Plus de 400 victimes, 8 survivants : le terrible naufrage du Saint-Philibert, en 1931

Le 14 juin 1931

Épave du Saint-PhilibertÉpave du Saint-Philibert | ©Musée de Bretagne / Public domain

Le 14 juin 1931, le Saint-Philibert sombre au large de la pointe Saint-Gildas, entre Noirmoutier et Nantes.


C'est l’une des plus grandes catastrophes maritimes françaises, avec plus de 400 victimes, seulement 8 survivants. De petites gens, issues de milieux modestes ouvriers. Un traumatisme, pour la région, mais aussi pour le pays entier...

Une excursion sur l'île de Noirmoutier

Ce dimanche 14 juin 1931, le Saint-Philibert, bateau de promenade de 32 mètres, conçu pour naviguer dans l’estuaire de la Loire, est de sortie !


467 passagers, plus 50 enfants, ont prévu d'embarquer à Nantes, pour une joyeuse sortie sur l'île de Noirmoutier. Majoritairement de modestes familles d'ouvriers, de petits employés et des militants socialistes.


La sortie coïncide avec le jour de la Fête-Dieu : plus tard après la catastrophe, une certaine presse chrétienne osera dire que les passagers n'avaient qu'à pas rater la messe, pour aller en excursion. Dieu les a punis, voilà !

Le mauvais temps arrive

Le matin, pour le voyage aller depuis Nantes, impeccable : le soleil brille haut dans le ciel. Mais au retour, en fin d'après-midi, la tempête se lève.


50 passagers, inquiets du mauvais temps qui couve et plus encore de la mine soucieuse du capitaine (qui se demande vraiment s'il doit prendre la mer), choisissent de rester à Noirmoutier ou de rentrer sur le continent en autocar, par le passage du Gois. Ceux-là... auront la vie sauve !

Pointe Saint-GildasPointe Saint-Gildas | ©Daniel Jolivet / Flickr / CC-BY

La fin rapide du Saint-Philibert

La tempête est là ! Vers 18h30, près de la pointe Saint-Gildas, la mer en furie fait violemment tanguer le bateau, déjà déséquilibré par les passagers massés à tribord, pour éviter les embruns. Le capitaine n'a même pas fait... distribuer les gilets de sauvetage !


Les vagues finissent par submerger le Saint-Philibert : il coule en quelques secondes, ne laissant que 8 survivants : des Français et des Autrichiens.


Parmi eux, Paul Simek, qui connaîtra un sort tragique. Ce jeune Autrichien immigré sera considéré par les nazis comme un déserteur, quelques années plus tard. Arrêté à Saint-Nazaire, il sera envoyé sur le front russe où il mourra en 1942...

Un procès pour éclaircir les causes du naufrage

Tout semblait réuni pour le drame : un bateau fait pour naviguer sur rivière, pas en mer, l'absence de radio, un équipage en sous nombre et le capitaine qui ne fait pas distribuer les gilets de sauvetage, que l'on retrouvera emballés, dans l'épave...


Pourtant, lors du procès à Nantes en 1933, opposant l'armateur aux familles des victimes, le tribunal conclut à un « fait de mer », malgré ces défaillances évidentes. La catastrophe a été causée par une soudaine et forte tempête, voila tout ! Les familles des victimes sont déboutées et l'armateur affranchi de toute responsabilité.

Pointe Saint-GildasPointe Saint-Gildas | ©Marco 44 / Flickr / CC-BY

Un bilan terriblement meurtrier

Le terrible bilan du naufrage fait état de 409 morts, sur environ 500 personnes à bord (467 adultes contrôlés, plus une cinquantaine d’enfants) : il n'existe en effet pas de liste exacte des passagers ! Environ 409 corps sont identifiés, oui, mais une centaine reste introuvable.


Des funérailles sans précédent se déroulent à Nantes le 18 juin 1931, 4 jours après le naufrage. 60 000 personnes sont massées dans les rues de la ville, aux côtés de figures politiques majeures de l'époque.

Une rumeur macabre : les poissons... mangeurs de cadavres !

Tout l'été 1931, les corps n'en finissent plus de s'échouer, au milieu d'effets personnels et plus terribles, de landaus et de poussettes.


Et la rumeur enfle : poissons et crustacés se nourrissent des cadavres... on a même retrouvé des bijoux dans un poisson, un crabe ! Les autorités démentent, mais les pêcheurs n'arrivent bientôt plus à écouler leurs produits. Pour les populations de toute la région, qui vivent de la mer, c'est une autre catastrophe, celle-ci économique, qui s'ajoute au drame humain.

Sinistre découverte dans l'épave du Saint-Philibert

Renfloué en août 1931 par une société allemande spécialisée dans ce genre d'opération, le Saint-Philibert est transformé en navire de charge jusqu’en 1986, date de son démantèlement.


Lors du renflouement, 35 corps sont découverts dans l'épave... des passagers, dans des cabines intérieures, mortes piégées, noyées. Comme à Pompéi, on retrouve même un couple enlacé !


Pire, la démolition du bateau en 1985 fait une dernière victime : l'épouse de l'entrepreneur chargé de l'opération meurt écrasée par la chute du mât...


Sources

Émilienne LerouxHistoire d'une ville et de ses habitants : Nantes, de 1914 à 1939Éditions ACL, 1985

Émile Boutin, Charles GeorgetL'inattendue : grandes catastrophesÉditions Siloë, 1996

Jean RouzetLes grandes catastrophes en FranceIxelles Éditions, 2009