Petite histoire de la citadelle de Besançon en 9 anecdotes

De 58 à 1943

Vue d'avionVue d'avion | ©Groumfy69 / CC0

1 - Jules César fait entrer le site de la citadelle dans l’Histoire

Jules César évoque déjà le mont Saint-Étienne, point stratégique sur lequel l’actuelle citadelle a été construite, dans sa Guerre des Gaules (De bello gallico), en l'an 58.

À l'époque, Besançon s'appelle Vesontio : César l’attaque après avoir appris qu'Arioviste, un roi germain ennemi, voulait s'en emparer.

César note l’importance stratégique du lieu (traduction vue dans Guide illustré des campagnes de César en Gaule de Léopold-Albert Constans) :

« Cette place possédait en très grande abondance tout ce qui est nécessaire pour faire la guerre ; de plus, sa position naturelle la rendait si forte qu’elle offrait de grandes facilités pour faire durer les hostilités ; le Doubs entoure presque la ville entière d’un cercle qu’on dirait tracé au compas ; l’espace que la rivière laisse libre ne mesure pas plus de 16 000 pieds, et une montagne élevée le ferme si complètement, que la rivière en baigne la base des deux côtés. Un mur qui fait le tour de cette montagne la transforme en citadelle et la joint à la ville. »

Vue depuis la citadelle de BesançonVue depuis la citadelle de Besançon | ©Patrick - Morio60 / Flickr / CC-BY-SA

2 - La citadelle, entre projets des Habsbourg et de Vauban !

Si la citadelle actuelle est de Vauban, l’idée n’est pas de lui !

Dès le 15e siècle, les puissants Habsbourg règnent sur le comté de Bourgogne, future Franche-Comté annexée par Louis XIV en 1678, date à laquelle elle devient définitivement française.

Mais entre les deux dates…

  • Déjà, dès 1519, Charles Quint (qui appelle Besançon le « bouclier » de son empire) ordonne l’amélioration des fortifications médiévales, comme la porte Notre-Dame (en contrebas de la citadelle) ;
  • en juin 1668, la ville est occupée par les Français... qui commencent, avec Vauban, leurs propres travaux d’aménagement d’une citadelle (construction du Front de secours), avant de devoir (traité oblige) rendre Besançon aux Habsbourg ! Qui poursuivent leur projet de citadelle, avec notamment le front Royal. Sa construction commence dès la fin 1668, sous la direction de Prosper-Ambroise de Precipiano, « gouverneur des forts faits et à faire », à l’emplacement du projet des Français.

La France reprend Besançon en 1674 : Louvois charge Vauban de transformer la place-forte en citadelle de premier rang, « l’une des meilleures de l’Europe, sur laquelle le roi peut se reposer plus que sur une autre qui soit dans son royaume. »

Tout est achevé en 1711.

Citadelle de Besançon : Front royalCitadelle de Besançon : Front royal | ©Patrick - Morio60 / Flickr / CC-BY-SA

3 - Le puits le plus profond de France se trouve ici

C'est bien un puits, abrité sous son toit, avec sa roue en cage d'écureuil pour remonter l'eau, que l'on voit au cœur de la citadelle.

Il s'agit en fait du puits le plus profond de France, devant son collègue doubsien du château de Joux et celui de Cordes-sur-Ciel dans le Tarn !

Un ingénieur de l'IGN l'a mesuré à 117 mètres, en 2015. Un puits dont le creusement commence en 1681, en plein travaux de Vauban ; l’eau puisée est toutefois saumâtre, utilisée seulement pour le nettoyage et les animaux.

Le puits a notamment été exploré en 1944 : les spéléologues partent à la recherche d'éventuels restes de résistants fusillés dans la citadelle, par les Allemands. Ils ne trouvent rien...

Mais lors de l'exploration en 2015, surprise ! On trouve des sacs entiers... de détritus plastiques, jetés par les visiteurs !

Citadelle de Besançon : le puitsCitadelle de Besançon : le puits | ©Thomas Bresson / Wikimedia Commons / CC-BY

4 - La guérite du capucin : Louis XIV visé par un moine !

Le chemin de ronde de la citadelle est émaillé de plusieurs guérites, dont les plus connues sont celles du Roi et de la Reine.

L'une d'elles a servi (selon la tradition) pendant le siège de 1674, qui oppose le Saint-Empire (les assiégés) aux Français (les assiégeants) : un moine capucin tire… sur le cheval de Louis XIV !

