L'église
C'est une église romane, flanquée de son fin clocher isolé, à quelques pas d'elle.
Le Guide de la Corse mystérieuse précise que le clocher devait être autrefois beaucoup plus haut : 7 étages et près de 30 m de hauteur !
La tradition attribue ce campanile à maître Maternato, connu en Corse pour avoir construit le pont de Rizzanèse à Zonza et le pont de Forciolo, comme le dit un vieux proverbe du coin...
L'église offre une apparence très rustique : une nef unique, des meurtrières dans les murs, une simple charpente.
À l’extérieur, entre l'église et le clocher, on trouve même les traces de l'ancienne église de San Quilico... Ouvrez l’œil !
La secte des Giovannali
Des illuminés ?
Ne vous fiez pas à l'eau qui dort : l'église de Carbini a autrefois servi de Q.G. à une secte d'illuminés, les Giovannali !
Enfin, c'est à l'époque qu'on les traitait de secte et d'hérétiques.
Juste parce qu'ils réinterprétaient les Écritures à leur sauce !
Mais que voulez vous : cela suffisait pour rendre l’Église furieuse.
Les Giovannali ont vu le jour en 1365 grâce aux frères Paul et Henri (Polo et Arrigo), seigneurs de Tallano (ancienne Attala).
Mérimée raconte dans son Voyage en Corse : bientôt rejointe par d'autres seigneurs, la secte des deux frères gagne tous les jours de nouveaux membres.
Bazar ambiant à Carbini
Elle se réunit dans cette église Saint-Jean (san Giovanni) qui lui avait peut-être donné son nom, à moins que ce ne soit parce qu'elle ne reconnaissait pour vrai que l'évangile de Saint-Jean.
Je ne vous raconte pas le bazar qui règne alors dans la petite église !
Les Giovannali devaient tout partager, leurs biens, leurs femmes, leurs enfants, même.
On dit qu'ils faisaient des sacrifices et se livraient à des actes de pénitence particulièrement impressionnants !
Pire : dès la nuit tombée, ils se réunissaient et s'adonnaient à des orgies dantesques !
Bain de sang
Alors, le pape, furieux, envoie des soldats avec un émissaire, histoire de les calmer.
Cela marche plutôt bien : les Giovannali ne peuvent plus mettre un nez dehors, sans subir de persécutions.
À tel point qu'une expression est née de la situation : « être traité comme les Giovannali » !
Tout s'achève dans un bain de sang, 40 ans après la fondation du mouvement.
Et puisqu'il n'y avait plus aucun Giovannali vivant, la petite cité de Carbini se retrouve dépeuplée.
Mérimée dit que l'on y a envoyé des familles originaires de Sartène...
Source
- Gaston d'Angélis, Don Giorgi. Guide de la Corse mystérieuse. Éditions Tchou, 1968.