Quand Mme de Sévigné « allait aux eaux » à Vichy : un traitement de cheval !

De 1676 à 1677

Vichy, berges de l'AllierVichy, berges de l'Allier | ©Jean-Pierre Dalbéra / Flickr / CC-BY

En deux mots !

Le pavillon Sévigné à Vichy tient son nom de la célèbre épistolière Madame de Sévigné.

Elle y a probablement séjourné, lors de ses nombreuses cures dans la ville thermale, en 1676 et 1677.

On connaît les propriétés curatives des eaux volcaniques de Vichy dès l’Antiquité !

Mais c'est au 17e siècle qu'on les remet au goût du jour. On va « prendre les eaux », comme on va aujourd’hui à la mer !

Pavillon Sévigné, VichyPavillon Sévigné, Vichy | ©TCY / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

Pourquoi la marquise vient prendre les eaux

Mme de Sévigné, la cinquantaine, vient prendre les eaux à Vichy, en mai 1676.

Ce qui lui arrive ? Des douleurs aux mains et aux jambes, depuis des mois !

« Un très bon petit rhumatisme », mais un « mal très douloureux, sans repos, sans sommeil », écrit-elle. À la douleur s’ajoutent fièvre et « enflure », jusqu’au jour où, crac : l’épistolière ne peut plus écrire.

Elle s’empaquette les bras dans « vingt serviettes et ne peut plus tenir sur ses jarrets. »

Ça ne peut pas durer ! Sur les conseils d’une amie, la voilà qui se rend à Vichy, dont on lui a dit « mille biens. »

Mme de Sévigné (17e s)Mme de Sévigné (17e s) | ©Benjamin Gavaudo / CMN

Vichy et ses eaux bienfaisantes, une longue histoire

Vichy et ses sources aux vertus thérapeutiques étaient déjà connues dès l’Antiquité, les Romains y développant une cité nommée Aquis Calidis (eaux chaudes).

Mais c’est véritablement le géographe de Catherine de Médicis, Nicolas de Nicolay, qui fait la première description des vertus curatives des eaux thermales de Vichy, en 1569 :

« Elles remédient aux douleurs de la tête procédant de morfondure et refroidissement de cerveau, comme est la léthargie, perte de mémoire, débilité de nerfs, apoplexie et éblouissement des yeux ; consomment les flegmes et humeurs froides descendant du cerveau, échauffent et dessèchent l’estomac, aident à la digestion, apaisent les tranchées du ventre qu’on appelle coliques, et répriment les douleurs des membres procédant de la froidure. »

En 1605, l’exploitation des eaux minérales naturelles françaises commence, avec la création de la surintendance générale des Bains et Eaux Minérales par le roi Henri IV.

La cité thermale en est alors à ses balbutiements. Elle connaît son premier (et modeste) aménagement en 1630, avec l’ouverture de la Maison du Roy, les premiers thermes « modernes » de Vichy.

C’est même à cette époque que l’on commence à embouteiller l’eau de Vichy et à l’envoyer à Paris !

Être curiste du temps de Mme de Sévigné !

En 1679, le médecin Claude Fouet publie un livre intitulé Le secret des bains et eaux minérales de Vichy en Bourbonnais. Pour lui, elles guérissent tout « et sont les meilleures qui soient en France. »

Le plus intéressant dans son exposé ? Comment devenir le parfait curiste !

« 15 jours avant de se mettre en route, il importe de vivre le plus régulièrement possible, puis à l’arrivée, il faut se reposer pendant deux ou trois jours, se purger légèrement par des lavements laxatifs, et boire de l’eau de la source appropriée à la maladie ; et après avoir été purgé, s’arrêter de boire pour prendre le bain. Il faut boire les eaux le plus matin que l’on pourra, sans pour cela retrancher de son sommeil habituel. Il faut éviter de dormir l’après-midi. Deux heures après avoir fini de boire, il faut prendre un bouillon sans sel et dîner deux heures après ce bouillon. Il faut au dîner boire moitié eau et moitié vin, manger des viandes qui ne fatiguent pas l’estomac, bannir les ragoûts et la pâtisserie (et plus particulièrement celles où il y a beaucoup de sucre), dont on ne doit user qu’avec modération pendant la saison. Le soir, on doit surtout se livrer à la promenade dans les environs de Vichy. »

Mme de Sévigné et les cures à Vichy : boire de l'eau

Mme de Sévigné arrive donc à Vichy accompagnée de deux chambrières, d'un laquais et de malles à gogo. Oui, aller prendre les eaux... demande un sacré déménagement !

