
1 - D'où vient le nom de la tour ?
Qui est ce Pey Berland à qui l'on doit cette haute tour, construite sous ses ordres en 1440 ? L'archevêque de Bordeaux Pierre Berland, né en 1375 ! Pey veut dire Pierre, dans le patois du sud de la France…
Fils d’un cultivateur aisé, il fonde l’Université de Bordeaux et embellit la cathédrale bordelaise de Saint-André.
2 - Il s'agit du clocher isolé de la cathédrale
La tour Pey-Berland ? Il s’agit du campanile de la cathédrale Saint-André ! Construite sur un ancien cimetière existant depuis la fin du 11e siècle, ce clocher indépendant de sa cathédrale n’a rien d’étonnant dans le Sud-Ouest : il y a bien le clocher de Saint-Émilion. Et tenez, à Bordeaux, on a aussi celui de la basilique Saint-Michel !
Avec sa chapelle sépulcrale au rez-de-chaussée, la tour Pey-Berland servait probablement également de lanterne des morts.
Avec ses 3 étages et sa haute flèche, l'édifice culminait à près de 80 m ! En tous cas, avant que la flèche ne soit détruite à la Révolution, en 1793.
3 - On a frôlé la destruction...
Le 23 avril 1793, le directoire du district de Bordeaux vend la tour Pey-Berland pour la somme de 18 000 francs à un sieur Lavalette, lors d’une vente publique. À une condition : que l’acheteur démolisse, dans un délai de 3 mois, la tour et sa flèche !
Lavalette retrousse ses manches et s’attaque à la flèche : on dit même (témoin oculaire à l’appui) qu’il y va à coup d’explosif !
Le haut de la tour tombe, les débris recouvrant entièrement la place Saint-André.
Mais voyant l’ampleur de la tache qu’il lui restait, ne pouvant l’accomplir dans les 3 mois impartis, Lavalette prend tout ce qu’il peut comme matériaux, fer, plomb, bois, et laisse la tour en plan.
Le contrat est finalement résilié : l’État redevient propriétaire de l’édifice jusqu’en 1820.
4 - Le clocher transformé... en tour à plomb de chasse !
La tour Pey-Berland est vendue 5050 francs, en 1820, à un certain Bigourdan. Un industriel qui la transforme en tour à plomb, c’est-à-dire en fabrique de plomb de chasse ! C’est une reconversion industrielle monnaie courante, à l’époque !
Une tour à plomb, c’est une haute tour spécialement conçue pour la production industrielle de grenailles de plomb, de munitions.
Comment procédait-on ? Le plomb était monté au sommet de la tour sous forme de lingots fondus sur place. On le faisait ensuite s’écouler du haut de la tour à travers une grille : on obtenait ainsi des gouttelettes de plomb qui s’arrondissaient et durcissaient pendant leur chute. En bas, un bassin d’eau leur permettait de refroidir.
Du coup, n’importe quelle tour faisait souvent l’affaire : clochers d’églises, donjons... comme ici à Bordeaux.
En tous cas, il avait été stipulé dans le contrat de vente de Bigourdan qu’aucune altération ne pourrait être faite à l’extérieur, et que la tour ne « pourrait être démolie sous aucun prétexte. »
On retrouve pourtant toutes les croisées de la tour bouchées, et il faut « consolider tout l’intérieur de la tour, relever les voûtes, remplacer les pierres calcinées par les fourneaux de la fabrique de plomb, refaire l’escalier, la galerie, les quatre clochetons. »

5- Notre-Dame d’Aquitaine
En 1850, L’État rachète la tour 15 000 francs et la restaure. À son sommet, en 1863 on installe une statue : celle de Notre-Dame d'Aquitaine, due au maître orfèvre Chertier.
« La statue de Notre-Dame d’Aquitaine a été érigée le jeudi 5 mars 1863, à 8 heures et demie du matin. L’opération avait été commencée la veille à 4 heures de l’après-midi, mais de crainte de rencontrer quelques difficultés pour la mise en place, on suspendit le hissage, lorsque la statue fut arrivée à la hauteur des dernières croisées de la tour. À cette hauteur, on l’appuya sur de fortes traverses, et l’on renvoya au lendemain 8 heures la continuation de l’ascension. Le jour suivant, les hommes se replacèrent au treuil, et à 8 heures et demie, tout était terminé. »
Sources
- Louis Desgraves. Évocation du vieux Bordeaux. 1976.
- Guide Joanne : de Paris à Bordeaux. 1879.
- Hiérosme Lopes. L'église métropolitaine et primatiale Saint-André de Bordeaux (tome 1). 1882.
- Étienne Barthe. Vie de Pey-Berland, archevêque de Bordeaux. 1863.
- Dépliant-guide Tour Pey-Berland. Centre des Monuments Nationaux. 2019.