Pourquoi Eugène Hugo sombre dans la folie le jour du mariage de son frère Victor à Saint-Sulpice
La jolie chapelle de la Vierge de l'église Saint-Sulpice a servi de cadre à plusieurs mariages, dont... celui de Victor Hugo et d’Adèle Foucher, en 1822 !
Jolie journée, pour le futur papa des mythiques Misérables, qui se termine dans un éclair... dramatique. Son frère, Eugène, finit dévoré par sa folie.
Adèle et Victor : ils s'aiment !
Victor Hugo arrive à l’autel de la chapelle de la Vierge, avec à son bras une belle jeune femme brune aux yeux noirs fiévreux. Adèle Foucher !
Là, au cœur de Saint-Sulpice, ils vont se dire oui, le 12 octobre 1822.
3 ans qu’ils se sont fiancés, eux, les amis d’enfance. Il a 20 ans, elle 19. C’est un mariage d’amour, rare à l’époque !
Pourtant, les deux familles ne sont pas franchement ravies : Victor n’a pas de travail, Adèle pas de fortune.
Il faut attendre la mort de la mère de Victor pour que son père, Léopold Hugo, finisse par accepter l'union...
« La cérémonie religieuse eut lieu à Saint Sulpice, dans cette même chapelle de la Vierge où 18 mois auparavant on avait porté le corps de sa mère (celle de Victor, ndlr). Une autre madame Hugo mit son prie-Dieu où avait été la bière et couvrit de son voile blanc la place du drap noir. »
Le drame, partie 1
Est-ce qu’Adèle et Victor se doutent de ce qu’il va se passer, juste après la cérémonie à Saint-Sulpice, pendant le banquet de fête ?
Que le frère aîné de Victor, Eugène, va faire une crise de démence, une de plus ? Mais que celle-là va l’emmener droit à l’asile, où il mourra des années plus tard ?
Vous vous demandez ce qu'il s'est passé... ce qui a déraillé dans l'esprit depuis toujours un peu fragile d'Eugène !
Voilà : Eugène, maladivement jaloux, ne supporte pas le mariage de son frère cadet avec celle qu’il a toujours aimé en secret...
Adèle. Son Adèle, emportée loin de lui par un frère dont il a toujours été le rival.
Lui, Eugène, poète précoce et talentueux, promis à un bel avenir, qui sait. Mais pour ça aussi, Victor lui volera la vedette...
Au fur et à mesure que la date du mariage approche, Eugène devient de plus en plus fébrile.
Sa santé mentale, depuis toujours faiblarde, décline. Victor, son autre frère Abel et Léopold le paternel l’ont bien vu...
Le drame, partie 2
Pourtant, ce jour fatal du 12 octobre 1822, Eugène Hugo fait bonne figure.
Regardez-le un peu : il supporte tout. TOUT. La cérémonie civile à la mairie, la cérémonie religieuse à Saint-Sulpice, le défilé des parents et des amis qui félicitent les deux jeunes gens, les sourires, les rires.
Et le banquet. Eugène finit par craquer, ne pouvant détacher son regard fiévreux de Victor et d’Adèle, si beaux, si heureux.
Sa raison s’emballe. Mains moites. Gorge qui se serre. Vue trouble. Un chaos noir et vertigineux lui ouvre sa gueule de cauchemar, et lui qui ne peut qu'y tomber.
Et là, vous me dites : « Mais, personne ne s’aperçoit de son agitation ? »
Si, un voisin de table, qui entend des bribes de phrases grognées sans logique.
Il faut qu'Abel Hugo, son petit frère, emmène Eugène discrètement, jusqu’à la chambre de l’hôtel voisin où il logeait pour l’occasion.
Le lendemain, on le retrouve poussant des hurlements et tailladant les meubles avec un sabre.
Diagnostiqué schizophrène, Eugène finit enfermé à l’asile de Charenton (94), jusqu’à sa mort, en 1837. Sans jamais avoir échappé aux griffes de sa maladie mentale.
Sources
- Adèle Hugo. Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie (tome 2). 1867.
- Georges Froment-Guieysse. Victor Hugo (tome 1). 1948.
- Michel Winock. Le monde selon Victor Hugo. Tallandier, 2018.
- Aquilas Cleisz. Article Un correspondant de Victor Hugo. Revue chrétienne (34e année, tome 3). 1887.