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Saint-Sulpice et les peintures de Delacroix

Quand : 1855 - 1861

Eugène Delacroix (Pierre Petit, 1850-60) | ©The Metropolitan Museum of Art / Public domain
Église paroissiale Eugène Delacroix Église Saint-Sulpice de Paris

Nous voilà dans la chapelle des Saints-Anges de l’église Saint-Sulpice, à la découverte des peintures de Delacroix !

Il s’agit du « testament religieux » du peintre, selon Barrès. Sa dernière œuvre, achevée deux ans avant sa mort, en 1863...

Peintures... à la cire

Commandées en 1849 par la ville de Paris, les peintures ne sont vraiment commencées par Eugène Delacroix qu'en 1855, achevées en juillet 1861, deux ans avant sa mort.

Le panneau explicatif de l’église nous apprend qu’il commence par des esquisses à l’encre, puis travaille directement sur les murs (sauf pour le plafond, qui est de la toile marouflée).

Fait étonnant, ce ne sont pas des fresques, mais des peintures à l’encaustique !

Les couleurs, mélangées à de la cire fondue, sont appliquées sur une surface enduite comme une toile.

C’est ainsi que Delacroix obtient, par endroit, une superposition de 15 couches de peinture !

La lutte de Jacob avec l'ange

La lutte de Jacob avec l'ange | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Zoom sur les peintures

Mais que représentent ces peintures ? On a :

  • saint Michel, au plafond ;
  • Héliodore chassé du temple ;
  • la lutte de Jacob avec l’ange.

La lutte de Jacob avec l’ange

La composition de nature morte au premier plan de cette scène a parait-il, nous dit le panneau explicatif de l’église, pris 20 minutes à Delacroix !

La scène a notamment inspiré Paul Gauguin et Marc Chagall.

Mais de quoi parle cette peinture ? Il s’agit d’un épisode de la Bible mettant en scène Jacob, fils d’Isaac, petit-fils d’Abraham.

Voilà comment Delacroix décrit l’histoire, dans son Journal :

« Jacob accompagne les troupeaux et autres présents à l’aide desquels il espère fléchir la colère de son frère Ésau. Un étranger se présente qui arrête ses pas et engage avec lui une lutte opiniâtre, laquelle ne se termine qu’au moment où Jacob, touché au nerf de la cuisse par son adversaire, se trouve réduit à l’impuissance. Cette lutte est regardée par les Livres saints comme un emblème des épreuves que Dieu envoie quelquefois à ses élus. »
Héliodore, détail : signature de Delacroix

Héliodore, détail : signature de Delacroix | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Héliodore chassé du temple

Regardez de plus près ce détail ! On voit sur cette peinture la date de réalisation, ainsi que la signature de Delacroix !

Mais alors, Héliodore d'Antioche, qui es-tu ? Ministre du roi de Syrie Séleucos IV, il a été chargé de saccager le temple de Jérusalem et d’en prendre le trésor.

La scène représente Héliodore, surpris par l’apparition d’un cavalier qui surgit armé, pour se jeter sur lui.

Là encore, Delacroix commente :

« S’étant présenté avec ses gardes pour en enlever les trésors, il est tout à coup renversé par un cavalier mystérieux, en même temps, deux envoyés célestes se précipitent sur lui et le battent de verges avec furie, jusqu’à ce qu’il soit rejeté hors de l’enceinte sacrée. »
La lutte de Jacob avec l'ange

La lutte de Jacob avec l'ange | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Les tourments de Delacroix !

À Saint-Sulpice, Delacroix aime travailler à ses peintures le dimanche, surtout quand résonne la musique, pendant la messe.

En août 1855, il écrit :

« Ce matin, travaillé beaucoup à l’église, inspiré par la musique et les chants. Cette musique me met dans un état d’exaltation favorable à la peinture... »

Pourtant, on le voit à la peine, sur cette œuvre.

Le 1er janvier 1861, soit 6 mois avant de finir son travail, Delacroix écrit :

« J’ai commencé cette année en poursuivant mon travail de l’église comme à l’ordinaire. Heureuse vie ! Compensation céleste de mon isolement prétendu. La peinture me harcèle et me tourmente de mille manières. Ce qui me paraissait de loin facile à surmonter me présente d’horribles et incessantes difficultés. Mais d’où vient que ce combat éternel au lieu de m’abattre me relève, au lieu de me décourager me console et remplit mes moments, quand je l’ai quitté ? Heureuse compensation de ce que les belles années ont emporté avec elles. Noble emploi des instants de la vieillesse qui m’assiège déjà de mille côtés, mais qui me laisse pourtant encore la force de surmonter les douleurs du corps et les peines de l’âme. »
Héliodore

Héliodore | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Plus près de Saint-Sulpice !

Saviez-vous qu'Eugène Delacroix emménage au numéro 6 de la rue de Furstemberg, en 1857, pour être plus près de son chantier de l’église Saint-Sulpice ?

Il quittait son lointain atelier de la rue Notre-Dame-de-Lorette.

C’est dans cette rue Furstemberg qu’il vivra jusqu’à sa mort en 1863 : il s’agit de l’actuel musée national Eugène Delacroix !

Détail des bords des peintures

Détail des bords des peintures | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Une inauguration en demi-teinte

Ça y est ! Après 6 ans de labeur, Delacroix vient d'achever son travail à Saint-Sulpice.

Vient le moment de l’inauguration de la chapelle des Saints-Anges, le 29 juin 1861.

Le peintre envoie une invitation :

« M. Delacroix vous prie de vouloir bien lui faire l’honneur de visiter les travaux qu’il vient de terminer dans la chapelle des Saints Anges à Saint-Sulpice. Ces travaux seront visibles au moyen de cette lettre depuis le mercredi 24 juin jusqu’au 3 août inclusivement, de 1 à 5 heures de l’après-midi. Première chapelle à droite en entrant par le grand portail. »

Mais hormis les amis de Delacroix (Baudelaire, Gautier entre autres), qui saisissent immédiatement la beauté de sa peinture, aucun officiel ne prend la peine de se déplacer, nous dit Pour comprendre Delacroix (Yves Sjöberg, 1963).

Douche froide pour l’artiste ! Il écrira, amer, le 1er septembre suivant :

« Je n’ai eu la visite ni du ministre, ni du préfet, ni de personne de la cour et des personnes qualifiées, malgré mes invitations. »

Source

  • Journal d’Eugène Delacroix.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !