Les hôtels du 16e siècle de Toulouse, de style Renaissance, racontent l'histoire de la ville au moment où elle a été la plus prospère.
À l'époque où de riches marchands font fortune grâce au commerce du pastel, ce pigment d'origine végétale d'une belle couleur bleue (aussi appelé guède), qui fait la fortune de toute la région.
L'hôtel de l'Espagnol Bernuy
Le pastel, ça rapporte
C'est le cas de Juan de Bernuy, gouverneur de Burgos ! Un Espagnol venu tenter sa chance à Toulouse, pour faire le commerce de ce fameux pastel.
Les Bernuy deviennent vite l'une des familles les plus riches et les plus respectées de toute la ville !
Juan devient même capitoul de son quartier et seigneur de nombreuses terres.
La tradition veut que notre homme se soit porté garant pour la rançon de François Ier, emprisonné à Pavie, en Italie.
Il aurait même reçu son roi quelques années plus tard, ici, dans son hôtel !
Plus haut que tout
Un hôtel qui va se construire sur l'hôtellerie des Balances, qu'il avait achetée au tout début du 16e siècle à monsieur de Belbèze.
Hôtel qu'il fait complètement transformer par les architectes Guillaume et Jean Langlois, dit Picard.
De cette époque datent :
- la vertigineuse tour d'escalier (la plus haute de la ville, mieux que le clocher de Saint-Sernin) ;
- la façade donnant sur la rue et la seconde cour.
Autrefois, la façade donnant sur la rue était surmontée de créneaux et de mâchicoulis, détruits au milieu du 19e siècle.
Dieu est avec eux ?
Dans la seconde cour, qui se situe entre gothique et Renaissance, la porte d'entrée est surmontée d'un ange, tenant une banderole avec la devise des Bernuy : Si deus pro nobis, « Dieu est avec nous. »
Ce qui frappe le plus ici, c'est bien la grande tour hexagonale construite par Mérigo-Cayla.
Un document d'archives nous dit d'ailleurs que Bernuy avait demandé à ce maçon d'élever une tour aussi haute que celle du procureur du roi !
Mais bon, Bernuy est un puissant capitoul, et grâce à ce titre, il a le droit de construire aussi haut qu'il le veut...
Les transformations
On reçoit le roi !
En 1530, Bernuy demande à Louis Privat, maçon et « tailleur d'images » comme on dit alors, de réaménager la première cour de son hôtel, avec leurs belles arcades.
En 1533, l'hôtel est achevé et Juan reçoit, on l'a dit, François Ier en grande pompe !
C'est l'historien Dumège qui nous en dit plus :
« En 1533 […] le Roi fut, le 4 août, dîner chez M. de Bernuy. La reine y vint aussi avec environ cent dames de sa cour, et Bernuy avait, de son côté, réuni dans son palais, les plus belles Toulousaines... »
On lit au roi le Chant Royal, composé exprès pour l'occasion et qui commence comme cela :
« Quand l'astre des saisons sur la céleste voûte, Épand le feu plus vif de ses rayons plus dorés, Et qu'alors le printemps revient marquer sa route Par les Champs verdoyants et de fleurs diaprés, Alors du Languedoc l'honneur et la merveille, La rose entrouvre aux yeux sa robe vermeille... »
Visites guidées
Puis, après la mort de Juan de Bernuy, son fils Jean élit domicile un temps dans l'hôtel.
Un collège de Jésuites s'y installe ensuite dès 1566, avant d'être supprimé en 1762.
L'hôtel abrite aujourd'hui le lycée Pierre de Fermat.
L'intérieur ne se visite donc pas, mais on peut, lors de visites guidées organisées par la ville, découvrir la cour et ses façades.
Source
- Henri Ramet. Histoire de Toulouse. 1935.