dresser la table » !
C’est en général la plus grande pièce du château qui est choisie, pour banquets et autres repas.
L'assiette fait son apparition
Jusque-là, au Moyen Age, on se servait de tranchoirs : une tranche de pain à mie assez dense, sur laquelle le seigneur disposait des aliments présentés dans des plats, devant lui.
Tranchoir disposé sur un tailloir, une plaque de métal.
Les assiettes sont d’ailleurs d'abord en métal, avant d'être remplacées par des majoliques, de la faïence italienne, qui s'impose bientôt à la cour et chez les grands seigneurs.

Plat en majolique de Faenza, 1530 | ©Metropolitan Museum of Art / CC0
La vaisselle
La vaisselle telle qu'on la connaît aujourd'hui prend son origine sur la table de la Renaissance.
Le mot nous vient de la nef, le vaisseau (= vaisselle) : un objet d'apparat en orfèvrerie, en forme de navire, dans lequel se trouve le nécessaire du roi.
Il comporte généralement les couverts, des épices ou des cure-dents.

Nef dite de Charles Quint (1580) | ©Patrick - Morio60 / Flickr / CC-BY-SA
Le service
À la Renaissance, le service à la française prime, lors des festins : il consiste en une succession de services ; à chaque service, les plats sont servis en même temps, sur la table.
Un repas Renaissance comprend jusqu'à 6 services.
- Fruits frais en début de repas, mais aussi diverses choses comme salades, charcuteries et abats ;
- les potages (mets cuits dans des pots, comme des légumes en sauce et de la viande bouillie), les rôts (viandes rôties, poissons), qui eux-mêmes comprennent plusieurs services ;
- la « desserte », ancêtre de nos desserts ;
- le « boute-hors », où l'on sert du vin et des épices enrobées de sucre aux invités, dans une autre pièce que celle du repas.

Le Fils prodigue (1532) | ©Metropolitan Museum of Art / CC0
Les bonnes manières
Un traité italien de bonnes manières, Le Courtisan (Il Cortegiano), écrit par un certain Baldassare Castiglione en 1528, fait fureur à la Cour de France.
Le philosophe Érasme lui-même publie, en 1536, De civilitate morum puerilium, un livre de bonnes manières destiné à l’éducation des enfants.
Pour faire de futur gentilshommes et dames parfaitement distingués...
Voici un petit extrait !
« Ne t’assois pas sans t’être lavé les mains. […] Poser un coude sur la table n'est excusable que pour un vieillard ou un malade. […] Il est discourtois de lécher ses doigts graisseux ou de les nettoyer à l’aide de sa veste. Il vaut mieux se servir de la nappe ou de la serviette. »
Sources
- Eric Birlouez. Festins princiers de la Renaissance : l'amorce d'une Renaissance des goûts.
- Annick Poussart. À table ! Le repas français se raconte. Pointe-à-Callière, 2019.
- Patrick Rambourg. Histoire de la cuisine et de la gastronomie françaises. Perrin, 2013.
- La table de la Renaissance : le mythe italien. Presses universitaires François-Rabelais, 2018.
- Florent Quellier. La table des Français : une histoire culturelle (XVe-début XIXe siècle). Presses universitaires François-Rabelais, 2022.
- Le Moyen Age et la Renaissance : histoire et description des mœurs et usages (tome 1). 1848.
- Collectif. France de la Renaissance. Guides Gallimard, 1999.