1 - Des similitudes avec Notre-Dame de Paris ?
L'église actuelle est construite entre 1500 et 1550, dans le style gothique flamboyant.
Mais pourquoi lui trouve-t-on parfois ce surnom de « Notre-Dame-la-Petite » ? Parce que l'on a ici le même plan que la célèbre cathédrale parisienne !
Et les comparaisons ne s’arrêtent pas là !
Certaines sculptures du portail central, dont les statues ont été partiellement saccagées pendant la Révolution, sont refaites en 1842 par Brun et Desprez.
Figurez-vous que les statuettes de la voussure, sont les copies de celles qui ornent la porte méridionale du transept de Notre-Dame (13e siècle) !
De plus, le chœur de Saint-Merri a été entièrement refait en 1752, ainsi que toute la décoration intérieure ; ainsi, l'église est
« un des exemples les plus intéressants de transformation baroque d’un édifice gothique, qui donne une idée de la façon dont se présentait, au 18e siècle, le chœur de Notre-Dame. »
2 - Le baphomet, le diable de Saint-Merri
Le diable à Saint-Merri ? Oui, regardez : il s’agit de cette pierre sculptée sur l’ogive d’une des portes de l’église, représentant un petit démon, cornu et barbu.
Il est à la fois féminin (les deux seins) et masculin (ses parties intimes dressées).
Alors ça ! Ça nous la coupe ! Mettre un démon sur une église, plutôt qu’un petit Jésus ou un saint... étrange, non ?
La tradition explique qu’il s’agit probablement d’un baphomet. Une idole rapportée par les Templiers (qui avaient leur commanderie non loin de Saint-Merri) d’Asie Mineure…
Mais on peut penser que la sculpture n’est pas si vieille que ça : elle ne daterait pas du Moyen Age, elle aurait été rajoutée au cours des restaurations du 19e siècle (1842 plus précisément).
L. de Ronchaud, mandaté par le ministère des Beaux-Arts, pour étudier l’église en 1870, note :
« Le petit démon qu’on voit à la pointe de l’ogive, à une place ordinairement réservée à l’image de Dieu, est une restauration. »
3 - La chaire... et son ange
La chaire, soutenue par ses deux impressionnant palmiers, date du milieu du 18e siècle : on la doit aux frères Slodtz, célèbres sculpteurs et décorateurs du roi.
Jusqu’à la Révolution française, elle est surmontée par une allégorie de la Religion.
Mais à cette époque, on s’attaque, sur les monuments publics, à tout ce qui de près comme de loin, se rattache à la royauté, la religion, la féodalité.
Fleurs de lys, statues de saints, tout doit disparaître… c’est ainsi que la statue de la Religion de la chaire est détruite, remplacée plus tard par l’ange en plâtre actuel !
4 - Le plus vieux bénitier de Paris
Oui ! On conserve à Saint-Merri un bénitier qu’on dit le plus vieux de Paris !
On voit gravé dans la pierre les instruments de la Passion, c’est-à-dire les objets utilisés dans les moments qui ont précédé la mort de Jésus. On trouve ainsi :
- la croix ;
- les clous et le marteau servant à la crucifixion ;
- l’éponge humide qui le désaltère…
Mais on y voit aussi les blasons de France et de Bretagne : fleurs de lis et hermines.
Ce qui ferait dater le bénitier du 15e siècle, puisqu’on aurait là les armes d’Anne de Bretagne et de Louis XII !
Remarquez que l’on a gratté les fleurs de lys, pendant la Révolution française.
5 - Les ribaudes et les curés de Saint-Merri
Les curés de Saint-Merri ont, à de nombreuses fois, demandé leur expulsion, au Moyen-Age… les ribaudes ! Qui avaient leur quartier autour de l’église.
Le roi saint Louis a pourtant tenté de limiter leur nombre, en ordonnant leur regroupement dans des rues bien précises, mais l’ordonnance n’est pas exécutée.
En 1367, le prévôt de Paris Aubriot fait appliquer l’ordre de saint Louis, exigeant que « les femmes prostituées allassent tenir leurs bordeaux » dans neuf rues désignées.
Or, parmi ces rues, deux sont voisines de Saint-Merri : la Court-Robert et la Baille-Hoë (donne-joie).
Le curé râle : en 1387, il obtient du prévôt l'expulsion des ribaudes. Mais les commerçants du quartier grognent à leur tour : l’absence de ces dames ne faisait plus marcher leur commerce !
Le Parlement entend leurs plaintes et leur donne raison en 1388 : les ribaudes reviennent.
En 1424, le curé se plaignant encore, il obtient qu’on regroupe les filles dans une rue uniquement, celle de la Baille-Hoë.
6 - La plus ancienne cloche de Paris
Dans la petite tourelle surmontée de son campanile en bois se trouve la plus vieille cloche de Paris, qui date de 1331, fondue par Jean de Dinant à Béthune.
On lui a donné le nom de Merri ou Merry, du nom raccourci de Médéric, abbé de Saint-Martin d'Autun.
À son arrivée à Paris, celui-ci s’installe non loin d’une petite chapelle Saint-Pierre-des-Bois, à l’emplacement de l’église actuelle.
Il s’y fait inhumer vers 700. Les miracles se multiplient sur sa tombe.
C’est sur la chapelle que l’évêque de Paris Gozlin construit une église dédiée à saint Merri et un reliquaire, à la toute fin du 9e siècle.
7 - Les vitraux Renaissance
Au 18e siècle, les églises médiévales gothiques, comme celle de Saint-Merri, ne sont pas au goût du jour.
Modifications, destructions vont bon train. Ainsi, comme bon nombre d’entre elles, les verrières du 16e siècle de Saint-Merri sont remplacées par de simples vitraux blancs !
Heureusement pour nous, toutes n’ont pas disparu ; il reste de magnifiques vitraux Renaissance un peu partout dans l'église.
8 - Lois et actes, une (rare) plaque de la Révolution
Insolite et incroyable ! Cette plaque, précieux vestige de la Révolution française, se trouve sous le porche de Saint-Merri.
Elle dit : « Loix et actes de l’Autorité Publique ».
Un arrêté sur l’affichage des lois, de 1791, établit une liste de lieux, à Paris mais aussi dans toute la France, « exclusivement destinés à recevoir les affiches des lois et acte de l’autorité publique ; qu’aucun citoyen ne puisse faire des affiches particulières dans lesdits lieux, sous peine d’une amende... »
Pour ce faire, les administrateurs des travaux publics de la ville de Paris font placer des plaques de marbre noir, avec, en lettres d’or, inscrit « Lois et actes de l’autorité publique ».
Les affiches, imprimées sur « papier blanc ordinaire », ne devront être placées que « dans un carré tracé par des lignes fortement prononcées » sur « les portions des murs. »
Plus tard, on remplacera les plaques en marbre par de l’ardoise, dont quelques-unes subsistent encore à Paris, à l’instar de celle de Saint-Merri !
Sources
- François Caradec. Guide de Paris mystérieux. Éditions Tchou, 2011.
- Jacques Hillairet. Connaissance du vieux Paris. Éditions Princesse, 1963.
- Guide Bleu Paris. Éditions Hachette, 1995.
- J. Silvestre de Sacy. Le Quartier des Halles. 1969.
- Gazette nationale ou Le Moniteur Universel, 1er janvier 1792.
- Collectif. La Révolution s'affiche. Fayard, 2019.