Une petite histoire du château de Noirmoutier : Aladar Kuncz captif
Le château de Noirmoutier n’est plus qu’une prison sinistre, en ce début de Première Guerre Mondiale. Un gros monstre gras, tapi, à la gueule fétide, une haleine glacée chargée de relents de crasse et de pisse.
Avec des hommes à l’intérieur de son estomac de pierres froides. Des hommes perdus. Livrés aux griffes de leur folie... Voilà l’histoire de l’un d’eux, l'écrivain hongrois Aladar Kuncz.
L'aventure, puis la désillusion
On ne connaît pas forcément Aladar Kuncz (1885-1931) : pourtant, il a été prisonnier au château de Noirmoutier, en 1914, pendant 2 ans.
À l’époque, on y enferme les ressortissants de pays ennemis, comme les Allemands et les Austro-hongrois, dès le début de la Première Guerre...
La guerre, Aladar s’en fiche bien : ce fana de culture française se fait un petit road-trip dans l’Ouest de la France. Tout va bien... jusqu’à l’entrée en guerre. Panique ! Il tente de rentrer chez lui en 4e vitesse, mais on l’arrête. Pour le cloîtrer au château de Noirmoutier...
Une tentative, dans la nuit sombre...
Le choc est violent : Aladar réalise brusquement que quatre murs sinistres et humides l’entourent. Impossible pour lui de rester là. Il tente alors une évasion... avec deux autres collègues, en creusant un tunnel pendant 3 semaines.
Mais une fois dehors, englués dans une nuit de ténèbres où la tempête rugit, c’est le doute horrible. Impossible de prendre la mer. Où aller alors ?! Amers, ils finissent par re-rentrer dans leur cellule, rebouchant le trou avec des gravats.
Oh, le maton avait tout vu mais ne dira rien, cimentant discrètement la brèche...
Le Monastère noir
Aladar parlera de sa détention dans son roman Le monastère noir (Fekete Kolosto), publié en France en 1931 :
« Au bout de quelques mois de captivité, je me perdais parfois complètement dans un monde imaginaire. Les baquets pour la toilette, les barriques des bains mensuels dans la cave infestée de rats, les cabines exposées à la pluie et à la neige, les chambrées surpeuplées et pourries de vermine, rien de tout cela ne fut modifié. Dans les dortoirs empuantis, il était interdit de fumer. Il fallait se lever à sept heures exactement. Le soir, à partir de neuf heures, défense de souffler mot, défense d’aller sur la terrasse... »
Un succès critique et public sans pareil... Et dans la cour du château de Noirmoutier, une plaque commémorative rappelle les faits, depuis son inauguration en 2001.
Sources
- Jean-Léon Muller. Une mémoire hongroise particulière : le cas d'Aladár Kuncz. Guerres mondiales et conflits contemporains (n° 228). 2007.
- Article en ligne du quotidien Ouest-France. Le château de Noirmoutier, geôle des ennemis. 02/08/2014.