Le passage des deux charcutiers !
Paris ou Le livre des cent-et-un le dit bien : c’est « un passage construit à coups de cervelas et de saucissons » !
Pourquoi ? Les deux fondateurs du passage, en 1826, s'appellent Véro et Dodat... charcutiers de métier !
Le premier vend boudins et pâtés de tête rue Montesquieu, en face du futur passage, l’autre officie rue du Faubourg-Saint-Denis.
Et la charcuterie, ça rapporte. Car nos deux amis, devenus très riches, décident de faire construire ce joli passage, dans un lieu très fréquenté.
Dès sa création, on a là l'un des plus beaux endroits de la capitale : des glaces partout pour les dames qui veulent se repoudrer le nez, l’éclairage au gaz (grande nouveauté à l’époque) qui nimbe la galerie d’une douce lumière, le pavage en marbre, les peintures…
Les timbales de M. Bontoux
Les boutiques s’installent dès la création de la galerie, en 1826.
Elles proposent café, bottier, chapelier, parfumeur, coiffeur... et un traiteur, M. Bontoux.
Le tout Paris vient goûter ses « timbales » : des préparations à base de viande ou de poissons, cuites dans une croûte de pâte.
J’ai lu dans le chouette livre Le nouveau guide des passages de Paris (P. de Moncan, éditions du Mécène, 2011) que la jolie vendeuse du traiteur attire tous les gus...
La belle brune du cabinet de lecture
Quid de la dame « du comptoir de cabinet de lecture, au n° 7 » ?
Une superbe brune aux yeux sombres et à la peau cuivrée... qui essaie de travailler, assise derrière son comptoir, à moitié cachée derrière un fin rideau de soie, dit Paris-Album historique et monumental de Lespès.
« Essaie », parce que dévorée du regard par une meute de types, la bave aux lèvres...
Le graveur Aubert (et les poches des curieux)
Et le marchand de gravures Aubert ?
Il se trouvait à l’entrée du passage. Sa spécialité : les caricatures, qui paraissaient dans un des journaux les plus lus à l'époque, le Charivari.
Paris et ses monuments anciens et modernes (vol. 3, J. Lacroix de Marles) dit que ces dessins attirent un monde dingue.
Gaffe aux pickpockets !
« Il y a toujours double et triple haie de curieux devant la boutique, et il n’est pas rare que parmi ces curieux, il s’en trouve qui prennent pour leurs poches celles de leurs voisins. »
Les diligences Laffitte et Caillard
Imaginez une foule dense, grouillante, froufroutante et murmurante, aux abords du passage Véro-Dodat !
Qui vient acheter un petit souvenir, attendre la diligence qui va les emmener loin, loin...
Oui, le passage bénéficie du voisinage des messageries Laffitte et Caillard, avec ses voitures qui emmènent les voyageurs aux quatre coins de la France, voire en Belgique et en Hollande !
Une sacrée manne de clients...
Le Monde illustré du 26-02-1899 dit :
« Il fallait voir, quel formidable grouillement c'était, quand approchaient six heures du soir, moment où se mettaient en route, dans toutes les directions, les lourdes voitures jaunes. Une des curiosités du spectacle, c'étaient les bandes de retardataires qui, essoufflés, la valise à la main, se précipitaient avec des démonstrations éperdues. Rien que pour jouir de ce spectacle-là, les badauds avaient pris l'habitude d'aller chaque soir flâner dans le passage Véro-Dodat. N'est-ce pas toujours une attrayante récréation que de savourer les angoisses ridicules d'un de ses semblables ! »
La caverne de Robert Capia
Entre 1966 et 2004 (date de fermeture de sa boutique), le célèbre antiquaire Robert Capia cache sa caverne au trésor, au n° 24.
Elle a la particularité d'avoir conservé son règlement intérieur intact, depuis Charles X : « Ni chien, ni phonographe, ni perroquet » !