1 - Le lion flamand du beffroi
Cette grosse tour carrée en grès, de style gothique, mesure 64 mètres de haut et 40 mètres au niveau de sa plate-forme.
À son sommet, c'est tout un hérissement de tourelles et de girouettes, avec un lion des Flandres tenant une bannière entre ses pattes, flanquée du D de la ville.
L’incendie de Pâques 1471 (le feu de meschief) brûle totalement le sommet du beffroi (horloge, cloches, flèche).
Un an plus tard, tout est reconstruit : de cette époque date le premier lion des Flandres, toujours là aujourd'hui !
Entre le 16e et le 18e siècle, il a changé de forme, soumis aux vents, à la pluie :
- en 1525, il recevait la couronne impériale de Quint ;
- en 1576, la bannière est peinte aux couleurs du blason de l'Espagne ;
- en 1682, menaçant de tomber, il est remplacé par un nouveau lion...
2 - Privilège oblige !
Au 12e siècle, les bourgeois de Douai élisent 12 échevins pour traiter des affaires judiciaires, administratives et financières de la ville ; le beffroi devient le symbole des droits et libertés communales.
Seules les villes jouissant de tels droits avaient le privilège de construire un beffroi !
En 1380, le chantier débute : on se sert des pierres du vieux château de Cantin, non loin de Douai.
Mais en 1393, les travaux s'arrêtent, pour une quinzaine d'années : les ducs de Bourgogne viennent de décréter la construction de nouveaux remparts, autour de la ville. Prioritaire sur le beffroi...
Le duc Jean sans Peur, à ceux qui lui montraient le beau beffroi en cours de construction, dit d’ailleurs qu' « il n'était tant vaillable à cela de travailler qu'à la fortification de la ville » !
Le chantier reprend dès 1408, pour s'achever 5 ans plus tard.
3 - Le jour où Victor Hugo a croqué le beffroi
Victor Hugo a beaucoup voyagé, entre 1834 et 1871 : Belgique, Rhin, Espagne, Luxembourg... et le Nord de la France, entre 1834 et 1837 !
Il raconte ses périples dans des lettres à ses proches, comme autant de carnets de voyage.
Le 14 août 1837, il est à Douai (En voyage, tome 2) :
« Je n’excepterais même pas Douai s’il n’y avait pas là le plus joli beffroi de ville que j’aie encore vu : figure-toi une tour gothique, coiffée d’un toit d’ardoise, qui se compose d’une multitude de petites fenêtres coniques superposées ; sur chaque fenêtre une girouette, aux quatre coins, une tourelle ; sur la pointe du beffroi un lion qui tourne avec un drapeau entre les pattes ; et de tout cet ensemble si amusant, si fou, si vivant, il sort un carillon. Dans chaque petite lucarne, on voit se démener une petite cloche qui fait rage comme une langue dans une gueule. J’ai dessiné cette tour, et quand je regarde mon dessin, tout informe qu’il est, il me semble encore entendre ce joyeux carillon qui s’en échappait, comme la vapeur naturelle de cet amas de clochetons. »
Le dessin dont il parle ? Le voilà, réalisé au crayon sur vélin, et conservé à la Maison de Victor Hugo (Hauteville House) !
4 - Le peintre Camille Corot a immortalisé le beffroi de Douai
Le célèbre peintre Camille Corot peint Le Beffroi de Douai en mai 1871, aujourd'hui au musée du Louvre.
Il immortalise le monument installé à une fenêtre au 1er étage d'une maison, à l'angle de la rue du Pont-à-l'Herbe et de la rue de la Cloris.
Il y consacre en tout 20 séances, tous les après-midis, entre 14 h et 18 h !
Il écrira à un ami, content de lui : « Je mets la dernière main au Beffroi de Douai : œuvre splendide. »
5 - Louis Watteau et son Gayant de Douai
Il est le neveu du célèbre Antoine Watteau, peintre des fêtes galantes, originaire de Valenciennes : Louis Watteau (1731-1798).
Il immortalise lui aussi le beffroi de Douai, dans cette toile intitulée La Famille du grand Gayant de Douai (1780), aujourd’hui au musée de la Chartreuse de Douai !
Gayant, c’est un de ces mythiques géants typiques du Nord de la France et de la Belgique.
Figures gigantesques représentant des héros fictifs ou réels, elles sont portées dans les rues les jours de carnavals et autres fêtes.
L'un de ces célèbres géants s’appelle Gayant, symbole de la ville de Douai : il aurait délivré la ville d’un siège, à une époque indéterminée...
6 - Le gratin défile au beffroi (et fait sonner les cloches)
C'est une tradition, à Douai, pour les échevins, de faire monter le gratin tout en haut du beffroi !
Comme ce jour de 9 février 1532, où l’on accueille le conseiller de Charles Quint, le sieur de Themsicke.
Parvenu en haut du monument, il voit comme la ville « était moult belle, commodieuse et propice pour faire ce qui appartient à maisons, collèges, bourse et pédagogies. »
Le 21 février 1478, Douai reçoit l'illustre visite de l'archiduc d'Autriche Maximilien, époux de la duchesse Marie de Bourgogne.
Il monte aux côtés des bourgeois « tout amont le beffroi ; et sonna le timbre pour voir le lieu et les cloches sur quoi on frappait et sonnait quand les gens d'armes en temps de guerre venaient atour de la ville. »
7 - Le carillon du beffroi
Le carillon actuel de 18 tonnes comprend 62 cloches : il remplace petit à petit celui fondu en 1917 par les Allemands, successivement en 1924, 1953 et 1973.
La première mention du carillon date de 1390, avec les petites cloches de l'horloge sonnant les quarts et la demie.
Elles portent le nom d’appiaulx. que l'on doit « batteler » avec des maillets de bois (clipotiaux).
Un an plus tard apparaît le nom du tout premier carillonneur du beffroi, le Douaisien Jean Lourdel.
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8 - Un carillon, 3 airs différents !
Les cloches du beffroi rythmaient les journées des Douaisiens, du matin à la tombée de la nuit.
Aujourd'hui encore, des airs appelés « ritournelles » sont joués au carillon à l'heure, au quart et à la demie :
- À l'heure : extrait des Puritains, opéra de Bellini (1835) ;
- à la demie : La Barcarolle, extrait de l'opéra-comique Marie (1826) d'Hérold ;
- au quart d'heure : Gayant (1775), contredanse composée par le grenadier Lajoie, en garnison à Douai ;
- aux trois-quarts d'heure (air ajouté en 1954) : autre extrait de Gayant, repris par Tolbecque.
Sources
- Alfred Asselin. Monographie du beffroi de Douai (1387-1870). 1875.
- Office de Tourisme de Douai. Douai et son beffroi. Éditions Ouest-France, 2016.
- Alfred Robaut. L’œuvre de Corot. 1905.
- Chrétien Dehaisnes. Le Nord monumental et artistique. 1897.