En revenant de la fête...
Le soir du 11 octobre 1711, une grande foule revient de la fête populaire de Saint-Denis-de-Bron, petite commune située à quelques pas de Lyon.
Tous les ans, les habitants de Lyon avaient pour habitude de s’y rendre nombreux, surtout par beau temps.
Les uns par dévotion, les autres pour respirer l’air de la campagne et s’amuser !
Comme il avait fait un temps magnifique, donc, beaucoup de gens, surtout les plus jeunes, restent tard le soir, jusqu’à la nuit tombée.
Les grilles sont fermées !
Puis, la foule, encore toute guillerette de la fête, se met en branle pour rentrer sur Lyon.
Pour regagner leurs pénates, et afin de traverser le Rhône, il n'existait qu'un seul et unique pont, très étroit : celui de la Guillotière.
Une foule monstre s'amasse bientôt devant l'entrée du pont. Mais… pourquoi ne traversent-ils pas ? Hé bien... on a fermé les grilles du pont, comme tous les soirs à la tombée de la nuit !
Soudain, une voiture, celle de madame Servient, dame de la Part-Dieu, déboule. Elle ne peut passer sans qu’on ouvre les grilles...
Perruques et tabliers perdus
A peine les lourdes portes entrouvertes, la foule se jette en masse grouillante sur le pont étroit. La panique s'installe !
On étouffe, on hurle, on tente de regagner le bout du pont. Mais là, horreur ! Les gardes viennent de refermer les grilles !
Près de 238 personnes trouvent la mort, écrasées ou noyées, dans un gigantesque et effrayant mouvement de panique...
« On assure, et selon toutes les apparences, que ce coup était prémédité, parce que la barrière demeura longtemps fermée ; et pendant ce temps-là, certaines personnes inconnues pillaient et volaient impunément ; les hommes y perdirent leurs chapeaux, perruques, cravates, manchettes et cannes, et leur argent fut pris dans leurs poches, avec les montres de ceux qui en avaient ; les femmes y perdirent aussi leurs coiffes, chaînes d’or, colliers, bagues et autres joyaux, jusqu’à leurs tabliers, souliers et jupes. »
Vol à la tire
« On entendait, ce qui fait horreur à dire, des femmes qui criaient : « Au nom de Dieu, sauvez du moins nos pauvres enfants ! » ; d’autres qui présentaient le reste de leurs joyaux, et disaient en versant des torrents de larmes : « Sauvez nous la vie ! » Mais ces scélérats, plus durs que le marbre, bien loin de les soulager, leur arrachaient du cou et des mains ce qu’elles avaient, et les assommaient à coups de bourrades et de bâtons. »
Les chevaux du carrosse de la dame Servient sont renversés et étouffés.
On ouvre finalement les portes deux heures après minuit...
Le bilan
On compte les blessés, les morts ; on emmène les premiers à l’Hôtel-Dieu, tandis que ceux restés en arrière pouvaient enfin passer sur le pont, lentement, calmement. Dans un silence de mort.
Le sergent Belair, qui avait ordonné la fermeture des portes du pont, est arrêté : il sera roué publiquement sur la place des Terreaux.
Quant à madame Servient, elle offrira à la ville de Lyon des terres de son domaine de la Part-Dieu, en 1725 : en expiation de ce terrible accident, dont elle avait été une cause involontaire...