Retour sur ces 4 mois de siège épiques, bourrés de petites histoires dans la grande !
La situation
L’édit de Nantes, signé en 1598, ramène la paix dans le royaume de France après quasiment 4 décennies de guerres de Religion.
Droits politiques, religieux… les protestants ont enfin la paix.
Mais il existe des états dans l’État... des villes, des bastions entièrement protestants, de vraies capitales, que l’on voit comme une menace.
À l’image de La Rochelle : qui non contente d’abriter des protestants, reçoit l’aide financière des Anglais !
Vous voyez le problème ?
Les Anglais de Buckingham
Le 12 juillet 1627, une flotte anglaise de 100 navires et 6000 à 8000 hommes arrivent en face de l’île de Ré.
Sous leur commandement, un homme, vous le connaissez. Le duc de Buckingham !
Aaah, le fringant duc, Georges Villiers, que les Français de l’époque appellent Bouquiquant (avec l’accent)…
Dumas en a fait l’amant transi de la reine Anne d’Autriche !
Le but des Anglais ? Débarquer sur la plage de la pointe de Sablanceaux, au bout à l’est de l’île de Ré, pour mieux approcher La Rochelle.
Et avec ça prendre la cité fortifiée de Saint-Martin-de-Ré.
Toiras, gouverneur de l'île
C’est un certain Jean de Toiras, qui commande la place-forte de Saint-Martin-de-Ré, en tant que gouverneur de l‘île.
Bien que protestant, il est du côté du roi, qu’il soutient dans sa lutte.
Page puis gentilhomme de la maison d’Henri IV, Louis XIII le nomme capitaine des Gardes du Roi.
Il est de toutes les batailles des rébellions huguenotes : Saumur, Montauban, Montpellier...
Là, les Anglais vont assiéger Saint-Martin. Toiras les attend, avec ses 1400 soldats !
Français contre Anglais sur la plage
Les Anglais débarquent (sans mauvais jeu de mot) le 22 juillet 1627.
À l’époque, l’endroit s’appelle Saint-Blanceau, aujourd’hui Sablanceaux, sur la commune de Rivedoux, juste à l’entrée du pont qui mène à l'île.
Toiras, qui attendait de pied ferme, déboule avec ses hommes.
Le premier affrontement a lieu. Brutal, très violent. L’ennemi ne s’y attend pas du tout !
Ils se font refouler vers la mer, de l’eau jusqu’aux genoux ! Toiras a perdu 500 hommes, plus encore chez l’ennemi !
Cependant, les Anglais sont trop nombreux, il faut battre en retraite.
C’est là qu’un certain Celse-Bénigne de Rabutin perd la vie, le corps troué par 27 blessures… le père de Marie de Rabutin… future Mme de Sévigné !
Derrière les remparts de Saint-Martin
Toiras s’enferme dans la citadelle de Saint-Martin.
Pendant ce temps, les Anglais, qui ont eu peur d’une nouvelle attaque éclair, sont restés retranchés près du bord de mer, quatre jours.
Ce qui laisse tout le temps à Toiras de renforcer et réparer les remparts de Saint-Martin, dont la principale entrée n’est pas encore fermée.
On manque de tout : il fait entrer 15 000 boulets, de la poudre, des canons, des armes, sans toutefois penser au principal : des vivres.
Le siège, qui durera près de 4 mois, commence le 27 juillet…
Des bouches à nourrir !
Les premières attaques anglaises sont brutalement repoussées.
Entre autres, Buckingham tente d’assiéger la place, mais leurs échelles sont trop courtes pour grimper aux murailles, rapporte Jean-Christian Petitfils dans sa biographie sur Louis XIII !
Voyant que le siège n’avance pas d’un poil de barbiche, les Anglais se décident à affamer les assiégés.
Ils rassemblent les familles des ouvriers de la citadelle, chargés de réparer les fortifications, et les mènent sur la ligne de front, les exposant aux tirs.
Ils ne les nourrissent pas, ne leur permettant pas non plus de regagner leur domicile !
Ainsi, les assiégés sont obligés de les récupérer à l’intérieur de Saint-Martin, avec eux. Des bouches en plus à nourrir !
Des nageurs, pour la bonne cause !
Se pose alors le problème des vivres, à Saint-Martin : on en manque dès octobre.
Toiras écrit un billet pour demander de l’aide, à La Rochelle. Mais impossible de le transmettre…
Trois soldats gascons se dévouent pour porter le message enfermé dans de la cire, jusqu’à la terre ferme, à la nage.
L’un se noie. L’autre, trop épuisé, finit par se faire faire prisonnier par l’ennemi.
Un seul d’entre eux, Pierre Lanier, réussit à gagner le rivage, à moitié mort.
Malgré la violence des vagues, les poissons qui lui bectent les mollets, les tirs des mousquets, la chaloupe qui le poursuit et qu’il évite en plongeant plusieurs fois !
Pendant ce temps, Toiras pense à capituler, voyant que tout essai de ravitaillement échoue. Si l’on n’avait rien eu le 8...
Renforts et nourriture en vue !
Courage, Toiras ! Le vent tourne bientôt. Le 7 octobre, 35 barques arrivent en vue depuis les Sables-d’Olonne, au cri de « passer ou mourir ».
Buckingham a distribué sa flotte autour de l’île de Ré, mais a oublié de bloquer les Sables et toutes les embouchures des rivières voisines !
Damned ! Portées par de puissants coups de vent, les barques foncent, malgré l’Anglais qui les cerne ! Elles passent finalement les lignes ennemies.
Des tonneaux de farine, de viandes séchées, de médicaments et de munitions parviennent jusqu’à Saint-Martin-de-Ré. 6000 hommes en renfort aussi ! On peut encore tenir six semaines !
Le 6 novembre, Buckingham reçoit lui aussi des renforts, tout autant que les Français.
Allez... il tente un nouveau siège de la citadelle rétaise. En vain.
Les Français ont résisté jusqu’au bout. Buckingham doit se replier...
La suite ?
Cet échec pousse les Anglais à se replier sur le village de Loix, où se trouvent leurs navires : c’est la bataille du pont du Feneau, une victoire française, one more time.
Les Anglais ont perdu 5000 hommes au siège de Saint-Martin, 2000 à la bataille de Loix.
Une honte, un échec cuisant...
Le politique et écrivain britannique Denzil Holles écrira :
The disorder and confusion was so great, the truth is, no man can tell what was done. This only every man knows, that since England was England it received not so dishonourable a blow. (Memoirs of the Reign of King Charles the First).
« Le désordre et la confusion était si grande, la vérité étant que nul ne sut ce qu’il se passait. Mais jamais l’Angleterre n’avait reçu un aussi grand déshonneur. »
Et Buckingham, tiens ? Le duc file outre Manche, promettant aux Rochelais son retour prochain.
Il n’en aura jamais l’occasion : il se fait assassiner à Portsmouth, le 23 août 1628.
Quant aux Rochelais, ils se soulèvent contre le roi Louis XIII. Celui-ci, aux côtés du cardinal de Richelieu lancera, le 10 septembre 1627, le siège de La Rochelle.
Interminable, avec une terrible famine, encore une fois...
Sources
- Ministère des travaux publics. Ports maritimes de la France. 1874.
- Aubert. Le littoral de la France. 1885.
- Roux de Rochelle. Histoire du régiment de Champagne. 1839.
- Henri Martin. Histoire de France. 1878.