La paroisse des artistes
L’église a toujours été une très grande et très riche paroisse : plus encore lorsque les Valois s’installent au palais du Louvre, tout proche.
Mais c’est surtout la paroisse des artistes travaillant pour ce palais et la famille royale, entre 1608 et 1806.
Beaucoup d’entre eux, logeant dans le quartier, y reposent : ce qui fait surnommer Saint-Germain-l'Auxerrois le « Saint-Denis du génie et du talent » !
Des sépultures qui ont toutes quasiment disparu…
Y étaient inhumés notamment les sculpteurs Jacques Sarrasin et Coysevox, le graveur Israël Silvestre, le peintre Chardin, l’architecte Robert de Cotte...
Des artistes, mais pas seulement !
Les sépultures toujours visibles
Pierre Seguin
Voici la plaque funéraire du premier médecin d'Anne d'Autriche, ancien doyen de la Faculté de médecine !
Elle est suspendue à l’un des piliers de l’église.
Les Rostaing
Ces deux priants sont ceux de Charles de Rostaing (1645) et son père Tristan (1582).
Le premier, conseiller du roi, « capitaine de cinquante hommes d’armes » ; le second « chevalier des ordres du roi. »
Tous deux portent l’habit de chevalier du Saint-Esprit.
Les priants proviennent du monument funéraire de la famille, dans l'église (aujourd’hui disparue) des Feuillants.
Les d’Aligre
Ces deux beaux monuments funéraires appartiennent à deux membres de la même famille, les d’Aligre, père et fils.
Tous deux chanceliers de France, morts respectivement en 1635 à 75 ans et 1677 à 85 ans.
Remarquez le très beau gisant du premier, représenté accoudé, en train de lire.
L'un de ses bras repose sur le coffret des sceaux, un parchemin à moitié roulé dans une main !
Ces deux gisants sont signés Laurent Magnier.
Quelques personnalités inhumées à Saint-Germain-l'Auxerrois
Il y a, bien sûr, toutes les sépultures de personnalités inhumées dans l'église, qui n’existent plus...
François de Malherbe
Le dernier mot !
Tallemant des Réaux décrit le célèbre poète normand comme « rustre et incivil », maniaque de la langue !
D'ailleurs, juste avant de mourir, il reprend sa servante sur un mot qui ne lui semble pas français.
Son confesseur lui lance que ce n'est pas le moment, pour des futilités pareilles.
Malherbe répond : « Je veux jusqu'à la mort maintenir la pureté de notre langue » !
Mort de chagrin ?
On dit qu'il est mort de chagrin en 1628, son fils mort en duel un an avant.
Le roi lui donne 10 000 écus de dédommagement ? Il ne les accepte que pour faire aménager un mausolée pour son fils !
Ce qu'il n'aura pas le temps de faire : « Le chagrin avait ulcéré son cœur. »
Le poète Gombaud compose l'épitaphe sur sa tombe à Saint-Germain :
« L’Apollon de nos jours, Malherbe, ici repose. Il a vécu longtemps sans beaucoup de support. En quel siècle ? Passant ! je n’en dis autre chose. Il est mort pauvre, et moi je vis comme il est mort. »
Jacques Dubois dit Sylvius
Ce médecin, anatomiste, réformateur de l’autographe, meurt en 1551 à l'âge de 77 ans.
« Il était d'une avarice sordide. Un de ses étudiants, qui assista à son convoi, fit l'épitaphe suivante et l'écrivit avec du charbon à la porte de l'église pendant qu'on l'enterrait : "De l'avare Dubois la science féconde Ne donne rien pour rien, tant qu'il vécut au monde ; Et si son corps encore s'anime pour le bien, Il est sous ce tombeau, qui murmure et qui gronde. De quoi tu lis ces vers, sans qu'il t'en coûte rien." »
Gui Patin
Ce médecin épistolier sert de modèle à Molière, pour le Diafoirus de son Malade Imaginaire !
Il meurt « le mercredi 30 mars 1672 à 11 heures du soir, âgé d’environ 71 ans, après 8 jours de maladie. »
« Il fut inhumé dans l'église au deuxième pilier à droite en entrant, le 1er avril suivant en grande cérémonie », indique le livre Gui Patin de Félix Larrieu (1889).
Théophraste Renaudot
Oui ! Il s'agit bien du célèbre inventeur de la gazette qui porte son nom, en 1631, l'un des précurseurs de la presse écrite !
Il reposait devant l’autel de Saint-Germain-l'Auxerrois.
Il meurt à 69 ans, le 25 octobre 1653, « d’une maladie de 15 mois. »
Le comte de Caylus... et sa cruche étrusque !
Antiquaire, graveur et pionner de l'archéologie.
Il voulait que l'on place une urne funéraire romaine en porphyre rouge, sur sa sépulture, à Saint-Germain-l’Auxerrois.
À sa mort, en 1765, le curé refuse : un élément profane n'a rien à faire dans son église !
L'exécuteur testamentaire de Caylus le fait tout de même installer, avant son démantèlement lors de la Révolution, et son installation au Louvre.
Savez-vous quoi ? Diderot détestait Caylus ! À sa mort, il écrit « La mort nous a délivrés du plus cruel des amateurs » et sur son tombeau :
« Ci-gît un antiquaire acariâtre et brusque Oh, qu'il est bien logé dans cette cruche étrusque ! »
Le sieur de Carnavalet
Son nom vous évoque celui d’un grand musée parisien ? C’est normal !
L’hôtel qui l’abrite a été construit par ce monsieur, le Breton François de Kernevenoy, dit Carnavalet.
Sources
- Jacques Hillairet. Connaissance du vieux Paris. Éditions Princesse, 1963.
- Inventaire général des richesses d'art de la France : monuments religieux, Paris (tome 1). 1876.