Le château | ©Brücke-Osteuropa / CC0De Budé à Voltaire
Voltaire passe dans ce château les dernières années de sa vie.
Guillaume de Budé acquiert en 1674 des terres où se trouve un château-fort ruiné.
2 ans plus tard, prenant son courage à deux mains, voici notre homme qui le transforme entièrement : deux coups de cuillères à pot après, et voilà un jardin et une enceinte.
Passé à Bernard de Budé, le frère de ce dernier décide de se défaire du château en 1757.
Qui se porte donc acquéreur du domaine de Ferney, en 1758 ? François-Marie Arouet... vous le connaissez... il s’agit de Voltaire !
Il faut dire qu'à cette époque, le philosophe est très mal vu par Louis XV et sa Cour.
La faute à Rousseau ? Non, celle de ses écrits, jugés scandaleux !
Condamné à l'exil, il choisit la région comme refuge, où il pourra écrire à son aise, loin de ce maudit roi.
L'aubergiste de l'Europe
En 1759, les travaux commencent.
Le château est d'apparence extérieure assez simple, on n’y touche pas.
Pas trop de luxe non plus, à l'intérieur : bien meublé, mais très simplement, très pratique aussi.
Il dit que c’est pour sa nièce, Mme Denis, qu’il fait le peu d’aménagement (baignoire, poêle) :
« Je vivrais très bien avec 100 écus par mois, mais madame Denis mérite des palais, des cuisiniers, des équipages, grande chère et beau feu. Jouissez de votre doux loisir, moi je jouirai de mes très douces occupations, de mes charrues à semoir, de mes taureaux, de mes vaches. »
Après ça, il fait ajouter une petite église juste à côté du château, « la seule de l’univers en l’honneur de Dieu. L’Angleterre a des églises bâties à saint Paul, la France à sainte Geneviève, mais pas une à Dieu. »
Et en 1761, il fait même construire un théâtre dans le village : imaginez l'effervescence !
On vient de loin pour assister aux représentations. Du coup, le château devient trop petit pour tous ses invités !
Voltaire fait ajouter 2 ailes. Il faut dire qu’il reçoit presque toute l’Europe du 18e siècle, à Ferney !
D’où son surnom qu’il s’est dégotté lui-même, « l’aubergiste de l’Europe. »
Une douzaine de domestiques l’épaule dans cette tâche, car on recevait jusqu’à 50 hôtes en même temps !
Voltaire se ruine pour Ferney : il compte « plus de 30 personnes et plus de 12 chevaux à nourrir » par jour, avoue-t-il !
Montres et chevaux
Mais alors, à quoi le philosophe peut bien passer ses journées ?
Levé à 5 heures du matin, couché à 22 h, il a de quoi s’occuper !
Ses écrits (c’est au château qu’il assure la défense de Jean Calas, un protestant condamné à tort pour le meurtre de son fils), l’agriculture, le jardinage, des travaux en tout genre, ses invités... son haras et sa fabrique de montre. Oui !
Le voilà qui créé sa propre manufacture de montres, de superbes petits bijoux qui font pâlir d’envie Suisses et Anglais, qui passent bientôt commande.
Belles, toutes serties de pierres précieuses et moins chères que partout ailleurs, on se les arrache !
Du coup avec tout ça, Voltaire avoue ne plus avoir un moment à lui.
La taupe dans son trou
Parfois, il râle contre le climat !
« Me voilà redevenu taupe. Votre Excellence saura que dès qu’il neige sur nos belles montagnes, mes yeux deviennent d’un rouge charmant et que j’aurais très bon air aux Quinze-Vingts. Cela me donne quelquefois regret d’avoir bâti et planté entre le mont Jura et les Alpes, mais enfin, l’affaire est faite et il faut faire contre neige bon cœur. »
Mais loin d’être une vieille taupe rabougrie terrée au fond de son trou, Voltaire fait du petit bourg de Ferney une cité prospère. 1 200 âmes et 80 maisons, exactement.
Il fait construire des maisons, défriche les terres pour les paysans, « met des enfants en nourrice » aussi : son expression pour dire... qu’il plante des arbres !
Sources
- Encyclopédie Châteaux Passion. Éditions Atlas, 2001.
- Louis Nicolardot. Ménage et finances de Voltaire. 1854.
- Pierre Larousse. Grand dictionnaire universel du 19e siècle (tome 8). 1872.
- Évariste Bavoux. Voltaire à Ferney. 1860.
- Œuvres complètes de Voltaire (tome 30). Lahure, 1861.
- Évariste Bavoux. Voltaire à Ferney. In Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques (tome 26). 1858.
