Le château de Lassay possède plusieurs grandes tours rondes. Dans l’une d’elles, la tour Lavoisier, il y a un four chinois !
Qui a servi au duc de Brancas, le propriétaire au 18e siècle, pour ses petites expérimentations…
Car Brancas est le premier en France à produire de la porcelaine à pâte dure !
Le duc de Brancas, esprit curieux
Les de Lauraguais héritent de Lassay en 1750. Mais celui qui nous intéresse, c’est Louis-Léon-Félicité de Brancas (1733-1823), 3e duc de Lauraguais.
Après une très courte carrière militaire, il laisse tout tomber pour aller vivre à Paris dans les salons mondains, où toute la haute le connaît pour son train de vie grand luxe.
Mais lui, ce qui le botte, c’est la science, la chimie. Les découvertes !
Tenez : en 1763, il écrit un plaidoyer pour l’inoculation, le remède contre la variole qui décime alors des populations entières.
Il adore aussi tout ce qui vient d’Angleterre : il organise la toute première course hippique au bois de Boulogne, en 1766 !
Avec Lavoisier à Lassay
Alors voilà : vu le bonhomme, on ne s’étonne pas qu'il file au fin fond de la Mayenne, dans le château familial de Lassay, pour installer un four chinois et un petit laboratoire.
Mais pour faire quoi ?
Avec le grand chimiste Lavoisier (celui qui a dit le mythique « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme »), il mène des essais de fabrication... de porcelaine.
Pas n’importe quelle sorte de porcelaine : figurez-vous que le duc est le premier en France à produire de la porcelaine à pâte dure, vers 1760 !
La porcelaine dite dure, telle qu'on la connaissait en Chine depuis des millénaires, celle que l'on produit toujours à Sèvres ou Limoges, et Meissen en Allemagne !
Car il en faut, des essais, avant d'arriver à percer la recette de la porcelaine asiatique...
De la porcelaine tendre à la porcelaine dure, de la Chine à l'Europe
Des débuts timides
Jusqu’à la fin du 18e siècle, la porcelaine, originaire de Chine, garde tous ses secrets. Impossible de la reproduire !
Les Français tâtonnent, jusqu'à mettre au point une « porcelaine tendre » faite de sable, de verre, de plâtre.
Une recette pas encore bien au point ! La pâte obtenue est beaucoup trop fragile.
L'ingrédient mystère découvert !
Jusqu’à ce que l’on découvre le kaolin, dans des carrières près d’Alençon.
L'ingrédient secret, indispensable à la fabrication d'une porcelaine de qualité, aussi belle que celle de Chine ! On l'avait trouvé !
C’est une argile blanche extrêmement pure, qui donne une belle pâte translucide : elle permet la naissance de la porcelaine dure.
Ce serait notre duc de Brancas, qui le premier en France, aurait fabriqué de la porcelaine dure, avec ce kaolin normand !
À noter tout de même, avant de crier cocorico trop tôt : en 1710, l'Allemand Johann-Friedrich Böttger avait déjà percé le secret du kaolin... en Saxe !
Conclusion
Alors, oui : Brancas obtient le premier une porcelaine dure. Mais... de médiocre qualité.
Il faut attendre 1768 et la découverte de gisements de kaolin à Saint-Yrieix-la-Perche, dans le Limousin, pour lancer la vraie grande aventure de la porcelaine dure et celle, indissociable, de Limoges...