Cela faisait des jours que le moine observait tout ce que faisaient les canonniers, dans la citadelle. Agacés par sa présence, ces derniers se moquent de lui.

Le moine rit, leur lance qu'un capucin peut être aussi habile qu’eux au canon !

Voient-ils le camp ennemi des assiégeants, en face des remparts de la citadelle ? Voient-ils le roi à cheval ? Avec ce canon-là, il tuera sa monture sous lui ! On le laisse faire... il vise, le boulet tonne, et abat le cheval !

Le roi tombe, tempête, jure de brûler la ville sitôt prise ! Une fois victorieux, on lui apprend que c'est un moine qui l'a visé, et dans quelles circonstances.

Furieux, puis étonné, Louis XIV se venge en faisant défendre aux capucins d'avoir dans leur église des confessionnaux, pendant 101 ans…

Citadelle de Besançon : guérite du RoiCitadelle de Besançon : guérite du Roi | ©Damien / Flickr / CC-BY-SA

5 - Une prison pour les protagonistes de l’affaire des Poisons

Comme d'autres forteresses (Belle-Île, Vincennes, Villefranche-de-Conflent, Salses), la citadelle de Besançon sert de lieu de détention pour des protagonistes de la célèbre affaire des Poisons.

Sombre histoire d’empoisonnements et de messes noires, impliquant la cour de Louis XIV, à Versailles...

Y sont détenus les plus importants :

  • l'abbé Guibourg (qui célèbre des messes noires), condamné à la prison à vie en 1680 ; il meurt en 1686 à la citadelle ;
  • le sorcier Lesage, le fournisseur de poisons Philippe Galet, Romani.

Le 16 décembre 1682, le ministre Louvois écrit à l'intendant de Franche-Comté Chauvelin, responsable de la citadelle de Besançon :

« Surtout, recommandez à ces messieurs d'empêcher que l'on entende les sottises qu'ils pourront crier tout haut, leur étant souvent arrivé d'en dire, touchant Mme de Montespan, qui sont sans aucun fondement, les menaçant de les faire corriger si cruellement au moindre bruit qu'ils feront, qu'il n'y en ait pas un qui ose souffler » !

Louvois évoque aussi au le traitement sévère réservé à Lesage, en cas de désobéissance :

« S’il voulait en faire difficulté, vous l’y obligeriez en le mettant au pain et à l’eau et en le faisant bien étriller le matin et le soir, jusqu’à ce qu’il soit résolu à vous dire la vérité ; vous ne sauriez agir trop durement envers ce fripon-là, qui pendant tout le temps qu’il a été à Vincennes, n’a jamais dit un mot de vérité. »

10 ans après le procès, la moitié des prisonniers de l'affaire sont morts en prison.

En 1714, le nouveau gouverneur de la citadelle de Besançon se fait gronder : il a osé enlever ses chaînes à Romani ! Qui meurt cette année-là, après plus de 40 ans au trou.

L'avant-dernier survivant de l'affaire des Poisons...

Citadelle de BesançonCitadelle de Besançon | ©Zairon / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

6 - L'évasion du comte de Bourmont

Le comte de Bourmont (1773-1846), général du Premier Empire, est arrêté par le premier consul Bonaparte, car considéré comme royaliste. Enfermé au Temple à Paris, il se fait transférer à Besançon en juillet 1801.

Ses conditions de détention sont dé-plo-rables ! Il se retrouve à dormir au sol sur de la palle humide, avec pain noir et eau.

Son épouse Juliette obtient un temps de partager sa captivité. Elle donne même naissance à une fille, en prison : Cita. Drôle de prénom ! Cita, pour citadelle, le lieu de sa naissance !

Après plus de 3 ans de captivité, Bourmont s'évade une nuit d'août 1804 avec son ancien aide-de-camp, Hingant de St-Maur.

Le jour, ils sont ensemble. La nuit, on les enferme dans leurs cellules respectives, séparées par la salle des gardes. Ils placent des mannequins de paille dans leur lit, coiffés de bonnets de nuit.

Aux inspections de la nuit et du matin, on les croit couchés. Ce n'est que tard dans la matinée, que l'on se rend compte de l'évasion !

On trouve dans la chambre de Bourmont, au fond d'un placard, un trou dans le mur menant à un cabinet non habité. Bourmont en a forcé la serrure et a atterri dans la cellule de son ami. Par une fenêtre dont ils scient les barreaux, ils sont descendus du haut du rempart par une corde, et s’échappent, direction le Portugal.

