Burdigala, nous voilà !
Burdigala, c'est l'ancien nom de Bordeaux, cité fondée au 3e siècle avant J.-C. par des Gaulois venus du centre de la France.
En celte, burdi veut dire « crique » et gala « marécageux » ! Bon, oui : un marais fangeux...
Bordeaux à ses débuts n'est pas bien accueillante, dites donc !
En 56 avant J.-C., les Romains débarquent : allez, et que je te construis des temples, des aqueducs...
Aujourd’hui, il ne reste plus rien de ce riche passé. Sauf... l'amphithéâtre !
Co-lo-ssa-le !
L'arène aujourd'hui en ruines, de forme elliptique, mesurait près de 135 mètres de long sur 110 mètres de large, et un peu plus de 20 mètres de haut !
Imaginez qu'elle pouvait accueillir 20 000 personnes...
Entièrement construit en pierres carrées et en briques très épaisses, notre amphithéâtre se trouvait alors entouré de 6 enceintes, dont la taille allait en décroissant vers l'arène centrale : celle-ci mesurait 74 mètres de long sur 54 de large.
Entre chaque mur, on avait aménagé des galeries avec des gradins en bois.
Pour l'accès, deux portes se trouvaient à chaque bout de l'arène, à l'est et à l'ouest, plus 15 autres petites portes placées à intervalle régulier, tout autour de l'édifice.
Le cabaretier fouilleur
Le 13 mai 1626, un cabaretier bordelais, Jarisse, fait cette requête aux jurats de la ville : être autorisé à fouiller le terrain du palais,
« pour en retirer les différentes choses qui peuvent y être enfouies, et qui sont inutiles à la société humaine, comme argent monnoyé et autres objets d’orfèvrerie, sous la soumission qu’il fait de ne porter préjudice ni aux murs, ni aux bâtiments construits dans ledit palais, et en cas de réussite, de payer un certain quantum, soit à la ville, soit aux pauvres. »
Quelle a été la réponse de la ville à cette requête un peu particulière ? Mystère !
Boues et animaux morts
Le terrain du palais est accordé au 18e siècle à une entreprise « d’enlèvement des boues et bourriers (immondices, ndlr) de la ville. »
L’enlèvement comprenait alors « toutes les boues, bourriers, immondices amoncelés, chiens et chats morts, fumiers et terres. »
Ces dépôts seront mis dans un des dépôts de la ville, dont « l’enclos du Palais Gallien » faisait partie.
Une entreprise de fiacres
En 1774, la ville vend le terrain à une entreprise de voitures publiques (fiacres), appartenant au sieur Duhaultois, « dont la jouissance gratuite lui était donnée pour 29 ans, à la charge cependant de ne rien faire qui pût dégrader le monument. »
N’ayant pas d’eau à disposition pour ses chevaux, il déménagera plus tard près de la Chartreuse, sur le Peugue.
Destruction partielle !
Quasiment un tiers du palais était encore sur pied, en 1792, quand il est vendu comme bien national.
Le monument va être rasé par les autorités locales !
Avaient-ils lu le prospectus publié en 1783 par un certain Dom Carrière, qui ne croyait pas à la valeur historique du monument ?
« On ne reconnaît, dans l'amphithéâtre de Gallien tel que nous le voyons aujourd’hui, ni le ton de grandeur, ni le goût qui caractérisait les autres ouvrages des Romains en ce genre. Sans doute, il faut croire que ces masses informes, qui n'offrent qu'une surface nue et grossière et une architecture digne des Wisigoths, étaient comme des murs d'attente qui devaient recevoir un revêtement plus magnifique. »
En 1800, le préfet de la Gironde, monsieur Thibeaudau, tente d'arrêter la destruction.
Mais trop tard... ceux qui ont acheté des terrains ici vont construire des maisons ! Ils détruisent la grande porte à l'est : seule reste aujourd'hui celle de l'ouest.
Sources
- Pierre Bernadau. Le viographe bordelais. 1844.
- Le palais Gallien à Bordeaux. In Le Magasin pittoresque (41e année). 1873.
- Pierre Larousse. Grand dictionnaire universel du 19e siècle, article Bordeaux (tome 2). 1865.
- Alexandre du Mège. Archéologie Pyrénéenne (tome 1, partie 1). 1858.
- Patrice-John O'Reilly. Histoire complète de Bordeaux. 1857.
- Bordeaux : aperçu historique, publié par la municipalité bordelaise. 1892.