1 - D'où vient le nom du pont ?
Savez-vous d'où vient ce nom dédié à l'archange ?
Saint-Michel, c'est l'ancienne chapelle du Palais, tout près de la Sainte-Chapelle.
Appelée Ecclesia Sancti Michaelis de Platea, le baptême du roi de France Philippe Auguste s’y déroule, en août 1165.
Elle a été supprimée en 1782.
Avant, le pont s’appelait « petit pont », puis « petit pont neuf », puis encore « pont neuf ».
2 - Le tout premier pont date du 14e siècle
En 1378, le roi Charles V charge le prévôt des marchands et capitaine Hugues Aubriot de la construction d'un pont en pierre.
Les prisonniers du Châtelet sont mis à contribution... et sa construction s'achève 15 ans plus tard.
15 ans ? C'est long, pour un seul pont, dites donc !
Oui, mais on a rencontré de petits problèmes : un litige opposant la ville aux moines de Saint-Germain-des-Prés, qui prétendaient que le terrain, donc le pont, leur appartenait !
3 - Le pont de 1408... en enluminures !
On sait à quoi ressemblait le pont de bois commencé en 1408, pour remplacer le pont précédent de 1378, avec ses maisons en torchis… savez-vous pourquoi ?
Il figure en arrière-plan d'une miniature enluminée des Heures d’Étienne Chevalier, de Jean Fouquet !
Un pont qui ne fait pas long feu : des inondations le détruisent quelques mois plus tard.
De gros blocs de glaçons charriés par la Seine, qui le démolissent complètement.
Il a fait terriblement froid, cette année-là : un greffier voit l’encre dans son encrier geler tous les trois mots, à tel point qu’il ne peut plus écrire !
4 - La chèvre amoureuse
Cette histoire insolite (mais vraie) se passe en 1593.
Un Napolitain fou amoureux d’une cordonnière du pont Saint-Michel est prêt à tout pour se faire aimer en retour…
5 - 1563, un assassinat sur le pont
C’est sur le pont Saint-Michel que Jacques Prévost de Charry, gentilhomme du Languedoc, maître de camp des gardes du roi, trouve la mort en 1563. Assassiné.
On est en pleines guerres de religion, le tueur a semble-t-il été envoyé par le protestant d’Andelot...
Voilà ce que rapporte Brantôme :
« Charry, le 30 décembre 1563, sortait de son logis des Trois Chandeliers, en la rue de la Huchette, accompagné du capitaine La Gorette, basque, et d’un autre, et passant par le pont Saint Michel, Chastellier sortant de chez un armurier, accompagné de ce brave Mouvant et autres, assaillit furieusement le dit Charry, et lui donna un grand coup d’épée dans le corps, et la lui tortilla deux fois dedans, et par ainsi tomba mort par terre avec La Gorette, que Mouvant et Constantin tuèrent, et puis tous se retirèrent froidement et résolument par le quai des Augustins. »
Quelque temps après, ils sont arrêtés et exécutés, dit Histoire des protestants et des églises réformées du Poitou (A.-F. Lièvre, 1856).
6 - Nicolas Flamel tient boutique sur le pont
Comme le pont Notre-Dame ou le Petit-Pont, le pont Saint-Michel était couvert de maisons.
Teinturiers, tapissiers, parfumeurs viennent s'y installer, tout comme « couturiers, éperonniers, fourbisseurs, barbiers, fripiers, chasubliers, faiseurs de harpes et autres ».
Mais aussi des écrivains, dont le mythique Nicolas Flamel, écrivain juré de l’Université de Paris, qui tenait une petite échoppe d’écrivain public, avec son épouse Pernelle !
7 - Le pont actuel
En 1857, l'ingénieur Vaudrey, à la demande de Napoléon III, reconstruit le pont dans l’alignement du boulevard de Sébastopol, le décorant du N de l'empereur : 8 mois après, il est mis en circulation !
Il s’agit de la copie conforme de l’actuel pont au Change, construit à la même époque…
8 - Le pont des exécutions
C’est sur l’ancien pont que se déroulaient certaines exécutions, dit Topographie historique du vieux Paris (A. Berty, 1866).
- Ainsi, le 25 mai 1575, « pendu au bout du pont Saint-Michel, un soldat, qui avait d’un coup de pistolle, tué messire Dinteville, abbé de Saint-Michel de Tonnerre, pour 32 écus que lui avait donné, pour ce faire, un ennemi dudit Dinteville, qui était en contention avec lui... »
- Les 29 et 30 janvier 1586, « furent roués au bout du pont, deux fils de René Bianque, parfumeur milanais, demeurant sur le dit pont », pour l’assassinat à coup de dague d’une dame de 70 ans, sa servante et un enfant de 10 ans.
- Le 4 avril 1594, « Le Tonnelier fut pendu et étranglé au bout du pont après qu’on lui eut coupé et brûlé le poing » pour le meurtre de la veuve de l’horloger du roi.
9 - Le massacre de 1961
Le 17 octobre 1961, en pleine guerre d’Algérie, un massacre a lieu sur le pont Saint-Michel.
À Paris, ce jour-là, des Algériens manifestent pacifiquement pour l’indépendance de leur pays et la suspension du couvre-feu qui les vise, à l’appel de la Fédération de France du F.L.N. (Front de Libération Nationale).
Entre une dizaine et 200 personnes sont tuées, selon les sources, jetées dans la Seine depuis le pont Saint-Michel.
La plaque inaugurée en 2001 leur rend hommage...
10 - Trop de maisons !
L'hiver de 1616 est particulièrement rigoureux : un dégel brutal emporte la moitié du pont et ses habitations !
On le reconstruit aussitôt en pierre, avec 32 maisons dessus.
Jusqu’à ce qu’un décret royal de 1786 ordonne la destruction des habitations qui encombrent et surchargent tous les ponts de Paris.
L'édit ne porta ses fruits sur le pont Notre-Dame qu'en 1808 : les bâtiments disparus, on aménage des trottoirs.
11 - La Morgue se trouvait au bout du pont Saint-Michel
L’actuel Institut médico-légal, installé depuis 1923 le long du quai de la Râpée, non loin de la gare d’Austerlitz, a déménagé plusieurs fois !
La morgue se trouvait notamment à l’une des extrémités du pont Saint-Michel !
Un bâtiment construit en 1804, dans les murs mêmes d’une ancienne boucherie.
Au tout début, la morgue se trouve au Grand-Châtelet : la Basse-Geôle.
« Endroit humide, sombre, réduit infect d’où s’échappent sans cesse les émanations les plus fétides. Là, les cadavres, jetés les uns sur les autres, attendent que des parents, une lanterne à la main, regardent l’intérieur de ce réduit à travers une lucarne pratiquée à la porte, tout en se bouchant le nez. Ce lieu était rarement vide ; rien de plus affreux. »
(Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, vol 66).
À cette époque, la sortie à la morgue est une attraction phare, chez les Parisiens.
Derrière un vitrage, étendus sur des tables de marbre, on venait voir les corps des personnes trouvées noyées ou mortes de crimes ou d’accidents.
Sources
- Jacques Antoine Dulaure. Histoire physique, civile et morale de Paris. 1825.