Au Peyrou à Montpellier, la statue de Louis XIV a connu une histoire mouvementée

De 1692 à 1838

Le PeyrouLe Peyrou | ©PierreSelim / Wikimedia Commons / CC-BY

Deux mots sur le Peyrou

  • Le Peyrou tient son nom du mot occitan qui veut dire « pierreux » : l’esplanade et sa promenade ont été aménagées dès 1689, sur une grande plaine caillouteuse ;
  • le château d’eau date de 1768, conçu sous la forme d’un temple antique. Il distribue l’eau potable dans la ville, via l’aqueduc voisin de Saint-Clément ;
  • la première statue du roi Louis XIV qui orne la promenade du Peyrou est inaugurée en 1718, après bien des péripéties. Détruite à la Révolution, l’actuelle date de 1838...

L'histoire de cette statue est riche en aventures, voulez-vous en savoir plus ?

Château d'eau du PeyrouChâteau d'eau du Peyrou | ©Stefano Merli / Flickr / CC-BY-SA

La statue montpelliéraine de Louis XIV

Une attente de 21 ans, une statue à l'eau !

Cette statue fait partie de cette vague de commandes d’effigies du roi Soleil, destinées à orner les grandes villes du royaume.

Basée sur des dessins de l’architecte Jules Hardouin-Mansart, la statue de Montpellier, achevée en 1692 à Paris, atteint patiemment sa livraison.

Oui, mais… la France (encore une fois) est en guerre ! Ce qui empêche tout transport, et par voie maritime, et par voies terrestres.

Il faut attendre 1713 (oui !), pour que la statue de près de 20 tonnes ne quitte la capitale pour Montpellier.

Sacré périple… via Le Havre et Bordeaux. Dans cette ville, une foule de curieux monte à bord du bateau chargé du transport de la statue. Trop de monde… le navire tangue d’un côté… zou, la statue tombe à l’eau !

Il faut « un travail et des peines infinies » pour la repêcher ; quand on la remonte, elle est irréversiblement abîmée (rênes cassées)…

Tant pis ! Elle arrive enfin à Montpellier en 1717.

Des boulets dans les entrailles du cheval !

Avant son inauguration en 1718, il faut asseoir la statue sur son piédestal. Solidement. On ne voudrait pas que l’épisode de Bordeaux se reproduise !

Alors pour cela, on fait mettre 635 boulets de canon dans le cheval, pris dans les magasins de la citadelle de Montpellier !

Des boulets introduits par une ouverture pratiquée dans la croupe du cheval, trou ensuite refermé avec « une pièce faite exprès et qui fut soudée. »

Et voilà ! Louis XIV à cheval trônait sur l’une des plus belles promenades de France, après une attente et des péripéties sans fin.

Mais... vous ne croyiez tout de même pas que l’histoire était déjà finie ?

Statue de Louis XIVStatue de Louis XIV | ©PierreSelim / Wikimedia Commons / CC-BY

La Révolution, l'heure de la destruction des anciens despotes

Dès 1790, plusieurs décrets abolissent et autorisent la destruction et dégradation de tous les symboles liés à l’Ancien régime.

Alors, des statues de rois, sur des places publiques... mais vous n’y pensez même pas ! La vue d’effigies d’anciens despotes commence à agiter le peuple, notamment après l’abolition de la monarchie, le 21 septembre 1792.

La statue du Louis XIV du Peyrou pose donc problème. Sa monture, moins : le caractère d’œuvre d’art de l'ensemble avait toujours été reconnu…

On décide donc de conserver le quadrupède, mais de le transformer en allégorie de la Liberté, en y ajoutant une statue avec pique et bonnet phrygien.

Finalement, la municipalité décide de détruire l’ensemble, en 1792. On a urgemment besoin de métaux à faire fondre, pour fabriquer armes et canons… mais oui, c’est la guerre !

Statue de Louis XIV : détailStatue de Louis XIV : détail | ©PierreSelim / Wikimedia Commons / CC-BY

À bas, le Louis XIV du Peyrou !

Le 1er octobre 1792, à Montpellier, sur les coups de 16 heures, la destruction de la statue est actée.

On a fait scier les trois sabots du cheval, qui tenaient au piédestal, afin de faciliter le travail. Les Montpelliérains sont venus nombreux, comme au spectacle !

On attache des cordes à la statue, suffisamment longues pour que le plus grand nombre de gens puisse les tirer de loin.

On est sûr que la statue, en équilibre supposé du fait du sciage des sabots de la monture, va tomber d’un coup…

Mais... au moment de tirer sur les cordes, rien ne se passe ! Des cordages se rompent, les gens les tenant tombent sur leurs fesses.

Pourquoi ne pas utiliser des machines ? Oui, mais... il est trop tard pour aujourd’hui, pour penser à un autre plan. On laisse tomber, on reviendra le lendemain.

Cette fois, les cordes sont plus épaisses, on a même des cabestans. La statue finit par tomber sur le côté, sur les dalles, « en faisant un trou d’une grande profondeur. »

Ses morceaux sont découpés, envoyés à Lyon pour y être fondus.

La statue actuelle... inaugurée en catimini

Le projet d’une nouvelle statue du roi Soleil germe en 1814, après l’Empire et le retour des Bourbons sur le trône. Mais les choses traînent, et nous revoilà en pleine Révolution, en 1830.

Pas question d’orner le Peyrou d’une statue de tyran, de despote ! La nouvelle effigie en bronze, bien que prête, doit attendre son heure.

Un temps, au vu du climat politique tendu, il est même question de changer la tête du roi pour celle... de Paul Riquet, le célèbre concepteur du canal du Midi !

Finalement, nous voilà en août 1838.

C’est dans un climat social compliqué que le Louis XIV actuel est installé. En toute discrétion, avec une cérémonie d’inauguration très minimaliste, bien sûr : la monarchie n’étant alors pas dans tous les cœurs…

Sources

  • Julien Coppier. À l’épreuve de l’histoire : la destruction de la statue équestre de Louis XIV à Montpellier (2 octobre 1792). In Études héraultaises (n° 43). 2013.
  • Jean P. Thomas. Mémoires historiques sur Montpellier et sur le département de l’Hérault. 1827.
  • Didier Chirat. Les petites histoires de l'Histoire de France. Larousse, 2018.