Il est probable qu’elle loge au pavillon qui porte aujourd’hui son nom.

La marquise commence son traitement le 20 mai 1676.

En quoi consiste-t-il ? Boire beaucoup d'eau (50 verres par jour, pour les plus courageux) et prendre des bains !

Voici sa journée type :

« J’ai pris des eaux ce matin ; ah qu’elles sont méchantes ! On va à 6 heures à la fontaine ; tout le monde s’y trouve, on boit et l’on fait une fort vilaine mine, car imaginez-vous qu’elles sont bouillantes et d’un goût de salpêtre fort désagréable. On tourne, on va, on vient, on se promène, on entend la messe, on rend les eaux, on parle confidemment de la manière qu’on les rend ; il n’est question que de cela jusqu’à midi. Enfin, on dîne (déjeune, ndlr). À 5 heures, on va se promener dans des pays délicieux ; à 7 heures on soupe légèrement ; on se couche à 10. Vous en savez présentement autant que moi. Je me suis assez bien trouvée de mes eaux, j’en ai bu 12 verres, elles m’ont un peu purgée : c’est tout ce qu’on désire. »

Pavillon Sévigné, VichyPavillon Sévigné, Vichy | ©TCY / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

Mme de Sévigné et les cures à Vichy : les « douches »

Mais la marquise est surtout venue pour prendre des « douches », censées soulager ses enflures.

Elle décrit ces douches comme une « assez bonne répétition du purgatoire. »

Elle y va

« toute nue, dans un petit lieu sous terre où l'on trouve un tuyau de cette eau chaude, qu'une femme vous fait aller où vous voulez. Un jet d'eau contre quelqu’une de vos pauvres parties, toute la plus bouillante que vous puissiez imaginer. On met d'abord l’alarme partout, pour mettre en mouvement tous les esprits ; et puis on s'attache aux jointures qui ont été affligées. Mais quand on vient à la nuque, c'est une sorte de feu et de surprise qui ne se peut comprendre. Cependant, c'est là le nœud de l'affaire. Il faut tout souffrir et l'on souffre tout. »

Cette douche chaude curative dure une demi-heure, au 17e siècle (une éternité) ! On se couche ensuite dans un lit très chaud, dans lequel on reste... plus de deux heures.

Le médecin de la marquise, pendant qu'elle transpire, lui lit des romans pour la divertir, caché derrière un rideau ! Elle écrit :

« Mes sueurs sont si extrêmes que je perce mes matelas. Je suis une heure sans ouvrir la bouche pendant laquelle la sueur commence. »

Mme de Sévigné (C. Lefèbvre, 17e s)Mme de Sévigné (C. Lefèbvre, 17e s) | ©Metropolitan Museum of Art / CC0

Guérison en vue ?

Bilan des premières cures de Mme de Sévigné ? Pas brillant : l’enflure a disparu des jambes, mais pas des mains, qu’elle ne peut toujours pas fermer.

Alors, c’est reparti l’année suivante : nouvelles cures à Vichy, du 4 au 25 septembre 1677 !

Après 21 jours de traitement, elle se dit guérie à vie ! « Plus de 20 pintes d'eau » sont sorties de son corps en une semaine.

La dame est ravie : « Cette eau rend la peau douce et unie », écrit-elle après traitement.

Rentrée à Paris, elle recommande à la cour, à Versailles, les « eaux salutaires de Vichy », qui l'ont bien « savonnée », à tel point qu'elle sent « n'avoir plus rien dans le corps. »

Une ville et des eaux prometteuses

Après Mme de Sévigné, les curistes célèbres se succèdent : Antoine d'Aquin (médecin du roi Louis XIV), les filles de Louis XV Adélaïde et Victoire, le futur Charles X…

Jusqu’à la visite de l’empereur Napoléon III, dans les années 1860.

C’est lui qui transforme Vichy en ce que nous connaissons aujourd’hui : la plus célèbre des cités thermales, avec établissements thermaux dignes de ce nom, routes, casinos et villas !

Sources

  • Antonin Jérôme Mallat. Vichy à travers les siècles. 1890.
  • Genès Pradel. Madame de Sévigné en Bourbonnais : ses séjours à Vichy et à Bourbon-l'Archambault. 1926.
  • Yves-Jean Bignon. Comment l'histoire de la médecine thermale à Vichy a conduit à son inscription au Patrimoine Mondial de l’Unesco. Société française de médecine thermale, 2022.