Bourmont reviendra en France en 1808, pour s’y faire arrêter et assigner à résidence, pour son évasion de la citadelle !

BourmontBourmont | ©Rijksmuseum / CC0

7 - Les fusillés de 1943

Occupée par les Allemands dès juin 1940, la citadelle devient, entre 1941 et 1944, le triste théâtre de l'exécution d'une centaine de condamnés à mort.

Parmi eux, le 26 septembre 1943, 13 résistants du groupe F.T.P. « Guy Mocquet », tous originaires des environs de Besançon.

Ils sont accusés de 25 attentats, dont destructions de voies ferrées et de pylônes électriques. Le plus jeune de ces hommes... n'a que 16 ans !

Son nom ? Henri Fertet. Resté célèbre par la dernière lettre qu'il écrit à ses parents, qui se termine par ces mots :

« Les soldats viennent me chercher. Je hâte le pas. Mon écriture est peut-être tremblée ; mais c'est parce que j'ai un petit crayon. Je n'ai pas peur de la mort ; j'ai la conscience tellement tranquille. [...] Adieu, la mort m'appelle. Je ne veux ni bandeau, ni être attaché. Je vous embrasse tous. C'est dur quand même de mourir. »

Citadelle de Besançon : Front de secoursCitadelle de Besançon : Front de secours | ©MOSSOT / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

8 - La mort d'un général de la Wehrmacht

Entre 1944 et 1948, les Alliés enferment des prisonniers de guerre allemands, à la citadelle de Besançon. Parmi eux, le général de la Wehrmacht von Brodowski.

Le plus tristement célèbre, car tenu responsable du massacre d'Oradour-sur-Glane, dès son arrivée en prison à Besançon...

Après 1 mois de captivité, Brodowski se fait isoler au Front royal. Tous les FFI savent qui il est. Or, ce 28 octobre 1944, un jeune FFI de 17 ans, chargé de sa surveillance, le tue. Jean Meyer.

Qui racontera que le général l'a agressé pendant sa pause. Meyer lui tire alors une balle dans le ventre, puis dans la tête. Par peur, racontera-t-il des décennies plus tard !

Sur le moment, Meyer est blanchi, le corps du général inhumé au sein de la citadelle, avant son transfert en Allemagne dans les années 1950.

Malgré la discrétion, Hitler apprend la nouvelle. Il fait abattre quelques mois plus tard, en représailles, un général français détenu en Allemagne.

Bâtiments des CadetsBâtiments des Cadets | ©Zairon / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

9 - Les cadets de Louis XIV

Devenue caserne, la citadelle abrite, entre 1682 à 1694, une école de cadets issus de la petite noblesse, âgés de 14 à 25 ans.

Un an plus tard, le roi et la reine viennent passer en revue les 400 élèves : ravi de l’établissement et de la formation des futurs officiers, le roi donne aux deux plus jeunes une épée d’argent !

Atteignant le nombre de 600, les cadets reçoivent une solide instruction militaire et scientifique.

Des cours et des exercices 8h par jour : escrime, tir, équitation, mathématiques, géométrie et lecture, sans oublier leçons de dessin, allemand et géographie.

Sources

  • Besançon. réseau des sites majeurs de Vauban, sites-vauban.org.
  • Savez-vous que Besançon possède le puits le plus profond de France ? 11/05/2021. L'Est Républicain, estrepublicain.fr.
  • Depping. Voyage de Paris à Neufchâtel en Suisse, fait dans l'automne de 1812.
  • Philippe Sauter. L’ado qui tua le général allemand. 03/05/2017. L'Est Républicain, estrepublicain.fr.
  • Collectif. Les poisons : mort et scandale à la cour de Louis XIV. Omnibus, 2012.
  • Collectif. Les énigmes de l'histoire de France. Perrin, 2018.
  • Ernest d'Hauterive. Police secrète du Premier Empire.
  • Henry d'Estre. Bourmont : la chouannerie, les Cent jours, la conquête d'Alger (1773-1846). 1934.
  • Laissez-vous conter la Citadelle. Document édité par la Ville de Besançon - Direction de la Culture et du Patrimoine - service du Patrimoine, pour les journées du Patrimoine, 2006. Clés pour l'histoire (Rectorat de l'académie de Besançon), clespourlhistoire.ac-besancon.fr.
  • Gaston de Beauséjour. La citadelle de Besançon sous Louis XIV. In Annales Franc-Comtoises 4e année tome 4, 1892.