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Saint-Bruno de Bordeaux : miasmes et trompe-l'oeil

Quand : 1583 - 1896

L'intérieur | GO69 / CC-BY-SA
Épidémie Église paroissiale Église Saint-Bruno de Bordeaux

Une belle chartreuse

Mon royaume pour une chartreuse !

Un couvent de Chartreux existe déjà depuis 1583, à Bordeaux.

Mais devenu trop petit, il faut se décider à l'agrandir. Ça tombe bien !

Frère Amboise, plus connu sous le nom de Blaise de Gasc, a légué tout son argent au couvent, avant de mourir, pour qu'un monastère et une église dédiée à saint Bruno soient construits.

Il faut un terrain, pour cela !

Le cardinal François d'Escoubleau de Sourdis, archevêque de Bordeaux depuis 1599, va donner les terrains dont on a besoin, pour cette fondation.

Marais boueux et fièvres mortelles

Mieux que ça, il va réaliser des travaux d'aménagement sans précédent dans la ville : l'assèchement complet des marais qui se trouvent dans cette partie de la ville.

Oui, Bordeaux, c'est l'ancienne Burdigala, littéralement... « marais boueux »... cela ne s'invente pas !

Une bonne chose, remarquez, car l'eau stagnante provoque alors des maladies mortelles et des épidémies terribles de fièvre...

Un chroniqueur de l'époque parle des « vapeurs épaisses » des marais, des « abîmes d'eaux qui ne laissaient passer ni à pied, ni à cheval »...

Vous voyez un peu le tableau !

Marie de Médicis enchantée

Mais ces travaux coûtent horriblement cher, la ville ne peut pas les prendre en charge.

Sourdis prend donc en charge tous les frais !

D’ailleurs, on raconte que lorsque Marie de Médicis rend visite au cardinal, celui-ci avoue qu'il a déjà dépensé 100 000 livres, au moins !

Elle lui répond qu'il va finir par se ruiner, avec ces longs travaux, et qu'il ne récoltera rien en échange...

Il lui dit que, au moins, il aura eu la consolation d'avoir recherché la gloire de Dieu et l'utilité publique !

Saint-Bruno

Saint-Bruno | ©GO69 / CC-BY-SA

Creuser, planter, assécher

Une fois les plans dressés en 1606, le prince de Condé Henri II, de passage dans la ville, pose la première pierre de la chartreuse, en juin 1611.

Le chantier dure 10 ans : 20 hectares de marais asséchés, 6 000 mètres de canaux creusés, 30 hectares de terrains incultes transformés en vignes...

Les moines construisent une église, un cloître avec leurs cellules autour, un monastère et de grands bâtiments conventuels ; ils aménagent de beaux jardins, des prairies, de grandes allées bordées d'arbres...

Le tout dédié à la Vierge, comme l'indiquait une inscription gravée à l'entrée de la chartreuse.

Bref, le résultat est grandiose : on compose même des poèmes à la gloire de Sourdis, de son chef-d'œuvre et de ses travaux colossaux !

L'église baroque

Les fresques trompe-l’œil

Quid de l'église ? Hé bien, le cardinal de Sourdis la consacre en 1620.

Entrons à l'intérieur : on remarque immédiatement la fresque en trompe-l’œil de la voûte, peinte entre 1767 et 1772 par le peintre italien Giovanni Antonio Berinzago, assisté d'un certain Gonzales.

Berinzago a été professeur de géométrie et de perspective à l’Académie de peinture de Bordeaux, jusqu'à la Révolution...

Une fresque toute en perspective, de style baroque : baroque, comme le marbre, les dorures qui décorent l'église...

Les fresques

Les fresques | ©GO69 / CC-BY-SA

Le buste du cardinal

Faisons un rapide inventaire des objets d'art ! Au niveau du maître-autel, deux effigies en marbre du Bernin, qui représentent l'Annonciation : à droite la Vierge, à gauche l'ange Gabriel agenouillé.

Ensuite, le tombeau en pierre de Taillebourg de Marie-Charlotte d'Avaray, épouse du marquis de Sourdis Charles d'Escoubleau (neveu du cardinal), mort en 1691.

Le cardinal de Sourdis a lui aussi été inhumé à Saint-Bruno...

Ah, je n'oublie pas le buste du cardinal par Le Bernin, qui se trouvait dans notre église, déposé depuis au musée d'Aquitaine de Bordeaux !

Revoilà les miasmes

Voilà pour ces œuvres d'art. Ensuite...

Pendant la Fronde, tout va mal : on oublie de s'occuper des canaux, qui retrouvent leur état de crasse et de puanteur. Rebonjour les maladies !

Puis, au moment de la Révolution, les moines sont chassés, la chartreuse démolie.

On aménage le Grand cimetière général en 1791, suivi en 1802 d'un jardin des Plantes, puis en 1806 d'une pépinière départementale.

En 1836 et 1896, les fresques de l'église, très abîmées par l’humidité, reçoivent des retouches visant à raviver leurs couleurs, grâce aux peintres Beauregard, puis Lemeire et Lavigne.

Sources

  • Le Guide ou conducteur de l'étranger à Bordeaux. 1839.
  • Louis Desgraves. Évocation du vieux Bordeaux. 1976.
  • Adolphe Joanne. Itinéraires illustrés : de Paris à Bordeaux. 1856.
  • Alexandre Ducourneau. Essai sur l'histoire de Bordeaux. 1844.
  • Charles Marionneau. Description des œuvres d'art qui décorent les édifices publics de la ville de Bordeaux. 1861.
  • Camille Jullian. Histoire de Bordeaux. 1895.
  • Album du voyageur à Bordeaux. 1837.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !